16 : La bonne voie

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"On mange ensemble, Thylane ?"

Je me retournai vers cette voix parfaite mais qui m'était devenue insupportable en retenant un soupir. Lili m'adressait un grand sourire, sans moqueries, semblait-il. Depuis qu'elle s'était inscrite au code - à mon grand désarroi, elle avait fait des semblants d'effort à mon égard. Plus de remarques ou moqueries piquantes. Mais bon, je ne savais pas vraiment si c'était sincère ou si elle faisait juste bonne impression pour récupérer Sam. Nous avions repris les cours aujourd'hui, après deux semaines de vacance consacrées aux révisions, suite à l'avertissement d'Agathe. J'aurais donc préféré manger avec Farah ou Sam ; m'enfin bon, je devais bien admettre que je n'avais pas envie de me remettre Lili à dos.

"Ok.
- Je m'incruste, lança Sam.
- Moi aussi, enchérit Farah, suivie de près par Anna et Zoé. Et toi ? ajouta t-elle à l'attention d'Olenka."

Ses yeux verts perçants toisèrent Lili avec une froideur brûlante alors qu'elle secouait la tête d'un air dégoûté.

"Je préfère déjà manger chez moi.
- Mais... lança Anna."

Mais la belle blonde avait déjà tourné les talons. Qu'est ce qu'il lui prend, encore ? Olenka était tellement rabat-joie ! Comment cela se faisait-il qu'elle était amie avec des filles si épanouies comme Farah ou Anna ? Même si elle détestait Lili, elle aurait pu faire un effort.

Au final, quatre autres filles nous rejoignirent. Je reconnus parmi elle, non sans surprise, l'une des filles de mon arrêt de bus qui m'avait critiquée dès la rentrée. Alors que nous nous asseyions à une table, je l'entendis murmurer à Lili :

"Comment ça se fait qu'on mange avec elle wesh ?
- Tais-toi, la rabroua Lili avant de m'adresser un sourire resplendissant."

C'est ça. Coûte que coûte, je finirai bien par découvrir ce que Lili tramait, et verrai alors son vrai côté. Elle était une amie formidable avec sa bande mais une vraie peste avec ceux qu'elle n'appréciait pas. Je précise qu'il suffisait d'un rien pour se la mettre à dos.

Je commençai à manger ma salade. Les conversations allaient de bon train, et je finis par découvrir le nom de la-fille-de-l-arrêt : Julia. Elle me jetait des regards peu amènes tout en semblant communiquer silencieusement avec Lili. Je n'avais plus très faim. J'avais toujours cru qu'en étant en bande, je retrouverai ma sensation d'aise d'antan. Mais je devais bien me résoudre à l'évidence ; j'avais changé. À mon plus grand désarroi.

Je croisais les doigts tandis que Tuvers nous distribuait nos copies de dissert de philo. Le thème portait sur la liberté, et j'avais vraiment l'impression d'avoir réussi. Je visais la moyenne.

"Je rappelle que la moyenne de classe n'est que de 10. Pour la classe de L, c'est plutôt lamentable. Elle s'arrêta devant la table derrière moi. Lili, bon travail.
- J'ai eu 13 les gars ! s'extasia t-elle.
- Bravo, lançai-je sans trop de conviction mais tout de même contente pour elle.
- Zoé, c'est lamentable, poursuivait la prof. Farah, n'en parlons pas ! Quant à toi, Julien, je ne vois vraiment pas ce que tu fais ici."

Zoé avait eu 7 et Farah 5. Je jetai un regard compatissant à mes amis. Zoé tirait une tronche pas possible mais Farah m'adressa un grand sourire. Je savais que ces notes ne la perturbaient pas outre mesure ; elle avait confiance en elle et savait ce qu'elle valait, sans avoir besoin "de chiffres aussi réducteurs qu'inutiles". J'admirais cette confiance qu'elle avait en elle.

"Sam, c'est vraiment un excellent travail. La meilleure copie. Une vraie réflexion personnelle, pas bête et méchante."

Sam se rengorgea en dissimulant sa fierté, mais ses yeux brillants le trahissaient. Amir, un de ses amis, lança :

"Suceur !"

Sam s'immobilisa. Lili se retourna pour fusiller l'idiot du regard et je l'imitai.

"Tranquille, c'était une blague.
- Rageux ! lança-je tout de même.
- En parlant de rage, personne ne risque de rager de votre copie, Thylane, soupira bruyamment Tuvers en se plantant devant moi."

Je regardai le gros chiffre rouge inscrit sur la feuille, le cœur battant. J'avais eu 9. Malgré les dires de ma prof, un soupçon de fierté s'installa en moi. Ma dernière note en dissert était de 6 ; même si 9 restait peu honorable, c'était déjà mieux ! Tuvers ajouta d'ailleurs de mauvaise grâce :

"Je décèle néanmoins du progrès. Vos idées sont mieux organisées. Vous êtes sur la bonne voie !"

Ce compliment, aussi bénin soit-il, me fit frémir de joie. Sam chuchota :

"Bravo Thy'!
- C'est super, enchérit Farah.
- C'est pas trop mal ! conclus-je en riant, sur un petit nuage."

Pour Agathe, ce ne serait certes pas suffisant. Mais qu'importe. Durant la fin de l'heure, nous faisions une correction collective du devoir mais, perchée sur mon petit nuage, je n'écoutais que d'une oreille.

Alors que je sortais de la salle suite à la sonnerie, Lili m'interpella en souriant :

"Je fais une soirée chez moi le week-end prochain. Il y aura Sam et toute la bande. Ça te dit de venir ?
- Je te redis, fis-je distraitement."

Il y avait définitivement quelque chose qui clochait chez Lili. Pourquoi se montrait-elle si... aimable ? avec moi alors qu'elle jurait me détester il y a peu ? Quelque chose m'échappait. Cesse d'être aussi parano, me reprochai-je. Peut-être est-ce sa vraie personnalité et que je n'en avais aperçu que les mauvais côtés jusque là.

Dès que je fus rentrée à la maison, je me dirigeai dans la cuisine où Agathe goûtait. J'avais eu un 16 en histoire sur une composition, cela plaiderait sans doute en ma faveur pour la soirée de Lili.

"Coucou, tu as passé une bonne journée ?
- Bien et toi ? répondit Agathe, méfiante face à ma soudaine gaieté.
- Géniale ! Regarde ces contrôles, Einstein peut aller se rhabiller !"

Je lui tendis mes copies, et son visage grimaçai en contemplant le 9 avant de s'adoucir en découvrant le 16.

"Eh bien, il semblerait que mes paroles portent leurs fruits."

Comme s'il lui était impossible d'admettre que je m'étais simplement motivée seule.

"D'ailleurs... une copine m'invite à une soirée chez elle, samedi prochain. Je peux ...?
- Y aller ? Eh bien, après t'avoir vue autant trimer pendant les vacances, je ne peux te refuser cela."

Je l'embrassai, joyeuse.

"Mais ne fait pas de conneries."

Se détruireWhere stories live. Discover now