Je suis marié. Je divorce. Y a qu'à...

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En 2012, plus de 128 000 divorces ont été prononcés en France. Le mien était de ceux-là.

Nous nous sommes mariés trois ans après notre rencontre. Un bébé allait naître deux mois après notre union, puis un autre quelques mois plus tard.

Dix ans, jour pour jour, après notre emménagement dans ce qui fût la maison familiale de mon époux et dans ce qui sera notre domicile familial à nous, mon mari me dit qu'il souhaite « rompre le contrat ».
« Romprele contrat ». Je ne comprends pas. Nous n'avons aucun contrat.

Hormis les enfants, le seul document qui nous lie lui et moi, est celui de notre mariage. Mais il s'agit-là d'un mariage classique, sans contrat de mariage.

J'insiste, je reformule. « Tu veux rompre le contrat ? Tu veux divorcer ? »

Lui n'était pas capable de prononcer ce mot, le mot qui allait changer notre vie.

La situation était un peu particulière.

Mon mari avait reçu en donation la maison familiale. Nous avons cassé, reconstruit, créé notre logement à la force de nos bras et avec nos faibles moyens avant, mais surtout après notre mariage.

Sans contrat de mariage, en cas de divorce, j'avais droit à une compensation financière importante de ce fait. Alors même que je ne pouvais pas prétendre à un quelconque droit sur cette maison qui était la sienne, je pouvais exiger une somme d'argent conséquente pouvant l'amener à devoir vendre cette maison qui était dans sa famille depuis plusieurs générations.

Mon travail, les situations connues autour de nous en témoignaient régulièrement.

Par peur, par appréhension du futur,mon mari a souhaité « rompre le contrat », c'est-à-dire divorcer alors que rien, dans notre situation personnelle, ne le laissait présager. Il était selon lui, plus judicieux de divorcer alors que nous étions en très bons termes plutôt que de prendre le risque d'attendre que n'arrive un jour où la rancune serait telle que j'exigerai le maximum. Il fallait éviter tout risque pour la pérennité familiale de la maison.

Ainsi son souhait n'était pas de procéder à un divorce classique. Mais à un seul divorce financier. 

Tout devait rester comme avant : notre vie commune, notre gestion des comptes déjà séparés, notre couple parental.

Seule différence : nous ne serons plus mariés.

Pour protéger la maison, sa maison, il nous fallait officialiser la séparation de nos comptes bancaires et en l'absence de contrat de mariage, le divorce était donc nécessaire.
Il était selon lui, insuffisant de passer par la simple rédaction d'un contrat de mariage. Le divorce étant dès lors toujours possible, cela générerait des coûts financiers supplémentaires.

Pour protéger la maison d'un seul, « y a qu'à divorcer ».

En gardant à l'esprit qu'il ne s'agit-là que d'un divorce financier...

Pas simple à accepter psychologiquement.
Pas simple à expliquer aux enfants,trop petits pour entendre les explications et trop grands pour ne rien savoir.
Pas simple à dire aux proches.
Pas simple à faire fi d'un document puisque le divorce n'aurait été rien d'autre.

Mon mari a essayé de me rassurer, de me dire que son seul souhait était de protéger sa maison, son héritage.

Il m'a assuré de sa volonté de continuer ensemble.

Mon premier sentiment face à tout cela a été un sentiment vexatoire.
J'ai été vexée qu'il n'ait pas confiance en moi pour la suite de notre histoire.
J'ai été vexée qu'il ne souhaite pas passer par un simple contrat de mariage avant un divorce.
J'ai été vexée qu'il ramène notre histoire d'amour à un coût financier.
J'ai été vexée qu'il fasse passer sa maison avant moi, avant nos enfants, avant notre famille.
J'ai été vexée que le matériel soit pour lui plus important que nous.

Cette vexation a supprimé en moi toute capacité à apprécier le fond de sa proposition au-delà de la forme. Je n'ai vu que l'anéantissement des dix années passées et de mon bonheur futur.

Certains ne verront dans la décision de mon mari de « rompre le contrat », aucune méchanceté,aucune animosité à mon égard, à l'égard de notre couple. Juste la peur de l'avenir et de ne pas participer à l'histoire de cette bâtisse à la même hauteur que ces ancêtres.

D'autres verront dans cette décision une réelle défiance à l'égard de notre couple, un attrait pour du matériel supérieur aux sentiments qui devaient être les siens non seulement pour moi, mais aussi pour notre famille toute entière.Juste un prétexte pour ne pas avouer que son amour pour moi, voire pour nos enfants, n'était plus.

Ces derniers ont été les plus présents autour de moi.

La quasi unanimité de mes proches ont tenu ce discours, arguant d'un simple prétexte, de l'absence de sentiments à mon égard et d'un égoïsme sans nom.

« Il veut divorcer ? Tu n'asqu'à divorcer. Mais un divorce réel, pas seulement financier ».

Affaiblie, anéantie, je les ai écoutés.
J'ai divorcé.
Réellement et pas simplement financièrement.

Passée cette décision, nous nous sommes donc inscrits dans le processus classique du divorce.

A l'annonce de votre divorce, les gens sont en premier lieu empreints de compassion. Ils sont désolés pour vous, vous disent que vous êtes forts, que vous allez vous en sortir.

Beaucoup ne peuvent cependant secontenter de ce seul énoncé.

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⏰ Last updated: Mar 26, 2018 ⏰

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