L'Enfant Sombre

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Fenrir, dans son lit, ne parvenait pas à trouver le sommeil, cette nuit-là. Il accordait tellement d'importance à s'endormir rapidement pour être en forme demain, qu'il y pensait trop, et il finit par abandonner. Comment tous les délaciens pouvaient-ils fermer les yeux et rêver dès que la nuit tombait ? Cela lui semblait impossible. Il avait du mal à comprendre les règles de sa cité, parfois. D'ailleurs, était-ce vraiment sa cité? Pouvait-on dire qu'il était vrai délacien? Bien sûr que oui, en tout cas, il voulait l'être. Après tout, il ne connaissait que Dela. Il repensa au regard que certains lui lançaient, comme celui de la mère de Fadal, une fille de son âge, et il se promit d'être un citoyen modèle. Très bientôt, il aura un comportement irréprochable, et tout le monde l'admirera. Il sourit. "Je serai un exemple, se répéta-t-il. Mais pas ce soir. Je serai un exemple à partir de demain." Il se rassura en se disant que la nuit était tombée depuis longtemps, de toute manière, et que tous les bons citoyens dormaient. Tous, sauf un. Il se glissa hors de son lit, en prenant mille précautions pour ne pas réveiller son frère, marcha sur la pointe des pieds jusqu'à la porte en bois, l'ouvrit, et eut une petite joie intérieure lorsque celle-ci ne grinça pas.
****
Il savait que personne ne risquait de le voir. Ils dormaient tous. Il alla sur la Place, et grimpa une des Tours. D'ordinaire, il les trouvait imposantes, mais toutes les belles structures de Dela lui semblaient être un immense terrain de jeu, la nuit. Après les avoir grimpé, il passa de l'autre côté de la balustrade.
Il était assis sur une chaise, comme s'il l'attendait. Le peu de lumière que donnait la lune éclairait son taël et ses longs cheveux argentés.
"- Tu es agile.
- Sûrement plus que toi, vieux Chef."
Calem rit de bon cœur.
"-Dis-moi, tu me sembles tout aussi agile qu'agité. La cérémonie de demain te préoccupe-t-elle ?"
Le garçon trépignait, comme s'il hésitait entre deux réponses, avant d'en choisir une.
" - Oui. Je suis préoccupé, mais pas pour moi.
- Ah ? Comment cela se fait-il ?
-Aujourd'hui, j'ai eu un morceau de ton taël,"dit-il avec fierté. Son sourire aussi enfantin que démoniaque brillait dans la nuit. "Un jour, je l'aurai tout entier, et assis sur cette chaise j'irai rire à la lune et elle rira en retour." Il fixa un instant le vieux Chef, et sans rien ajouter, s'en alla de la même manière qu'il était arrivé.
Une sensation, oubliée depuis longtemps, remonta en Calem. La peur. Une peur indicible lui faisait vibrer les os. Il ne put enlever l'image de son esprit. L'image sinistre du garçon à la peau mate, découpant sa silhouette plus sombre que la nuit, et dont seul le reflet des yeux blancs et de ses dents, semblables à des crocs, brillait. Quoi que l'enfant soit réellement, il lui donnait des frissons.

FENRIR : LES ORIGINESWhere stories live. Discover now