Guillaume.

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Plusieurs jours plus tard, Aurélien décida de sortir s'aérer l'esprit dans les rues de sa ville. Julien ne l'avait toujours pas contacté et il ruminait toujours ses sombres pensées. Il voyait à présent à quel point c'était toujours lui qui lui envoyait des messages et essayait de prendre de ses nouvelles. Et maintenant qu'il voulait voir combien de jours ça prendrait à Julien de lui envoyer un simple salut, celui-ci ne venait pas. Il se demanda alors ce qu'il ressentait vraiment pour Julien. Est-ce qu'il avait toujours des sentiments pour lui ou est-ce que c'était plus de l'attachement ? Il se prit à penser que la dernière fois qu'ils s'étaient vus il n'avait pris aucun plaisir et qu'il avait même ressenti un certain dégoût en le faisant et il se mordit la lèvre. Il ne pouvait pas être ce genre de mec, si?

Toujours perdu dans ses pensées, il passa devant un magasin de skate et s'arrêta pour regarder l'enseigne. Le magasin était en piteux état mais une petite voix dans sa tête lui dit de rentrer à l'intérieur. Cela faisait plusieurs années qu'il voulait se mettre au skate sans jamais trouver le bon moment ou l'envie nécessaire. Il était plutôt le genre de garçon à se laisser dépasser par les événements. Il jeta un coup d'œil timide à la grande variété de skates différents et au bout de quelques minutes, ses yeux s'arrêtèrent sur une planche noire posée à même le sol, recouverte d'un simple dessin blanc représentant un bonnet et des flammes. La planche lui plut tout de suite et il s'en empara avec un grand sourire enfantin. Cette planche était faite pour lui.

Il se retourna et chercha des yeux le vendeur, mais aperçut seulement un garçon affalé sur le comptoir, en train de dormir la tête dans les bras. Il s'avança alors doucement vers ce dernier et le secoua légèrement pour le réveiller. Le garçon grogna dans son sommeil et le repoussa afin de se rendormir.

« Excusez-moi... » demanda-t-il, timidement.

En entendant sa voix, le garçon ouvrit les yeux en un éclair et se redressa précipitamment sur son siège.

« Bonjour, bienvenue chez nous, qu'est-ce-que je peux faire pour vous ?! » l'entendit-il dire, comme par automatisme.

Dans sa précipitation, le garçon se cogna le dos contre le mur et son bonnet tomba sur ses yeux. Aurélien se mit à rire de bon cœur à cette vue.

« Bonjour, je voudrais vous acheter une planche à roulette. »

Le garçon releva le bonnet de ses yeux avant de l'enlever tout à fait et le détailla du regard. Il sentit son cœur rater un battement lorsqu'il reconnu le garçon auquel Julien s'en était pris une semaine auparavant. Le garçon était assez grand et mince, avait de grands yeux noisettes et une barbe bien taillée. Il avait un pansement sur son arcade sourcilière et Aurélien frissonna en repensant à comment il s'était retrouvé blessé à cet endroit. Il fut pris d'un violent sentiment de culpabilité et baissa aussitôt les yeux en direction du sol.

« Bien sûr, laquelle vous ferait plaisir ? »

Il releva le visage, le rouge aux joues, et le détailla à son tour. Le garçon n'avait pas l'air de se souvenir de lui. Ou alors il faisait semblant. Après tout, dans l'état où il était, il n'avait pas dû voir son visage, seulement entendre sa voix et encore...

« Je... J'aime beaucoup celle-ci. » dit-il d'une petite voix en posant la planche qu'il tenait à la main sur le comptoir.

Le garçon, Guillaume, disait son badge de vendeur, regarda la planche d'un air surpris et se passa une main derrière la nuque.

« Oh, je suis désolé, mais celle-ci n'est pas à vendre. C'est une planche que j'ai faite moi-même. Vous savez, on se fait tellement chier ici qu'on s'occupe comme on peut.

— Oh... Dommage, elle me plaisait    vraiment... répondit-il en faisant une petite moue déçue.

— Mais si vous voulez, je peux vous en faire une ? lui proposa alors Guillaume d'un air embarrassé en se passant une main sur la nuque et il haussa les sourcils, étonné de sa proposition.

— Vraiment ? Tu- Enfin, vous feriez ça ? s'exclama-t-il, surpris.

— Ouais, sans problème. Et tu    peux me tutoyer. Je m'appelle Guillaume. »

Il sourit nerveusement à ça. Il ne pouvait pas devenir ami avec ce garçon. Pas après ce qui s'était passé. Pas avec sa bande de potes dans les parages. Pas avec Julien, si près... Juste quand il pensa à son copain, son téléphone se mit à vibrer dans sa poche et en regardant qui pouvait l'appeler, il vit le nom de celui-ci s'afficher sur son écran. Il jeta un coup d'œil au garçon et s'excusa pour répondre :

« Allô ? ... Non je ne peux pas, je suis en train d'acheter une planche à roulette. ... Oui un skate, si tu veux. ... Je peux apprendre, tu sais... ... Bien sûr que si que je vais vraiment m'y mettre... ... Oui, c'est ça. ... Bye. »

Il regarda le garçon d'un air gêné et celui-ci lui sourit gentiment :

« Tu ne sais pas encore en faire ?

— Non, pas vraiment... Mais ça fait des années que je dis que je vais apprendre.

— Si tu veux, je peux t'apprendre, moi. Ça me ferait même plaisir.

— Vraiment ? demanda-t-il , les joues rouges devant la proposition de l'autre garçon.

— Ouais, ça me ferait plaisir. Je    connais encore personne ici, je viens tout juste d'emménager. Et ça me permettra de sortir un peu, de faire autre chose que ce fichu job. »

Aurélien sourit et avant qu'il n'ait eu le temps de réagir, le numéro de téléphone de Guillaume était inscrit dans son portable. Il sortit du magasin après un dernier signe de la main à Guillaume et rentra chez lui, encore un peu déboussolé par cette rencontre.

***

Ce soir-là, il s'allongea dans son lit et se mit à regarder le plafond de sa chambre. Pourquoi avait-il accepté de revoir ce garçon ? Il avait même son numéro dans son portable maintenant. Si Julien l'apprenait, il le tuerait. Ou en tout cas, il pourrait être dangereux pour le garçon. Et il n'avait pas envie qu'il le tape de nouveau. Il s'endormit en pensant qu'il faudrait sûrement qu'il invente une excuse pour ne pas le revoir.

Aurélien.Where stories live. Discover now