Axel - Rien qu'une nuit

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 Mon cœur bat la chamade, mon bas ventre s'agite brutalement et un feu étrange brûle entre mes jambes. C'est aussi agréable que violent, aussi doux que douloureux et je suis un peu déboussolé. Je ne crois pas avoir éprouvé pareilles sensations. Toute mon existence est un brouillard sans nom où chaque émotion est anesthésiée, et mon soudain retour à la réalité me pousse à ressentir plus que je ne l'aurais imaginé. Je savais déjà que je la désirais, mais depuis que je l'ai touchée, c'est comme si mon univers avait pris un tournant inattendu. Je ne pense plus à l'enfer qu'est devenue ma vie, je ne pense plus à Hugo qui marche sur mes traces ; seules ses mains partout sur moi, ses lèvres merveilleuses subsistent encore. Mes angoisses ont disparu, mes doigts ne tremblent plus, c'est comme si j'étais à nouveau moi-même et ça me fait un bien fou. Et j'en redemande.

Je dois me faire violence pour ne pas me jeter sur elle. Elle est mon paradis et mon enfer à la fois, elle est la future drogue dont je ne pourrai bientôt plus me passer, et je me demande si je ne devrais pas y résister. Je me suis promis d'arrêter de me noyer dans les addictions et elle semble en être une. Pourtant, j'ai besoin d'elle, je ne tiendrai jamais sans elle. La rangée de livres où je me souviens avoir planqué quelques pétards me fait à nouveau de l'œil. L'euphorie de nos corps entremêlés redescend doucement et je recommence à suffoquer. J'ai besoin d'elle.

Je l'observe s'installer en face de moi, laisser Geoffrey nous servir du thé, alors que l'heure est passée depuis longtemps. La présence de Léa m'apaise autant qu'elle m'excite. Je ne tiendrai jamais sans elle, mais avec elle, je risque de devenir incontrôlable.

– Je ne peux pas rester pour dormir, annonce-t-elle, alors que Geoffrey quitte la pièce.

Et ce renvoi brutal à la réalité me fait l'effet d'une douche froide. Ne voit-elle pas à quel point je suis paumé ? Ne comprend-elle pas qu'elle m'est indispensable ?

– Est-ce que tu sais le nombre de nouvelles tentations qu'il y a en ces lieux ? Je ne tiendrai jamais sans toi.

Ma voix tremblante, mon ton suppliant est ridicule, et pourtant, je ne suis nullement gêné de me montrer faible face à elle. Elle m'a déjà vu dans les pires états qu'un homme puisse traverser. Je n'ai plus peur de l'implorer, même à genoux, s'il le faut.

– Tu es plus fort que tu ne le crois, je suis sûre que tu t'en sortiras très bien.

J'ignore d'où vient la confiance qu'elle porte en moi, mais je suis convaincu qu'elle ne penserait pas ça si elle avait assisté à ma descente aux enfers.

– Je serai sage. Je demanderai à faire installer un lit de camp pour te laisser celui de la chambre, je tente en priant pour qu'elle cède enfin, pour qu'elle ne m'abandonne pas seul ici.

– J'ai été promue à un nouveau poste, je dois me lever tôt pour aller bosser et j'ai besoin de me changer.

Elle me sourit et j'aime la fierté qui illumine son visage magnifique, j'aime l'espoir qui naît dans ses grands yeux noirs. Je devrais la féliciter, pourtant, je ne le fais pas, je suis trop accaparé par les monstres qui rodent dans l'ombre.

– Je vais demander à ce qu'on te trouve des vêtements et un chauffeur se tiendra prêt pour toi aux aurores.

Je sais, je devrais la laisser partir. Je devrais y aller doucement, lui donner le temps de me voir autrement que comme cet aliéné dans une chambre d'hôpital. Mais la vérité, c'est que je suis terrifié.

– Tu as toujours réponse à tout ? On ne te refuse donc jamais rien ?

Je l'observe se pencher sur la table basse pour récupérer la tasse que vient de lui servir Geoffrey. Elle est tellement belle, que ce simple geste me rendrait presque fou. Sa grâce me surprend et son décolleté me fait de l'œil. J'aurais voulu que nous n'ayons jamais été interrompus, j'aurais voulu avoir le temps de plonger le nez entre ses seins merveilleux, me délecter de son doux parfum, jusqu'à m'enivrer.

Voilà que je bande de plus belle ! Elle, par contre, semble tellement sereine, tellement concentrée sur son thé, que je me demande si elle ne regrette pas nos attouchements, si je n'ai pas tout inventé. Mais même si ce n'est qu'un songe, il ne me quittera plus, parce que cette image m'aide à maintenir à distance mes névroses.

– C'est la douce malédiction des gens fortunés.

– Je te rendrais donc service en ne cédant pas.

Il ne m'en faut pas plus pour recommencer à paniquer. Et même le souvenir de ses doigts autour de moi ne suffit plus à empêcher l'angoisse de s'infiltrer sournoisement dans chacun de mes membres. Je m'agite, dissimule mes mains pour qu'elle ne devine pas mon stress grandissant. Je suis dans un tel état que je pourrais lui révéler mes pires travers, quitte à la faire fuir au passage.

– Il y a plus de drogues planquées dans cette maison que tu n'oserais l'imaginer, j'avoue à contrecœur.

Son regard s'écarquille, surpris. Elle repose sa tasse, se lève, se tourne vers l'immense bibliothèque que ma mère remplit avec soin. Et si elle ne m'offrait pas au passage la vue de son postérieur rebondi, je crois que j'aurais disjoncté. Je me représente debout, le torse collé contre son dos, rêve de mon sexe se plaçant idéalement entre ses fesses. Le paradis d'un condamné ! Mais l'excitation s'envole quand elle s'approche des livres qui m'ont servi de planque il y a des années. Et je frémis de plus belle en comprenant qu'elle a repéré mon regard, qu'elle se dirige exactement là où il faut. Après avoir retiré trois gros volumes, elle extrait les quelques joints dissimulés et les poses devant moi.

– Ces choses-là sont tellement douces à côté du traitement de cheval de ces dernières années que je ne suis même pas sûr qu'elles aient un effet sur moi, je précise, alors que je sens encore le besoin irrationnel d'en allumer un.

– Leur présence ne devrait donc pas t'inquiéter.

Pourtant, c'est le cas.

– Si j'ai besoin, je trouverai facilement plus efficace.

Je me souviens du carreau branlant dans un coin de la cuisine, de la doublure déchirée du fauteuil dans le bureau de mon père, de la contremarche déboîtée dans l'escalier de secours... Et je tressaille en me remémorant toutes ces tentations à portée de main. Mon regard passe d'elle aux pétards sur la table, deux merveilleuses friandises. Si j'avais le choix, c'est elle que je choisirais, sans hésiter, mais si elle n'est plus là qu'adviendra-t-il de moi ?

– Peu à peu, on va te rendre ta liberté, ton indépendance, ça deviendra forcément plus facile de te procurer tout ce que tu désires. À toi de prouver que tu es plus fort que la tentation.

Alors, ça signifie que je ne pourrai plus jamais me passer d'elle.

– S'il te plaît, jolie « main tendue » !

Une grimace délicieuse, entre rire et consternation, anime son beau visage, ses dents viennent mordre sa lèvre inférieure et je suis de nouveau en transe.

– Est-ce qu'un jour tu m'appelleras par mon prénom ?

– Le jour où je jouirai en toi, je saurai m'en souvenir !

À la dériveWhere stories live. Discover now