cet été-là...

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Gabrielle a 20 ans

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Gabrielle a 20 ans.

Elle est américaine, étudiante en troisième année à l'université de Berkeley. Cet été-là, elle porte souvent un jean clair, un chemisier blanc et un blouson de cuir cintré. Ses longs cheveux lisses et ses yeux verts pailletés d'or la font ressembler aux photos de Françoise Hardy prises par Jean-Marie Périer dans les années 1960. Cet été-là, elle partage ses journées entre la bibliothèque du campus et son activité de pompier volontaire à la caserne de California Street. Cet été-là, elle va vivre son premier grand amour.

Martin 21 ans

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Martin 21 ans.

Il est français, vient de réussir sa licence de droit à la Sorbonne. Cet été-là, il est parti aux États-Unis en solitaire pour perfectionner son anglais et découvrir le pays de l'intérieur. Comme il n'a pas un sou en poche, il enchaîne les petits boulots, travaillant plus de soixante-dix heures par semaine : serveur, vendeur de crème glacées, jardinier... cet été-là, ses cheveux noirs mi-longs lui donnent des airs d'Al Pacino à ses débuts. cet été-là, il va vivre son dernier grand amour.

 cet été-là, il va vivre son dernier grand amour

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cafétéria de l'université de Berkeley

_ Hé, Gabrielle, une lettre pour toi

Assise à une table, la jeune femme lève les yeux de son livre.

_ Comment ?

_ Une lettre pour toi, ma belle. répète Carlito, le gérant de l'établissement, en posant une enveloppe couleur crème à côté de sa tasse de thé.

Gabrielle fronce les sourcils.

_ Une lettre de qui ?

_ De Martin, le petit Français. Son travail est terminé, mais il est passé déposer ça se matin.

Gabrielle regarde l'enveloppe avec perplexité et la glisse dans sa poche avant de sortir du café. Dominé par son campanile, l'immense campus verdoyant baigne dans une atmosphère estivale.  Gabrielle longe les allées et les contre-allées du parc jusqu'à trouver un banc libre, à l'ombre des arbres centenaires. Là, tout à sa solitude, elle décachette la lettre avec un mélange d'appréhension et de curiosité.

Le 26 août 1995

chère Gabrielle,

Je voulais simplement te dire que je repars demain en France. Simplement te dire que rien n'aura plus compté pour moi pendant mon séjour californien que les quelques moments passés ensemble à la cafétéria du campus, à parler de livres, de cinéma, de musique, et à refaire le monde.

Simplement te dire que, plusieurs fois, j'aurais aimé être un personnage de fiction. Parce que dans un roman ou dans un film, le héros aurait été moins maladroit pour faire comprendre à l'héroïne qu'elle lui plaisait vraiment, qu'il aimait parler avec elle et qu'il éprouvait quelque chose de spécial lorsqu'il la regardait. Un mélange de douceur, de douleur et d'intensité. Une complicité troublante, une intimité bouleversante. Quelque chose de rare, qu'il n'avait jamais  ressenti avant. Quelque chose dont il ne soupçonnait même pas l'existence.

Simplement  te dire qu'un après-midi, alors que la pluie nous avait surpris dans le parc et que nous avions trouvé refuge sous le porche de la bibliothèque, j'ai senti, comme toi je crois, ce moment de trouble et d'attraction qui, un instant, nous a déstabilisés. Ce jour-là, je sais que nous avons failli nous embrasser. Je n'ai pas franchi le pas parce que tu m'avais parlé de ce petit ami, en vacances en Europe, à qui tu ne pouvais pas être infidèle, et parce que je ne voulais pas être à tes yeux un type "comme les autres", qui te draguent sans vergogne et souvent sans respect.

je sais pourtant que si on s'était embrassés, je serais reparti le cœur content, me foutant de la pluie ou du beau temps, puisque je comptais un peu pour toi. Je sais que ce baiser m'aurait accompagné partout et pendant longtemps, comme un souvenir radieux auquel me raccrocher dans les moments de solitude. Mais après tout, certains disent que les plus belles histoires d'amour sont celles qu'on n'a pas eu le temps de vivre. Peut-être alors que les baisers  qu'on ne reçoit pas sont aussi les plus intenses...

Simplement te dire que lorsque je te regarde, je pense aux 24 images-secondes d'un film. Chez toi, les 23 premières images sont lumineuses et radieuses, mais de la 24e émane une vraie tristesse qui contraste avec le lumière que tu portes en toi. Comme une image subliminale, une fêlure sous l'éclat : une faille qui te définit avec plus de vérité que l'étalage de tes qualités ou de tes succès. Plusieurs fois, je me suis demandé ce qui te rendait si triste, plusieurs fois,  j'ai espéré que tu m'en parles, mais tu ne l'as jamais fait.

Simplement te dire de prendre bien soin de toi, de ne pas être contaminée par la mélancolie. Simplement te dire de ne pas laisser triompher la 24e image. De ne pas laisser trop souvent le démon prendre le pas sur l'ange.

Simplement te dire que, moi aussi, je t'ai trouvée magnifique et solaire. Mais, ça, on te le répète cinquante fois par jour, ce qui fait finalement de moi un type comme les  autres...

simplement te dire, enfin, que je ne t'oublierai jamais.

                                                                                                                                                                                     Martin


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