II.

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Un homme plutôt jeune, d'une vingtaine d'années, est enveloppé dans une couverture sale et trouée. Il est assis en tailleur sur un petit banc à côté du pont, et il semble terriblement fatigué. Le froid le fait grelotter et il a l'allure misérable.

A travers le bruit de la pluie, Ange arrive à peine à entendre ses paroles faiblement prononcées.

- Tu chantes bien, petite.

Ange, agacée, rétorque aussitôt :

- Lâche-moi, vieux pervers! J'suis pas petite, je chante pas bien et puis laisse moi, j'dois mourir maintenant.

Elle se retourne brusquement vers l'eau et y replonge à toute vitesse ses pieds bleus de froid.

Mais l'homme insiste et laisse une place sur le banc pour la jeune fille, lui proposant de s'assoir à côté de lui quelques instants.

- Je peux peut-être t'aider, gamine, parle moi..

- Et en quoi qu'ça m'aiderait ? Demande alors Ange sèchement.

- Tu n'as rien à y perdre. Ça pourrait te soulager, et ça fait passer mon temps qui est tellement long, ici.

L'homme paraît si seul, si inoffensif aux yeux d'Ange qu'il lui inspire presque de la pitié.

Presque. Seulement presque.

Elle finit alors par lâcher amèrement que personne ne peut comprendre, qu'elle n'a plus qu'à s'en aller et que le monde ne s'en portera que mieux sans elle, avant que sa gorge ne se resserre trop et que des sanglots bruyants viennent couvrir le bruit des gouttes d'eau tombant dans le lac.

Elle essuie rageusement ses larmes, blâme ses propres faiblesses et ses grands yeux noisettes finissent par revenir au pauvre vagabond avec sa barbe de plusieurs jours qui la regarde, intrigué, toujours en tremblotant.

Ange soupire en levant les yeux au ciel, se dirige vers lui et se laisse tomber sur le banc à ses côtés.

- Vas-y alors, dit-elle en regardant ses pieds, intimidée. Commence. Raconte moi qu'est c'qui t'amène par ici.

Au croisement de nos viesWhere stories live. Discover now