Je rejoins Julien en courant. Je suis intenable. Nino est dans le même état que moi. D'ailleurs, Chris n'aurait jamais du accepter de me l'amener après ma reconnaissance, il va s'en mordre les doigts.
J'arrive sur la piste qui vient d'être ouverte à la reconnaissance, toute stressée. Julien le remarque rapidement, et au lieu de commencer à apprendre mon parcours comme je devrais le faire, il me retient. Je me tourne face à lui, et il pose ses deux mains sur mes épaules, m'obligeant à me confronter à lui. Je déglutis. Il va me passer un savon.
"Ecoute-moi bien, Elsa. Je peux comprendre que tu stresses, c'est un grand évènement aujourd'hui. Je sais que tu attendais ce jour depuis longtemps. Mais je t'interdis de paniquer, et de laisser tous tes mauvais souvenirs t'envahir. Vous avez fait une saison formidable, toi et Nino. Et même si vous avez eu votre accident sur cette même épreuve, vous partez tous les deux favoris. Vous êtes deux couples triple sans-faute. Tu es en tête, parce Nino est plus rapide, et tu le sais. Assure ton sans-faute en premier lieu. On verra en suite s'il y a barrage ou pas. Mais avant tout, détend toi. Tu n'arriveras à rien dans cet état-là. Rien du tout. Regarde-moi et respire."
Je prends une grande inspiration en fermant les yeux, et j'expire lentement. Je fais ça plusieurs fois, pour faire redescendre mon rythme cardiaque. Je parviens à me calmer, et à me concentrer par la même occasion.
"Bien. Maintenant, reconnaissons ton parcours."
Je n'aime pas reconnaître seule. C'est pour ça que Julien m'accompagne la plupart du temps. Ça me permet de dire tout ce que je pense à voix haute. Et ça permet à Julien d'enregistrer tout ce que je compte faire pour pouvoir mieux analyser mon tour. C'est un fonctionnement qui nous va à tous les deux.
Le tour est gros. Normal, pour une finale. J'ai beau être en tête du provisoire, la peur est présente en moi, et je la sens qui gronde, prête à pendre le dessus sur mes autres sentiments et sur ma concentration. Tout ce qu'il ne faudrait pas est prêt à arriver.
Je finis ma reconnaissance, je la refais une deuxième fois, en accéléré. Puis une troisième fois, juste du bout de ma cravache. On devrait être bons.
Je reste regarder le premier tour. C'est la 2ème manche de la finale, nous ne sommes plus que 20, et je passe la dernière. Je ne voulais pas que Nino attende au soleil jusqu'à notre deuxième passage de la journée. Chris a accepté de le prendre en main. J'ai une pensée pour Nino qui doit être en train de lui mener la vie dure.
Je regarde un deuxième tour. Les barres tombent. Les chevaux commencent à fatiguer, le tour est gros et très technique. C'est logique. C'est un tour qui va faire du tri. Seront au classement les seuls chevaux qui auront encore assez de ressource et de cœur pour ne plus effleurer une barre.
Julien est allé voir où en est Chris, alors quand je l'entend m'appeler, c'est que Nino est là. Mon grand cheval bai est intenable. Il tourne sur place. Il se met même très légèrement debout quand Chris finit par se fâcher. Je ne peux pas m'empêcher de sourire. S'il était calme, je m'inquièterais.
Quand j'arrive à leur niveau, Nino pousse un long hennissement qui m'arrache un rire. Il est tellement beau, mon grand cheval. Chris continue de me le tenir pendant que je ressangle, et je plie ma jambe pour que Julien me hisse en selle. Il ne peine absolument pas à me soulever, et il ne me lâche pas, afin que je ne retombe pas comme une brute sur le dos de Nino.
Je caresse l'étalon dès que je suis à cheval, et Chris me lâche enfin. Nino part directement au petit trot, j'attrape rapidement mes rênes pour le repasser au pas.
"Calme-toi mon grand, calme-toi. On a encore un peu de temps avant d'aller sur le paddock."
Je le marche quelques instants, jusqu'à ce qu'il cède et se détende. Je peux maintenant lui laisser des rênes, et il marche rêne longue. Je reste proche de la piste pour entendre les résultats. Il n'y a toujours pas eu de sans faute, et autant vous dire que ça ne me rassure pas.
