Prologue

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Je me réveillai dans une baignoire à pieds d'une propreté douteuse, au fond d'une salle de bains carrelée de rose qui ne m'était pas familière. Une pile de Maxim se dressait près des toilettes ; il y avait des projections de dentifrice vert dans le lavabo et des traces blanchâtres sur le miroir. Par la fenêtre, j'aperçus un ciel nocturne. La lune était pleine. Quel jour de la semaine étions-nous ? Et où me trouvais-je ? Dans la maison d'une des fraternités de l'Université d'Arizona ? Chez quelqu'un ? J'arrivais tout juste à me souvenir que je m'appelais Sutton Mercer, et que je vivais dans les collines de Tucson. Je n'avais pas la moindre idée de l'endroit où était mon sac à main, et je ne savais plus où j'avais garé ma voiture. À bien y réfléchir... j'avais quoi, comme voiture, déjà ? M'avait-on droguée ?

— Emma ? appela une voix masculine depuis une autre pièce. Tu es là ?

— Occupée ! claironna une voix féminine toute proche. Une grande fille mince ouvrit la porte de la salle de bains. Ses cheveux bruns emmêlés lui tombaient devant la figure.

— Hé ! protestai-je en me levant d'un bond. Il y a déjà quelqu'un ! J'avais des fourmis dans tout le corps, et je me sentais bizarrement engourdie. Je baissai les yeux pour m'examiner. Il me sembla que je clignotais comme dans une lumière stroboscopique. Flippant, décidai-je. C'est sûr : j'ai été droguée. La fille ne parut pas m'entendre. Elle tituba, le visage dans l'ombre. 

— Houhou ? m'écriai-je en sortant de la baignoire. Elle ne me jeta pas même un coup d'œil. Tu es sourde, ou quoi ? Appuyant sur la pompe d'un flacon de lait hydratant à la lavande, elle entreprit de s'en tartiner les bras. La porte se rouvrit à la volée, et un ado mal rasé, au nez pointu, fit irruption dans la pièce.

– Oh ! Son regard se posa sur le débardeur moulant de la fille, marqué « NEW YORK NEW YORK GRAND HUIT » sur le devant. Je ne savais pas que tu étais là, Emma.

– C'est pour ça que la porte était fermée, répliqua la fille en le poussant dehors et en la lui claquant au nez.Elle pivota vers le miroir. Je me tenais juste derrière elle.

– Hé ! m'exclamai-je de nouveau.Enfin, elle leva les yeux. Je tournai mon regard vers le miroir pour croiser le sien... et je poussai un hurlement. Parce que Emma était mon sosie, et que je ne me voyais pas.Emma se détourna et sortit de la salle de bains. Je la suivis comme si un fil invisible me reliait à elle. Qui était cette fille ? Pourquoi me ressemblait-elle à ce point ? Pourquoi étais-je invisible ? Et pourquoi ne pouvais-je me rappeler de... euh, de rien ?Des souvenirs inconséquents mais douloureusement nostalgiques s'imposèrent à mon esprit. Le soleil scintillant sur les Catalinas. L'odeur des citronniers dans mon jardin le matin. La sensation de mes pieds glissant dans mes pantoufles en cachemire. Mais les choses les plus importantes restaient floues et assourdies, comme si j'avais passé toute ma vie sous l'eau. Je voyais des formes trop vagues pour que je puisse les identifier. Je ne me rappelais pas ce que j'avais fait pendant mes vacances d'été, à qui j'avais donné mon premier baiser, ni ce que ça faisait de sentir le soleil sur mon visage ou de danser sur ma chanson préférée. D'ailleurs, quelle était ma chanson  préférée ? Pire encore : à chaque seconde qui s'écoulait, les rares souvenirs que je gardais devenaient de plus en plus flous. Comme s'ils étaient en train de s'estomper et de disparaître.Comme si j'étais, moi, en train de disparaître. Alors, je me concentrai de toutes mes forces. J'entendis un cri étouffé, et une vive douleur me transperça le corps avant que mes muscles endormis finissent par capituler. Tandis que mes yeux se fermaient lentement, j'aperçus une silhouette sombre et indistincte qui me toisait.

– Oh, mon Dieu, chuchotai-je.Pas étonnant qu'Emma ne m'ait pas vue. Pas étonnant que je ne me sois pas reflétée dans le miroir. Je n'étais pas vraiment là. Plus vraiment là. J'étais morte.

...

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The lying gameWhere stories live. Discover now