Triste présent

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Aujourd'hui est un jour très spécial pour moi ! On est le lendemain d'hier et la veille de demain ! Je m'apprête à retrouver mon amie La Mort dans quelques heures comme c'était prévu. Ah oui ! Qui est La mort ? C'est très simple. Pour tout avouer, je n'ai pas beaucoup d'amis, pas du tout en fait. C'est la seule personne qui ose m'approcher, me parler, me fréquenter et ce depuis toujours. Depuis mon premier jour ici, elle me protège des autres, de ce qu'ils pourraient me faire. Oh bien-sûr j'ai déjà voulu être comme les gens qui passent de temps à autres dans cette forêt, souriant et heureux de vivre. Ils ont l'air de bien s'amuser et sont toujours accompagnés de mortels aux visages différents. Mais au fond, je sais parfaitement que cette idée ne mènerait à rien. Je ne suis pas comme eux et ne le serai jamais mais on s'y fait à force ! Je vous jure !  

La Mort me dit toujours de détourner le regard lorsque j'en aperçois alors j'obéis mais mes oreilles entendent elles ! Parfois, certains crient, très fort et perturbent le sommeil des pauvres animaux qui n'avaient rien demandé et sinon ils pleurent, pleurnichent même et quand je me retourne, plus rien ; comme si tout cela n'était qu'un rêve ! 

La journée, pour m'occuper, je pense. Tout le temps, en permanence. J'essaie de devenir quelqu'un d'autre en m'inventant des histoires alors parfois je deviens un grand roi, riche et puissant, d'autres, un héros de guerre que tout le monde acclame et puis le bruit matinal du coq me ramène à la réalité et je redeviens ce simple petit adolescent dont les cheveux mal coiffés, longs et noirs cachent les yeux rouge sang. Quand je suis triste, il m'arrive de partir me balader dans cet immense territoire mais ça finit souvent en entrainement de course. Je sais que personne n'est plus rapide que moi sur cette planète à cause de mes pouvoirs mais je tente toujours de faire mieux à chaque essaie. J'espère atteindre la vitesse de la lumière un jour mais chut ! Il ne faut pas en parler à La Mort, je veux lui faire la surprise pour qu'elle soit fière de moi ! Lors de mes balades, je croise régulièrement des animaux donc j'essaie de devenir ami avec la plupart. Souvent, ils sont effrayés mais avec du temps et de la patience, on devient très proche et je leur donne même des noms pour les reconnaître et les appeler mais je ne peux jamais le faire. A chaque fois, ils disparaissent et je ne les revois jamais. C'est probablement de ma faute, je suis sans doute trop avenant pour ces pauvres créatures sans défense donc je fais au mieux pour être doux et gentil avec elles mais rien n'y fait, à chaque fois c'est pareil !

Les humains passent du bon temps ici quand La Mort n'est pas là. Non loin de ma cachette se trouve une gigantesque étendue d'eau claire et pure dont il est possible de discerner le fond depuis la surface ainsi que la multitude poissons qui y vivent en harmonie. Ces fameux humains sautent sans hésitation dedans et prennent parfois de l'élan. 

Plus petit, j'ai voulu faire comme eux alors j'ai couru aussi vite que j'ai pu et ai sauté d'un aussi grand bond que je pouvais. La chute dura près de 10 secondes et j'eus même le temps d'apercevoir au-dessus de la cime des arbres, très hauts dans cette partie de la forêt. Ces 10 secondes furent magiques. Mon cœur battait de plus en plus vite et ratait des battements dans le même temps. Un liquide froid se répandait dans tout mon corps me faisant ressentir quelque chose d'inédit pour moi, je me sentais bien et plus fort que d'habitude. Mes jambes se crispaient et se tenaient droites, se préparant à l'impact alors que mes bras, eux s'écartaient et me faisaient  sentir comme un oiseau qui apprenait à voler. Au contraire, mes cheveux se dressaient sur ma tête. Ils étaient droits et pour la première fois, je voyais clair. L'air glissait tout autour de mon corps et provoquait un bruit violent et sec dans mes oreilles très sensibles. Durant ces 10 secondes, le temps s'était arrêté, me laissant tout le loisir de ressentir pleinement toutes ces choses se mettre en action autour et en moi. La joie qui m'envahissait était immense, absolument tout était parfait. Et soudain, mes pieds rentrèrent en contact avec cette nouvelle matière. D'abord, un immense sentiment de surprise m'envahit mais vint s'ajouter à ma joie par la suite. Comme les humains, mes pieds traversaient cette matière et laissaient mes chevilles puis mes genoux et enfin mon ventre s'enfoncer. C'était glacé. Je sentais des picotements sur toutes les zones immergées et commençais à réfléchir sur mon geste. Avais-je fait une erreur ? A peine m'étais-je posé la question que j'eus ma réponse. Mes yeux piquaient, brûlaient même, ce qui me contraint à les fermer. Mes mouvements étaient bloqués par une force invisible et plus je reprenais mon souffle, moins j'en avais. Mes narines n'absorbaient que de cette matière et ma bouche aussi ! Je bougeais dans tous les sens, aspirais autant que je pouvais. Je ne voyais plus, n'entendais plus. C'était la panique. Mon corps se congelait, mes membres tremblaient, mes cheveux devinrent incontrôlables. Je hurlais mais aucun son ne sortait. Seulement une sorte de cri strident qui ne ressemblait à rien. Mon cœur continuait d'accélérer, toujours en ratant des battements mais ça ne semblait plus bon signe, au contraire. Rapidement, je sentis mes forces m'abandonner, mes pensées s'envoler, mon souffle s'arrêter. C'est à cet instant, cet instant précis que La Mort est venue me sauver pour la première fois. Je ne sais comment mais c'est elle qui m'a sorti de là. A mon réveil, j'étais proche de ma cachette, La Mort assise sur un rocher juste à mon côté qui attendait paisiblement. Elle ne disait rien et moi non plus. Il me fallait comprendre ce qui venait d'arriver. Je compris tout de suite que je lui devais ma survie et que les humains possédaient des ressources qui n'étaient pas à ma disposition apparemment. Je me souviens encore des cicatrices qui jonchaient mon corps après ça. Des centaines, presque des milliers de minuscules perlent transparentes posées sur ma peau qui glissaient ou disparaissaient d'un simple contact. Mes cheveux étaient collant et collés et mes yeux me démangèrent longtemps. Depuis ce jour, je voue une peur accrue à l'eau; je crains de m'en approcher de trop près et de retomber dedans. Néanmoins, je ne peux rester éternellement avec cette peur en moi c'est pourquoi je sors de ma cachette lorsqu'il en tombe du ciel. Cela fait un moment que je m'adonne à cet exercice, par chance, rare mais plus récemment, j'ai demandé à La Mort de m'accompagner au bord de l'étendue d'eau et de simplement rester proche. Après un très long moment d'hésitation, j'ai finalement osé remettre mes pieds dedans, mais seulement eux pour l'instant. C'est peu je le sais mais je sens que cette phobie sera bientôt du passé.

A de très rares occasions, l'envie me prend de fabriquer toutes sortes de choses dans ma cachette. Je fais souvent des représentations miniatures de mes nouveaux amis et je les prends partout avec moi mais quand ils disparaissent, je les enflamme pour m'aider à passer à autre chose et les oublier. A chaque fois c'est très dur pour moi, aucun ne me donne jamais une raison de partir sans laisser de trace. C'est pour ça que je reste dans ma cachette, personne n'y est jamais allé à part moi, même les animaux qui vivent ici et même La Mort. Elle ne connait pas l'existence de cet endroit. Il est sous les racines d'un très gros arbre et je l'ai aménagé pour m'y sentir bien. Lorsqu'il fait froid, je m'y réchauffe et lorsque les jours de chaleur viennent, le froid se préserve à l'intérieur et m'offre un abri au soleil. Il n'y a pas la place de mettre quoi ce soit dedans alors j'entrepose tout, en haut de l'arbre, dans les branches et je demande aux oiseaux de me les garder mais hélas, lorsqu'ils acceptent, eux aussi s'envolent pour toujours. J'ai découvert ce petit coin il y a tellement longtemps. Je venais tout juste d'apprendre à marcher. J'y venais lorsque La Mort me faisait peur. Avant, tout ce que je faisais l'énervait, elle entrait dans une colère noire et le ciel s'assombrissait immédiatement, les animaux ne bougeaient plus puis fermaient les yeux et les oiseaux tombaient du ciel pendant que La Mort faisait résonner sa voix, aussi fort qu'elle le pouvait. Je ne comprenais pas ce qu'elle disait ce qui m'effrayait encore plus, alors j'allais aussi vite que possible dans ma cachette grâce à mes pouvoirs et restais allongé parfois des heures entières sans oser bouger ou respirer. J'attendais que sa rage retombe. Pendant qu'elle me cherchait, elle sifflait toujours ce même air strident, annonciateur de malheur et me provoquait un mal de crâne accentué par mon impossibilité à crier. Il y a bien longtemps qu'un épisode pareil ne s'est pas reproduit mais aujourd'hui encore, je suis terrifié à l'idée que ça recommence mais j'ai confiance en mon amie. Elle me protégera toujours des monstres et des dangers qui tenteront de me faire du mal, elle me l'a dit et ne m'a pas trompé jusqu'à maintenant, c'est pour ça que je lui obéis sans hésiter, elle ne veut que mon bonheur; c'est pour ça que ce rythme perpétuel d'ennuie se répète chaque jour. Mais aujourd'hui, c'est différent parce que nous sommes le lendemain d'hier et la veille de demain. 

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⏰ Last updated: Jan 04, 2018 ⏰

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