Chapitre 10 : Catherine, 1944

34 8 0
                                    

Le mois de janvier 1944 fut gris et morne, et il ne se passa presque rien. La tristesse de Catherine s'estompait lentement, et son travail l'y aidait beaucoup. Depuis qu'elle avait vu Thomas mourir sous ses yeux, il lui apparaissait d'une importance capitale d'enseigner les gestes de premiers secours aux résistants. Savoir que ce qu'elle leur apprenait pouvait sauver des vies...

Elle demanda la permission de prendre un travail officiel pendant la journée au caporal Martin, qui lui donna son autorisation. Cela lui permit d'obtenir un poste d'infirmière dans l'hôpital du bourg. Là, elle était sûre de n'avoir que rarement du temps libre, et surtout moins d'occasions de broyer du noir. Certaines personnes, dans la résistance, lui reprochaient de soigner de Allemands. Mais pour elle, ce n'était qu'un blessé, qu'un malade, qu'une vie de plus qu'il s'agissait de sauver... D'autant plus qu'elle passait une bonne partie de ses soirées et de ses nuits au service de l'Armée Secrète.

Moïse et elle passaient leurs rares temps libres ensemble. Ils se racontaient leurs déboires journaliers pour ne pas à avoir à penser au passé. Et puis, au fil des jours, les cauchemars de Catherine se firent moins fréquents, elle souriait plus souvent, et comme son ami le lui avait dit, le temps continuait à faire son oeuvre, à cicatriser les plaies à vif de son coeur.

La Résistance ne faisait que se renforcer de jour en jour. Le premier février, on annonça la création des Forces Françaises de l'Intérieur. Ça y était pour de bon, tous les mouvements de résistance était unifiés: l'AS, dont elle et Moïse faisaient partie, les Francs-Tireurs et Partisans, et l'Organisation de Résistance de l'Armée, plus d'autres groupes plus petits dont elle avait oublié les noms.

Un mois et demi plus tard, le 15 mars, le caporal Martin leur annonça que le CNR avait créé un petit programme comprenant ce qu'il y avait à faire immédiatement en vue de la Libération, et aussi des mesures à plus long terme, comme la création de la sécurité sociale et le rétablissement du suffrage universel. Catherine arrondit des yeux grands comme des soucoupes lorsqu'on lui dit que ce programme avait été adopté à l'unanimité. Cela faisait une belle promesse pour l'après-guerre... Les partis différents étaient donc bien capables de s'unir afin de se battre pour une cause...

De plus, l'Allemagne était en train de perdre du terrain face aux résistants. Mais à la grande surprise et à l'horreur de tout le monde, la Milice rassembla ses forces et attaqua les positions résistantes dans le Vercors, du 23 au 25 avril. Des fermes furent pillées et incendiées, des habitants déportés, d'autres fusillés.

Les Allemands connaissaient l'existence de l'opération Overlord, mais les Alliés avaient conçu un plan visant à attaquer en plusieurs points différents de la France pour détourner l'attention de l'Allemagne de la Normandie. Mais le caporal Martin souhaitait qu'il y ait des infirmières en Normandie, dans les villages alentour des plages où le débarquement se ferait. Catherine était comme à son habitude assise à côté de Moïse lorsqu'il passa son appel à Londres.

- Le caporal veut que nous remontions en Normandie, lui annonça le Noir.

Le coeur de la jeune femme se serra un peu: elle s'éloignait à nouveau de son frère... Mais un ordre était un ordre, et il fallait obéir, comme aurait dit Thomas. La douleur provoquée par se souvenir fut extrêmement violente, et elle souffla un grand coup pour s'éclaircir les idées. Elle détestait quand ce genre de réminiscences surgissaient à l'improviste...

Ils dirent au revoir à l'Auberge du Cheval Blanc et à toutes leurs connaissances dans les environs, et reprirent le chemin de la zone nord avec la même Citroën qui les avait amenés là.

Après plusieurs jours de route, ils atteignirent enfin les vertes plaines de Normandie. Le caporal leur avait dit que, comme lorsqu'ils étaient Paris, une personne avait accepté de les loger.

Frères de guerre [TERMINÉ]Where stories live. Discover now