Capture

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C'est le Jour J. On a tous potassé les tréfonds de nos cervelles pour avoir un tant soit peu d'inspiration pour l'autoportrait. Alors que Gwen a fait son cliché chez elle pour pouvoir poser avec son chat, et que Jordan veut s'inspirer du monde des samouraïs, Logan m'a aidé pour mon thème et je l'ai aidé pour le sien. 

Ainsi, lorsque mon train s'arrête à la gare de Schletto, je le vois entrer dans la même voiture que moi. On se retrouve fréquemment entre deux wagons, puisque le train est toujours blindé de monde à cette heure-là. 

Il grimpe rapidement les marches pour se retrouver devant moi, presque choqué par ma tenue. Si seulement c'était le seul. La plupart des gens me regardent bizarrement depuis que je suis entré dans le train, à Colmar. Allez savoir pourquoi. En pleine période terroriste, se balader en tenue d'air-soft n'est surement pas la meilleure solution. La sacoche des Arts Graphiques doit surement tempérer leurs craintes, sinon j'aurais déjà été arrêté par les flics.  

Logan, lui, se trimbale dans les fringues que j'imaginais. Pantalon Cargo noir, ceinture dépassante, chaussures noires et blanches, gilet gris chiné et T-shirt à l'effigie de Thirty Seconds to Mars. Son collier au triangle caractéristique du groupe est volontairement au premier plan et contraste bien avec le noir de son T-shirt. Bracelet bleu de concert au bras, il a même été au coiffeur pour soigner ses cheveux ! 

« T'n'as pas lésiné sur les moyens toi, lancé-je au principal intéressé.
— J'pourrais en dire de même pour toi, répond-il en m'observant de la tête aux pieds. C'est bizarre qu'on t'ait pas encore arrêté pour suspicion terroriste ! »

Je rigole, mais il a tellement raison. Quelle idée ! Mais si je n'avais pas le goût du risque et des choses insensées, ça se saurait. Ainsi, nous arpentons les quelques rues qui séparent la gare de Strasbourg à l'école. En arrivant sur place, inutile de préciser que ça fait retourner quelques têtes. 

« Alors on a le Yankee martien d'un côté et le Soldat de l'Hiver de l'autre ! Lance Gwen en nous voyant rentrer dans l'établissement. 

Les secrétaires nous regardent avec les gros yeux. 

— C'est rien, leur adresse Logan, c'est pour un devoir avec monsieur Slight.
— Pour des gens qui n'ont pas d'inspiration, je trouve que vous vous en sortez pas mal, ajoute Jordan en tenant son sabre dans la main. 
— Tu vas jouer à Fruit Ninja sur la photo ? Demandé-je en rigolant.
— J'pourrais couper tes cheveux fissa avec ça », répond-il.  

L'heure de la photo a sonné. Slight arrive dans la salle avec un air stupéfait. Il faut dire qu'on se croirait presque à Carnaval. Chacun s'est donné de sa personne pour faire le cliché parfait, dans le but de se retranscrire au crayon. 

Dans la salle de classe, au sous-sol, le drap blanc du rétroprojecteur est baissé et un appareil photo sur trépied lui fait face. Pendant que d'autres personnes de la classe passent devant l'objectif, à tour de rôle, Logan me demande de lui dessiner une triade inversée dans le cou. Un exercice aussi périlleux que technique. 

Logan passe en premier devant l'objectif. Droit, le capuchon Canon de l'objectif dans ses mains, arborant fièrement ses plus belles fringues, il opte pour un profil à 45 degrés. De cette manière, il expose idéalement la triade dessinée sur son cou, le regard tourné vers l'horizon. L'appareil, lui, est légèrement en contre-plongée, instiguant à Logan une impression de grandeur. Fier d'être Échelon jusqu'au bout. 

Juste après, c'est mon tour. Équipé de ma combinaison, les cheveux détachés, le visage maquillé de deux épais traits noirs sur le côté droit de mon visage, de la joue au front, je fais face à l'objectif en le dévisageant comme si j'allais le tuer. Jordan se positionne à ma droite avec un projecteur de façon à placer mon visage dans un jeu de clair/obscure. Le bien, le mal, la lumière, les ténèbres. 

Le shooting photo se déroule très rapidement. Quelques heures plus tard, après que Slight nous ai expliqué le procédé pour débuter la reproduction graphique, je retrouve le reste de la bande pour l'impression des clichés en noir et blanc. 

« Le rendu est niquel, commente Logan en regardant mon cliché. Y a plus qu'à tout déchirer au dessin ! 
— On va essayer d'éviter de frôler le 8/20, rétorqué-je en rigolant. Vous savez comment il est, le père Slight. Il te fait des éloges et te fous une note dérisoire! » 

La Dose CréativeDonde viven las historias. Descúbrelo ahora