Funeste baiser.

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Les mains bleuies posées sur le rebord du balcon grisâtre de l'immeuble, les yeux rougis rivés sur les étoiles brillantes de mille feux à des années-lumière de notre malheureuse terre. Les sentiments perdus dans une forêt amazonienne, le cœur froissé, situé au fin fond des abimes de son esprit. L'espoir qui s'est brisé telle une bouteille qui explose contre du carrelage fragile. Le vent qui lui caressait délicatement la joue: la sortie de ses pensées morbides. Une larme coula le long de sa joue pâle. Elle n'était pas très stable ces derniers temps, d'ailleurs, elle ne l'avait jamais été, une funambule manquant de tomber dans le vide. Il n'y avait plus de sourire et de rire, dans son univers ils n'existaient pas. Ses seuls amis étaient les démons de la nuit, mystérieux, fascinants et mortels l'ayant emmené dans des lieux obscurs. Elle faisait danser des lames sur son corps en tentant de faite sortir ces créatures de ses veines, avalait des médicaments en espérant oublier sa vie et fumait pour libérer le brouillard de son cœur. Tout ceci n'était devenu qu'une pauvre routine. Avec son visage éclatant de tristesse souriante, Dotée de manière réservée,
Elle pleurait avec mille sourires de diablesse quelque peu charmants, Elle souriait de mille larmes affligées. Elle chut alors comme chaque soir sur son fauteuil et prit en main son arme fatale. Qu'elle pointa vers elle d'une façon bien plus que brutale.
C'était poétique, de voir sa lame peindre ce paysage cataclysmique en dansant sur la toile de son bras, ça dépassait les règles de l'éthique. Elle devenait une artiste en peignant avec son sang, c'était sa vie qu'elle mettait en danger pour construire un tel chef-d'œuvre, c'était toute son âme qu'elle mettait dans chacun de ses tableaux éphémères, chaque soir un nouveau dessin apparaissait, prenait vie sur les ruines du précédent.
Le regard vide, le mascara coulé. L'esprit d'espoir avide, elle décide aux astres de s'adresser, elle prononça alors quelques océans de mots qui lui crevaient le crâne depuis quelques temps, une sorte d'appel à l'aide, un dernier recours:
«-Ange protecteur hantant les catacombes des astres, descends des fins fonds des cieux, et vois ce désastre, vois dans mes yeux ma funéraire aurore, viens m'embrasser et me tuer de ton amour amer enfermé dans un écrin d'or, faire de moi ta peine de mort d'éternelle ataraxie d'une fureur que j'adore. Donne-moi un baiser, un seul, et je saurai m'en contenter pour tout le reste de mon existence, et je te dédierai ma mort.»
Alors, quelques minutes plus tard après avoir fini son joint, vacillant quand elle marchait, elle vit une chimère anthropomorphe, surgir des entrailles du ciel, elle aperçut des ailes d'une envergure à en glacer le sang des sédentaires de ses veines, elle crut rêver. Elle entendit une voix qu'elle ne connaissait pas, gutturale et agréable à la fois, lui donner un ordre, un conseil:
«-Sautes, rejoins-moi, je suis juste devant toi, je te rattraperai et t'aimerai comme jamais personne ne t'a aimé et ne t'aimera. Ce n'est pas un amour humain que je te propose, c'est au-delà de tout ce que tu t'imagines, c'est léger, c'est céleste, c'est l'amour d'un ange déchu qui t'est offert de ses mains propres, salies par le temps.»
Elle n'y crut point, elle s'assit alors sur le rebord de sa fenêtre, les pieds baignant dans le vide sanglant; elle commença à converser avec l'ange à propos de son arrivée.
-Qui es-tu étrange ange, comment m'as-tu trouvée parmi cette ville comblée d'âmes dévastées, perdu dans le désastre omniprésent... pourquoi es-tu venu vers moi ?
-Je suis tombé en même temps que la nuit, pareil à la pluie, sur cette terre où je me suis écrasé, écorché, j'ai cru un moment que plus jamais me relever je ne pourrai, enfin, je suis un ange à qui l'on a enlevé sa pureté et sa sagesse, il n'y avait plus de place en haut, alors je suis descendu vers toi, car même là-bas ta beauté rayonne et je suis tombé en amour devant ton regard apocalyptique, je suis descendu dans les bas-fonds de la terre. J'ai entendu tes mots, et ta voix trempée de pleure m'a donné les larmes au cœur, j'ai senti ton désespoir du haut de mon royaume d'ivoire et je n'ai pas pu résister de te voir une seconde de plus dans cet état, c'était de l'hystérie collective à moi tout seul, alors je suis venu, une rose à la main, pour demander à ton âme de venir errer avec moi, acceptes-tu ma rose ?
-Mais tu es qui exactement...?
-Oh, tu sais c'est très difficile à expliquer, je suis un mélange de haine et de désespoir, de peine et d'amour noir, je suis un mélange de tous les humains du monde, j'ai en moi la peine éternelle et la rage charnelle, j'ai en ma possession le pouvoir de vie et la décision de mort, disons juste que je suis venue te sauver de tout ce que tu endures, je suis ton ange protecteur.
-Et moi qui suis-je pour toi ?
-Tu es mon petit ange.»
Un silence s'installa dans cet échange harmonieux, elle se mit à réfléchir, si elle prenait sa rose elle est sauvée, si elle la refuse il la tuera de chagrin. Le problème c'est que son silence sonne comme un bruit strident dans son cœur et que ses paroles sont celles que son âme n'entend pas.
-Ange ?
-Oui ?
-Alors, acceptes-tu ma rose noire ?
-Oui»
À cet instant mon cœur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait sortir de mon corps"
L'ange de l'ombre couronné d'une auréole étincelante de ténèbres, lui tendit alors sa rose noire. Elle la saisit et se piqua le doigt de ses épines de désillusion.
L'ange noir approcha pour la prendre dans ses bras, elle se laissa choir dans ce paradis d'Achéron. Il avait un corps fait de marbre noir, de pierre vieillie par le temps, des yeux blancs et dégageait une force obscure, c'est cela qui l'attirait vers lui, elle aimait sa destruction, son usure. Et s'il n'y a pas d'explications, si nous pouvons tous devenir fous et basculer, si les choses arrivent sans prévenir, alors rien ne l'empêcherait d'être pris à son tour de démence bestiale.
Il lui dit pour la rassurer une fois près de ses bras:
«- Ecoutes, je n'éprouve peut-être pas le même amour que vous humains ressentez, mais je t'aime, et je veux que tu sois la muse de mes débâcles, celle qui hantera mes cauchemars, je veux faire de toi mon obsession, ma possession divine.»
Alors, se passa un événement inattendu, il approcha son visage de celui de la jeune femme, et l'embrassa, leurs lèvres ne se quittèrent plus et elle perdit connaissance.
Il avait le genre d'yeux à vous convaincre de le suivre aveuglément quoi qu'il fasse, alors elle sauté dans ses bras. Il faisait nuit, il faisait froid, elle était là, tout en étant absente, hors de son corps. Vidée de sa vie.
Et il lui dit:
«-Pardonne-moi, je t'en prie, j'ai emporté ton âme avec moi et j'ai laissé ton corps sur terre, tu ne risques plus rien, tu es avec moi maintenant, aucune douleur, on est unis pour l'éternité, et ton essence coulera dans mes veines minérales, et ta pensée se videra dans mon ouïe, et je te consumerai à chaque battement de cils, et tu mourras une seconde fois dans mon regard docile.»
[Le lendemain]
*bip*bip*
"Bonjour vous êtes sur la messagerie de ..... Veuillez laisser un message vocal"
«Oui, c'est maman, je suis inquiète ma fille tu ne réponds plus ni à mes appels ni à mes messages depuis hier soir, j'espère qu'il ne t'est rien arrivé de grave, bisous à tout à l'heure»
Sa mère rentra dans l'après-midi, et trouva les pompiers et le Samu au pied de son immeuble, elle interpella un des spectateurs des décombres de cette scène tragique:
«-Pardonnez-moi monsieur, savez-vous pourquoi toutes ces personnes sont là ? Car je ne comprends pas je suis inquiète pour ma fille...
-Une fille de cet immeuble a franchi le pas.... comment vous dire... elle avait des substances illicites dans les veines apparemment... On a affaire à une rêveuse totalement déconnectée de la réalité, en sautant elle a dû penser qu'elle s'envolerait.»
Cette mère en s'avançant pour voir le visage de ce corps dénué d'âme, s'effondra de larmes en voyant que cette fille, était la sienne. Et elle sentit son cœur se déchirer.
Et elle mourut à travers le regard de son enfant. Elle était à terre, elle était en pleurs... Ses larmes venaient se mélanger à la flaque de sang du corps annihilé de sa fille. Pour la première et dernière fois elle voyait un set des tableaux éphémère qui restera à jamais graver dans ses pensées.

Le bonheur suicidé.Donde viven las historias. Descúbrelo ahora