Chapitre premier

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Aujourd'hui 14 mai 1949, le jour de ses 19 ans, Aaron part avec une valise dans la capitale, mais pour un voyage qui le mènera très loin de son pays ! Pour l'heure, il a eu le temps de dire au revoir à ses parents et à sa petite sœur à Clovelly, de faire sa valise et de partir. Bien sûr il n'emmenait pas grand chose, quelques vêtements, une brosse à dent, et un peu moins de 1000 Livres Sterling sur lui...

Pendant les trajets, Aaron écrit, des poèmes à sa bien aimée, celle qu'il aime en sens unique depuis maintenant un an. La belle Hélène, qu'il a rencontré pendant ses études. Il aurait aimé voyager avec elle, mais cette année sabbatique comptait pour lui, et il ne voulait pas que ses sentiments prennent à nouveau contrôle de ses humeurs. Aaron regardait par la fenêtre du bus... Il y voyait des champs à perte de vue. Parfois il passait à travers un bosquet. Le soleil perçait à travers les feuilles, projetant des ombres sur son poème :

"Un temps, deux temps, trois temps,
Prendre le temps d'être encore un enfant
Pendant quelques minutes, danser,
Main dans la main, tourner et valser
Tu fais tournoyer ta robe dans le vent
Je te fais valser comme un amant
Un pas en avant, un autre en arrière
Je mène la danse mais je fais semblant
Le rythme des violons, effréné
Tape dans mon cœur comme une lame acérée
Et quand le morceau fut fini
J'ai pris ton cœur pour fuir loin d'ici
Et quand la valse fut finie
Nous nous sommes endormis..."

Aaron ne pouvait s'empêcher de s'évader en observant l'horizon, et il fallait le comprendre ; le bus était d'une insalubrité déconcertante. Tous les sièges étaient couverts de poussière, parfois de cendres et de mégots pour les moins chanceux. Les sièges étaient troués et de la mousse moisie en ressortait. Les porte-bagages étaient à moitié déchiquetés, quand ils étaient encore accrochés. Le bruit du moteur - qui ressemblait plutôt au bruit d'un moteur de tracteur - combiné aux vibrations des vitres et des grincements d'on ne sait où n'avait rien de rassurant... Les gens étaient bruyants, riaient fort et se déplaçaient sans cesse. Des étrangers pour la plupart, quelques réfugiés italiens et portugais qui n'avaient pas trouvé refuge en Amérique et qui voulaient tenter leur chance au Royaume-Uni, des hommes d'affaires anglais, peut-être des huissiers, ou des avocats, et d'autres dont on ne pouvait distinguer la classe sociale ou la profession. Deux français étaient assis juste devant Aaron, qui essayait de comprendre tant bien que mal grâce aux quelques mois d'études passés en France. Il trouvait cette langue magnifique, et voulait l'enseigner en Angleterre avant d'avoir l'idée de faire un tour du monde. Il se souvient de son université à Nancy, et des quelques amis qu'il avait rencontré là-bas, dont son meilleur ami clarinettiste, Hubert. Il se souvient aussi de ses amis de collège en Angleterre, il y avait Clément, un jeune franco-allemand qui voulait être professeur d'histoire, mais Aaron était persuadé qu'il avait un avenir dans le sport. Il avait déménagé à Clovelly avec ses parents pendant la Seconde Guerre mondiale. Il se souvient aussi de Théo, un poète trop peu connu, toujours à l'affût de concerts proche de chez lui. Et enfin il y avait Hélène... Une fille charmante, grande et brune, avec un don certain pour les arts graphiques, pour le piano et aussi la médiumnité. Toujours élégante, avec ses cheveux coupés en carré, et ses mains d'une douceur infinie... Un frisson de nostalgie parcouru Aaron alors que les passagers du bus se sont soudainement amassés près de vitres. Le bus entrait dans la capitale...

Il devait être 8 heures 30 du matin quand le bus passa devant les premières maison typiques londonniennes. Aaron secoua sa tête pour retourner à la réalité. Le bus arrivait sur une grande place au centre de la capitale, et freina dans un grincement assourdissant. Tous les voyageurs se bousculaient pour sortir de ce véhicule miteux. Aaron, émerveillé, attrapa sa valise à tâton, il était trop occupé à scruter les toits des bâtiments pour faire attention à sa façon de descendre les escaliers du bus. Il se heurta d'ailleurs à un des hommes d'affaire français, qui le regarda d'un air méprisant en lâchant quelques vulgaires insultes à l'égard des londonniens.

Les aventures de l'homme au chapeau : Ce n'est pas drôle, Mr. l'Haricot !Where stories live. Discover now