Le garçon s'éveilla, surpris par les coups répétés à la porte de sa chambre. Qui donc pouvait-il lui rendre visite à une telle heure ? Tous les résidents étaient tellement défoncés que pour eux, frapper du poing sur une porte relevait du miracle. Mais étant donné qu'il ne voyait personne d'autre, il estima qu'il avait un tant soit peu exagéré sur l'état de ses colocataires.
Apparemment, le dit concerné n'était point patient et tentait à présent d'ouvrir la porte, en vain pendant quelques dizaines de secondes puis finalement compris le mécanisme et actionna la poignée."Décidément, j'ai un problème avec les portes de cet immeuble." pensa d'abord Meagen, furieux d'avoir raté son entrée, pour après se faire la réflexion qu'aucune des portes n'était visiblement fermée à clé. La pièce qui se présentait à lui était relativement sombre, faute aux volets fermés. Néanmoins, ceux-ci laissaient passer la lumière du fait de leur état quelque peu pathétique.
Il ne vit pas tout de suite l'occupant de la chambre, s'intéressant tout d'abord au ameublement, succinct, de la pièce. Le tout se constituait d'un bureau, sur lequel était posé ce qui ressemblait à un carnet et une plume, d'une chaise et enfin d'un lit... Ça y est, il avait trouvé. Il chercha des doigts un interrupteur pour mieux percevoir la longue silhouette qui lui faisait face quand la lumière s'alluma comme par magie, enfin si on pouvait qualifier cela de "lumière" .
- Qui es-tu ? Que fais-tu là ? Qui t'envoies ? Et tu me dois 6, 75 hyases.
- Je... Pour..., décidément le bégaiement prenait la place de sa voix habituellement posée et froide.
- Le paillasson, indiqua de son doigt l'inconnu.
Stupéfait, Meagen regarda à ses pieds le tapis qui tenait lieu de paillasson, sali par ses bottes pleines de boue qu'il avait tachées en partant du Bureau. On apercevait encore le motif usé par le temps, à moins que ce ne fut une tâche non identifiée. Il reporta son attention sur l'homme qui lui avait parlé. Sa voix était légèrement différente mais c'était bien celle qu'il avait entendu dans les bureaux du SIEM, il y a quelques années. Son visage anguleux arborait deux yeux infiniment grands. Ses pupilles étaient encore plus larges que celles de la femme rencontrée quelques minutes auparavant. "Encore un drogué " remarqua le jeune soldat. Mais en y regardant de plus près, sa peau blanche comme la lune, indiquait une provenance nordique. Alors, les origines Edenniennes du garçon devinrent évidentes, expliquant aussi ses yeux pour le moins étonnants. Ce qui choqua le plus Meagen fut la jeunesse de l'homme. Il devait avoir tout au plus deux ans de plus que lui. Il hésitait entre décrire les traits du garçon comme disgracieux ou au contraire profondément attirants.
La voix reprit :
- Oh, bah merde alors, un gosse s'est échappé du jardin d'enfant !, puis faisant mine de réfléchir il reprit, tout compte fait tu es peut-être plus âgé : 7 ? 8 ans ? Ah mais non ce sont eux, bien sûr !, fit-il, faisant mine de se rappeler, tu dois être... J'avoue que je l'ignore... Ils m'avaient parlé de prendre en charge un gamin mais je ne pensais pas qu'ils parlaient sérieusement...
Reprenant du poil de la bête, Meagen répondit :
- Gosse ?! Gamin ?! Je te rappelle que tu es à peine plus âgé que moi. Quel âge as-tu d'abord ? Sincèrement... Rasksy !
La silhouette se releva et c'est alors que Meagen remarqua une sorte de collier de métal qui bordait les mâchoires du jeune homme, descendait le long de son cou et disparaissait sous son sweat-shirt. Il se demanda à quoi cela pouvait bien servir.
- Ainsi donc tu connais mon nom. Les présentations sont à moitié faites. Bien, je suis d'il y a dix-neuf ans. Agent du gouvernement pour le "bien de l'Armée et de sa société" et tout le blabla. Et toi ?
- Même âge. Je suis Meagen Fonor. Apprenti agent, rétorqua-t-il en crachant presque chaque mot.
- Sans blague. J'aurais dit 15 ans maximum. Forte tête, hein ? J'espère que tes nerfs sont d'aciers, gamin, bien que ça n'ait pas l'air d'être le cas. Parce que bon nombre de gens au Bureau ont tenté de me supporter, en vain.
Puis il rit d'une façon si singulière que Meagen le regarda comme il aurait regardé un fou. Il faut dire que le caractère du garçon était indiscernable. Meagen hésita puis demanda :
- On m'a dit que tu étais doté de capacités qui faisaient de toi un être...
- Prodigieux ? Exceptionnel ? Sans rire, je suis Kradrak.
- Comment ? Kradrak ?
- Exact ! Tu ignores ce que ça veut dire ? Il reçut un hochement de tête. Tu le découvriras bien par toi-même.
Mécontent de la réponse évasive, il décida de continuer à pousser la curiosité un peu plus loin.
- Et quelle est cette chose ? fit-il d'une moue dubitative en désignant son cou.
Rasksy s'approcha un peu plus et tourna la tête de façon à présenter son profil à Meagen.
Il n'eut pas besoin de plus pour comprendre. La plaie était sans doute récente : elle était infectée comme jamais. Les veines aux alentours étaient bleues ou peut-être bien noires, difficile à dire. Le sang n'était pas visible mais l'aspect de la plaie était tellement répugnant qu'elle était presque insupportable à regarder. Rasksy avait du remarquer le dégoût sur le visage de Meagen car il s'exclama :
- Pas joli-joli ? Elle date de... cinq années, un Fonyon...
Meagen fut frappé de stupeur. Cinq ans ? Il paraissait se l'être faite hier au plus tôt et en plus, un chat des montagnes en était la cause. Ses bêtes étaient connues pour être de la vermine coriace. Toutefois, il ne voulut pas montrer qu'il y accordait de l'importance et qu'on le définisse en tant qu'"impressionable". Aussi, il déclara simplement :
- Sûr que.
Comme si il lisait dans ses pensées, Rasksy ricana :
- Ne t'inquiètes pas gamin, tu auras le droit à tes blessures de guerre toi aussi...
Et il savait en disant cela qu'il avait touché là "où ça faisait mal". La dignité de Meagen en prit un coup et il s'exclama :
- Et en quoi consiste ton "pouvoir" au juste, Monsieur le super-héros ? Jamais personne n'avait pu me "décoder" comme ça. Les mensonges, c'est moi. Ah ! Et aussi, je me prénomme Meagen au cas où cela t'aurait échappé.
- J'avoue que tu es convaincant mais personne, j'ai bien dit personne, insista-il en appuyant son regard sur son interlocuteur, ne peut duper un Kradrak. Nous, c'est les sentiments.
- Oh ! Un romantique, c'est touchant ! cracha Meagen, un sourire narquois fiché sur le visage.
- Sais-tu seulement ce qu'est le respect ?
- Pour moi, il ne marche que dans un sens.
- Explique-toi.
- Je n'en montre que pour ceux qui le méritent.
- Alors tu sais pourquoi je t'appelle ainsi maintenant.
La joute verbale semblait durer indéfiniment entre les deux agents et aucun signe de faiblesse ne semblait les ralentir. Deux fortes têtes qui s'affrontaient, comme deux prédateurs fondant sur une seule proie. On aurait pu penser que chacun avait fini par oublier ce pourquoi il s'attaquait l'un l'autre mais en fins stratèges, chaque mot, chaque phrase était tendu comme un piège. Toutefois, leur discours était d'une froideur cinglante, aucun ne criait, seul était perceptible le sarcasme. Mais en fin de compte, aucun n'avait obtenu les réponses qu'il souhaitait et un silence rompit le flot des sarcasmes.
- Arrêtons là pour aujourd'hui, tu veux ? s'avança Rasksy.
Malgré son énervement, le jeune apprenti se ressaisit, sachant se montrer raisonnable :
- Il le faudra bien puisque nous devons collaborer.
- Sûr que.
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Rasksy
Paranormal- Es-tu seulement humain ? lui demanda le jeune homme. - A toi de le décider... - Tu ne connais rien de ce que je ressens, or "être humain" , c'est avant tout ressentir des sentiments, non ? - Si tu le dis... "Rasksy", c'est son nom. Agent du go...