Chapitre 2 : La chapelle [jeu d'enfant]

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Elle courait, de toutes ses forces, de toute son énergie. Non ! elle volait maintenant ! Ses jambes ne touchaient plus le sol, elle ne sentait plus ses pieds taper sur les sentier de terre. Juste son sang battre dans ses veines, son cœur exploser dans sa poitrine, son crâne se vider de toutes pensées parasites, de tous yeux vert imbibés de sang la fixant comme une assassin, comme un ouragan qui sortait de chaque pore de sa peau, de chacun de ses souffles, de chacune de ses idées. Elle vivait ; elle ne vivait jamais aussi intensément qu'en courant. Pourtant, déjà son corps la poussait à ralentir, sa respiration irrégulière à reprendre de l'air. Elle passa de la course au pas, fermant les yeux en prenant des respirations tremblante. Elle avait chaud, mais le vent saisonnier appelait déjà l'hiver et glissait sur sa peau humide en lui transmettant sa fraîcheur. Elle devait surement faire demi tour, revenir sur ses pas, arrêter d'avancer toujours plus loin dans les entrailles de la forêt. Pourtant, comme si l'inconnu appelait chacun de ses pas, elle continuait d'avancer en faisant des exercices pour les bras, pestant contre son cœur qui ne ralentissait pas assez vite. Sa mère lui crierait dessus quand elle rentrerait : c'était inconvenable pour une jeune fille bien éduquée, vampire ou non, de courir comme une sauvage dans la forêt - pieds nus en plus de ça. Était-ce de sa faute si c'était son idée propre de la liberté et si elle aimait la sensation de ses pieds écorchées par les épines et les cailloux de la route ? Sa mère ne semblait pas pouvoir le concevoir. Hortense n'avait pas envie de rentrer. Pas maintenant. Elle ne voulait pas être coincée dans sa chambre maintenant qu'ils avaient quittés Paris, où elle passait déjà quasiment tout son temps cloîtré entre quatre murs. Hortense sourit au souvenir de sa mère devenant presque folle de la voir courir en rond dans l'appartement. Elle lui en avait fait voir des belles.

Elle allait reprendre sa course folle, lorsqu'un éclat de soleil miroitant sur un bout de métal attira son œil. Elle s'arrêta pour regarder. C'était une grande porte en fer d'un style gothique, enfoncée entre les arbres. Sans savoir pourquoi, Hortense regarda à droite puis à gauche pour voir s'il n'y avait personne, avant de s'éloigner du sentier pour marcher une vingtaine de mètre et faire face à cette imposante structure : elle paraissait plus petite vue du chemin. Les vitraux étaient délavés, mais il ne faisait nul doute que c'était un bâtiment religieux. Sans doute une chapelle, vue la taille et l'emplacement. Elle poussa la porte, qui était déjà entrouverte. Elle était lourde et le métal, glacé, et grinça lugubrement, raisonnant contre les arcs et les murs en vieilles pierres. Dans la poussière du sol étaient déjà inscrit des traces de pas, anciennes ou plus récentes. La lumière était faible à cause de la poussières des vitraux, qui ne laissait déjà pas passer grand chose propre.

« Il y a quelqu'un...? » demanda-t-elle à voix haute.

Mais seul le silence lui répondit. Elle n'entendait que son cœur battre à vive allure. Calme toi, idiote, ce n'est pas la maison du grand méchant loup. Elle avança quelques pas et eut l'impression d'entrer dans une chambre froide. Elle frissonna et se concentra de toutes ses forces à ne pas trembler et se mettre à grelotter. Si ennemis il y avait, elle ne voulait pas s'humilier. Ennemis... non mais tu t'entends penser sérieusement ? Quel sorte d'ennemi pourrais-tu trouver dans une chapelle abandonnée en plein milieu de la forêt ! Même des brigands seraient allés ailleurs. Pas sûr. Elle entendit un craquement derrière elle, et se retourna vivement. Un oiseau qui avait fait son nid dans un trou du mur s'envola d'un coup et sortit par une des vitres cassée. Un oiseau, un oiseau... c'est juste un oiseau. Elle sentit un regard sur sa nuque, et se tourna à nouveau. Il n'y avait personne, elle devait se faire des idées. Si tu as si peur, sors de là, imbécile ! Elle secoua la tête. Elle préférait affronter le danger que fuir comme une lâche, même si tous les pores de sa peau lui criaient l'inverse. Elle avança rapidement jusqu'à l'autel, surélevé lui-même sur une estrade. Un autre craquement la fit se retourner vivement à nouveau. Cette fois-ci, aucun oiseau ne s'envola pour donner tort à sa paranoïa. Elle fouilla l'immense pièce du regard, mais ne vit rien. Elle recula lentement, jusqu'à se cogner contre la marche et tomber à moitié sur le côté de l'autel. Elle se redressa le plus dignement possible et continua à chercher une présence du regard.

« Qui est là ? » lança-t-elle fortement en rassemblant tout son courage dans ses poings serrés.

Un petit rire d'enfant retentit une seconde, mais fut directement étouffé. Hortense fit plusieurs tours sur elle-même en cherchant l'enfant. Mais elle ne vit personne encore une fois. Quand elle fut au summum de sa peur, un cri de guerre enfantin retentit comme les cloches de Notre-Dame à ses oreilles et elle leva les yeux pour voir tomber du plafond au dessus d'elle plusieurs enfants en même temps. Elle eut un glapissement, avant de se faire écraser par un d'eux. Il avait la peau mâte, les cheveux blonds platines, et ses yeux rougeâtre brillaient. Qu'est-ce que c'était que ça ?! En trois secondes, elle fut ligotée de la tête au pied et posée sur l'autel comme un saucisson. Hortense remarqua pleins de petits détails insolites : les enfants avaient surement un peu plus d'une dizaine d'années, ils étaient cinq, tous vêtus avec des foulards autour du crâne, ou un faux cache-œil pour le deuxième garçon. Ils étaient sans aucun doute déguisés en pirates.

« Nous avons trouvé un otage, capitaine Louis ! » appela le garçon qui lui était tombé dessus avec un grand sourire.

Une autre forme tomba du plafond. Hortense redressa dignement le menton. C'était un garçon. Un très beau garçon. Il devait avoir son âge. Ses cheveux noirs étaient coupé au carré sur lesquelles reposait un imposant chapeau à plumes. Son visage était fin, presque féminin. Ses yeux ambré la regardaient avec une lueur taquine et interrogative, comme s'il se demandait qui Hortense pouvais bien être. Elle lui lança un regard mauvais, tentant de garder un minimum de contenance malgré sa position on-ne-peut-plus ridicule. Ses lèvres s'étirent en un petit sourire un brin arrogant. Il s'approcha d'un pas souple.

« Félicitation, moussaillons », dit-il à ses subordonnés.

Les plus jeunes sourirent fièrement, comme s'ils venaient d'obtenir la légion d'honneur par ce compliment. Le brun dégaina une sabre de bois et le tendit vers Hortense pour le placer au niveau de ma gorge. Il croit sincèrement m'impressionner avec un bout de bois ?

« Qui es-tu ? Je ne t'ai jamais vu par ici.
- Est-ce que vous pourriez d'abord me détacher ? Je ne trouve pas ce jeu très marrant », dit-elle.

Il haussa un sourcil. Le garçon à la peau brune s'approcha en souriant et défit les cordages.

« Je m'appelle Noé, et toi ? » demanda-t-il en souriant sincèrement.

Il se dégageait de lui une innocence attractive et apaisante, et Hortense eut envie de lui sourire en retour et de le prendre dans ses bras, comme un petit bébé.

« Je m'appelle Hortense. Ma famille vient d'emménager dans la maison du garde chasse.

- Oh ! Celle qui était inhabitée ?

- Celle-là, oui.

- Moi je m'appelle Mina ! sourit la fille blonde aux cheveux longs.

- Fanny ! dit l'autre fille, aux cheveux court blond vénitien avec des taches de rousseurs.

- Giles !

- Fred ! »

Ils étaient tous à peu près du même âge, surement deux ou trois ans de moins qu'elle. Hortense jeta un coup d'oeil au plus vieux, interrogateur. Il était le seul à ne pas s'être présenté. Elle croisa son regard et il sembla comprendre sa question car il haussa légèrement les sourcils en souriant - mais son sourire n'avait pas l'air spontané ou heureux.

« Louis. Louis de Sade. »

Le bonheur n'existe pas pour les suceurs de sang (Vanitas no Carte)Where stories live. Discover now