Le Labyrinthe

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Mirkan Thorès était l'incarnation même du « Scarface » de la téci. Madame Diallo ne le savait que trop bien, Mirkan était le mal personnifié et, elle tremblait à la simple idée qu'il puisse lui enlever la chair de sa chair. Mirkan Thorès, surnommé Mino, sans doute pour se conférer un air plus attendrissant, régnait d'une main de fer sur le quartier, et la population qui y vivait. Trafiquant de drogue notoire et relié à un grand nombre d'affaires de grand banditisme, il possédait plusieurs épiceries louches dans toute la région. Tantôt paternaliste et tantôt tyrannique, il était à la fois, respecté et craint par l'ensemble des habitants du secteur. Dans une période de crise économique généralisée, il avait facilement fait son nid dans cette banlieue, bannie de l'Etat. Mino avait la petite quarantaine et vivait, avec sa mère et sa sœur, au dernier étage d'un immeuble aux murs noircis par le temps, et recouvert, à sa base, des tags des âmes perdues du quartier. Son appartement était l'un des logements les plus prisé de la zone, six étages au-dessus de celui de madame Diallo. 

 «Tu sais Zaïr, si tu ne veux pas manger, moi je monte voir monsieur Mino Thorès.... lui il sera quoi faire ! Il lui en faut, au moins, sept comme toi, chaque année pour assouvir sa faim !» Disait-elle à son fils Zaïr « Alors dépêche-toi, de manger ton assiette ou il viendra et ne fera qu'une seule bouchée de toi !» 

 Zaïr enfourna son assiette d'une traite. Zaïr était encore très jeune et Madame Diallo savait que ce n'était qu'une question de temps pour qu'il sache que d'une certaine façon, elle mentait. Plus tard comprendrait-il, qu'elle n'avait cherché qu'à l'éloigner de l'influence néfaste de ce Mirkan ?

 D'autres enfants, eux, n'avaient pas eu la chance de rester très longtemps hors de portée de l'emprise de Mino, parmi eux le jeune Thaddée. D'ailleurs, en bas, à l'entrée de l'immeuble, était posté ce jeune garçon, à l'esprit vif mais au regard triste et à cœur meurtri. Thaddée pour qui l'école n'avait, selon lui, plus rien à lui apprendre, était entré au service de Mino dès l'âge de 10 ans. Aujourd'hui du haut de ses 16 ans, il travaillait en tant que guetteur, pour un salaire estimé à environ 100 euros par jour. Lorsqu'il avait choisi de prendre cette route, si tant est qu'il est eu vraiment le choix, il s'était dit que ce ne serait que pour un temps. Mais le temps commençait à être long, si long qu'il avait fini par comprendre qu'il serait bien difficile de suivre un autre sentier. Il avait commencé à se droguer pour se donner de la force, et a traîné, nuit et jour, dans la rue avec ses potes, pour tromper l'ennui. Pour lui, ni sa mère, ni les flics, ne s'intéressaient à sa lente descente aux enfers, alors à quoi bon lutter. Il était corps et âmes sacrifié à Mino.

 Ce jour-là donc, Thaddée était assis comme à l'accoutumé devant la barre d'immeuble, contrôlant et filtrant les entrées-sorties. Il observait les allées-venues des voitures. Il enviait les enfants qui jouer au foot sur le terrain vague en face. C'est alors, qu'au loin, il aperçut la silhouette d'Arianna. Arianna n'était autre que la sœur de Mino, chasse gardée du gang. Cette fille à la démarche chaloupée avait une vingtaine d'année. Métissée, elle était d'une rare beauté, comme on en voit peu en lieu banni. Elle étudiait à l'université de médecine, de l'autre côté de la ville, là-bas dans les arrondissements aisés. Arianna était un ange perdu au milieu de satyres. Elle avait une étincelante chevelure comme tissée de fils d'or. Sur son épaule gauche, Arianna s'était fait tatouer une toile d'araignée, ainsi qu'un petit arachnide qui semblait escalader le long de son cou. Secrètement, tous les gamins du tierquar faisaient le pari d'obtenir d'elle un rencart. Mais aucun ne s'y tentait ! Thaddée l'observait marcher comme on contemple un mirage. Quand, sous l'emprise d'une mystérieuse pulsion, il quitta précipitamment son poste de vigie, pour aller ouvrir la porte à la jeune créature blonde qui s'avançait vers lui. Il bégaya un timide « Sa-sa-salut » à la belle, lorsque cette dernière arriva à sa hauteur. Celle-ci, pour seule réponse, le toisa de son regard, aussi noir que les eaux du Styx : « Si tu crois que la grande Arianna Thorès peut tomber dans les bras d'un petit guetteur comme toi, tu peux te mettre les doigts dans l'œil, profond jusqu'au nerf optique. »- Lui assena-t-elle sèchement- « Un jour, je partirai loin d'ici, loin des minables dans ton genre ... » Elle s'abandonna à un éclat de rire diabolique. Puis, telle une princesse mortelle, qui vient de piquer son adversaire de son fatal venin, elle disparut satisfaite, en grimpant deux à deux les marches du grand escalier. Ses longs cheveux d'or flottaient au vent. Son rire résonnait en écho dans tout le bâtiment. Son parfum vaporeux se diffusait du hall de l'immeuble jusqu'au dernier étage. Thaddée huma l'air. Les effluves de ce doux poison le firent un instant vaciller. Une porte claqua. Le silence se fît de nouveau. Recouvrant alors ses esprits, Thaddée reprit sa position sur sa chaise de camping pliante, à l'entrée de l'immeuble. 

Les yeux perdus dans le vague, il était pensif. Un instant, Thaddée s'imagina suivre la chevelure d'or d'Arianna, jusqu'à la porte du tyran Mino Thorès, son cran d'arrêt, fidèle protecteur, dans une des poches de son survet'. Un jour, pensait-il, il vaincrait ce monstre qui le tenait prisonnier de ce monde médiocre. Il mettrait à terre ses démons, il trouverait l'issue à ce dédale de béton et irait rejoindre la belle Arianna, dans un ailleurs meilleur. Mais pour l'heure, aujourd'hui encore, et pour les jours qui suivraient, il devrait rester assis là à jouer le « garde-frontière ». Il le savait et il n'avait pas d'autres choix. Perdu dans ses rêveries, Thaddée ne vit pas débouler au coin de la rue une berline noire. Il ne vit pas, non plus, ce sinistre bolide roulait à vive allure dans sa direction. Il n'eut pas le temps d'être surpris, quand arrivant devant l'immeuble, la Mercedes SLC freina brutalement. Il discerna, tout juste, un homme vêtu d'un bombers noir, en sortir, un bandana rouge noué sur le crâne.

 Il était 18h56, quand Arianna entendit des pneus crisser au bas du bâtiment, son iPhone 7 joué le clip d'Indila « Une dernière danse ». C'est à 18h57, qu'elle sursautât quand une rafale de balles retentit, en contrebas de sa chambre. Elle passa, promptement sa tête par la fenêtre, et distingua une Mercedes fuyant au loin dans un tourbillon de poussière. Baissant les yeux, elle découvrit, enfin le corps de Thaddée, gisant dans une mare de sang, sur le seuil de l'immeuble. Elle se mordit les lèvres. Une larme roula le long de sa joue. Il était 18h58 ! 

 A 18h58 Thaddée vit onduler au-dessus de lui les fins cheveux d'or d'Arianna. Une goutte salée tomba dans le creux de sa bouche. Contemplant la lueur qui émanait juste au-dessus de lui, il crut voir, en Arianna, un ange de lumière lui tendre la main. Le doux parfum séraphin l'enivrait. Il agonisa ainsi durant deux interminables minutes. Un fil d'or semblait se dérouler, menant à une lumière d'un blanc d'une pureté virginale. Enfin, lorsque retentirent les 19 coups du clocher de l'église du quartier, Thaddée sût qu'il avait fini par trouver une issue. Un sourire se dessina sur son visage habituellement triste, un torrent de sang s'échappa de sa bouche. Sous les yeux de celle qu'il convoitait jusqu'alors, il expirât une dernière fois et entra, sans lutter, dans les eaux profondes du Styx, s'abandonnant au fleuve noir.   

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⏰ Last updated: Jan 21, 2018 ⏰

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