Chapitre 22 ♠️ C

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Une petite semaine était passée depuis ce week-end que j'avais partagé avec Lauren et Gabriel. Je me remémorais encore et encore ce vendredi soir-là au bord de la plage, cette nuit-là où je m'étais unie de la plus belle des façons avec la brune, la meilleure nuit que j'avais passé depuis tellement longtemps... Et ce petit déjeuner ; ça faisait tellement longtemps, tellement longtemps que je ne m'étais pas sentie autant heureuse, aussi pleinement heureuse. Et ça faisait tellement de bien de voir les choses se remettre en place, aussi futile que cela pouvait être, alors que j'avais vu pendant si longtemps les choses se briser autour de moi. 

_Madame ? M'interpella un de mes élèves. 

Je relevai le regard de mes papiers, que je ne faisais que regarder avec les yeux dans le vide depuis les  cinq dernières minutes, j'avais beau essayer de me concentrer sur mes corrections, Lauren ne cessait de réapparaître dans mes pensées. 

_Oui ?

J'avais assigné un petit travail personnel à mes élèves, rien de très difficile, juste un petit travail d'écriture en espagnol. Ils s'y étaient tous mis sans broncher, j'en étais contente, je pouvais sentir maintenant qu'ils commençaient à m'accepter. 

_J'ai une question qui peut vous paraître un peu personnelle, mais la réponse m'intéresse vraiment, enfin je suis un peu intrigué, commença-t-il. On a repris les cours depuis deux mois maintenant.

_Oui et donc ? Où est-ce que tu veux en venir, Nicolas ?

_Je me demandais si Cuba vous manquez ? Vous n'avez pas envie de rentrer ? Votre famille, votre vie ne vous manque pas ? J'essaye de comprendre comment vous avez réussi à faire ça, je pense que je pourrais jamais aller vivre dans un autre pays comme vous l'avez fait, est-ce que vous en êtes satisfaite ?

Chacun des élèves dans cette pièce avaient quittés du regard leur feuille pour me regarder avec de grands yeux et je pouvais dire avec aisance qu'ils attendaient tous impatiemment la réponse. Je ne voyais pas tellement le but des professeurs lorsqu'ils tenaient à garder leur vie privée, lorsqu'ils s'acharnaient à mettre une distance entre eux et leurs élèves en criant au professionnalisme, toutefois je respectais leur choix, mais ce n'était pas le miens. 

Mes élèves, bien que je sois dans ce lycée seulement depuis 2 mois, étaient la seule chose stable dans ma vie. J'avais en quelque sorte leur future entre mes mains, tout dépendait de mes compétences, si j'étais capable de trouver les lacunes de chacun et de faire en sorte qu'ils s'améliorent et ils me faisaient confiance pour ça. Je ne voulais pas les décevoir puis ils étaient pratiquement des adultes maintenant, ce n'était pas des enfants ou des robots, ils étaient des êtres humains tout comme je l'étais alors pourquoi devrais-je me sentir supérieur à eux au point de détourner une question sur ma vie alors que je connaissais beaucoup de la leur.

Je me levais de ma chaise et je contournais mon bureau. Je m'appuya contre celui-ci tout en jouant avec le stylo entre mes mains. Je réfléchissais à sa question, je n'avais pas vraiment penser à tout cela, à comment je voyais ma vie maintenant et si elle me plaisait, je n'avais pas fait de check point, j'avais souvent la sensation que ma vie n'était pas réellement la mienne, que j'attendais pour LE quelque chose qui me rendrait réellement vivante néanmoins je commençais à m'y habituer à ce train-train quotidien. 

_J'aime mon pays, Cuba, le soleil, à quel point tout le monde est gentille et prêt à aider son prochain là-bas parce que c'est un pays pauvre et tout le monde en subit les conséquences alors on essaye tous de s'entraider le plus possible et d'une certaine manière j'ai l'impression de retrouver ça ici, je trouve qu'il y a beaucoup de similarités entre cette ville et la ville où j'ai grandi. Bien sûre ce n'est pas pareil et c'est pour ça que j'aurai toujours l'impression qu'une partie de mon cœur est là-bas et que rien n'y sera égale, mais je suis partie pour une raison. Et chaque jour je me rappelle cette raison, je me souviens de la femme d'il y a un an, qui y habitait encore et je sais que je me sens beaucoup mieux ici, ce n'était pas un pays pour moi, pas pour y vivre, je ne pourrais jamais y retourner définitivement. Je me suis installée ici et je m'y habitue.

Juste une collègueWhere stories live. Discover now