Petites histoires du soir

Lettre d'un mort

Ma chère et tendre,

    Je te donne de mes nouvelles pour la dernière fois, je serais donc plus franc sur ce qu'il se passe. Mon besoin de me libérer sur ce qu'il se passe véritablement ici est insoutenable. Évidemment, je sais que cette lettre tu ne la recevras sans doute jamais à cause des censures..Rah, les censures, pourquoi ça existe ? Pourquoi a t-on besoin de garder la vérité pour nous ? Pourquoi l'État n'accepte pas la vérité en face ? Nous mourrons tous les uns après les autres, soit de maladie, soit de blessure mortelle. Les conditions de vie sont épouvantables, nos lits sont que des amas de corps morts, de sang et de boue mêlés. Nos visages sont méconnaissables, nos corps n'en parlons pas. Heureusement que tu n'es pas là, tu partirai en courant, tu m'abandonnerai. Puis ne parlons même pas de nos rations alimentaires, elles sont ridicules. Le champ de bataille n'est qu'un grand abattoir. Ma blessure je me la suis faîtes là-bas, une bombe larguée à partir d'un avion allemand qui est tombée à proximité de moi. J'ai eu de la chance, Charly -tu sais mon meilleur-ami depuis mon enfance- était en train de m'attendre parce que j'avais eu un problème, et la bombe est tombée à quelques centimètres de lui.Je ne te dis pas les détails, moi-même cela pourrait me faire tomber dans les pommes en y repensant. Cette guerre est vraiment idiote, elle ne sert à rien, et détruit tout sur son passage. On avait même eu la chance de recueillir un chiot qui s'était perdu, on l'avait éduqué, on avait appris à l'aimer et c'était une chose à laquelle on se raccrochaient lorsque on avait le moral à zéro. Il était vraiment adorable mais pourtant cette foutue guerre ne l'a pas épargné. En voulant nous suivre, il s'est prit dans des barbelés. On a tout tenté pour le sauver, rien n'a marché. Il hurlait la mort, on était tous touchés. Nous avons dût finir par abréger ses souffrances en le tuant. C'était terrible, pendant des jours et des jours nous avons chanté pour lui. Ce genre de choses arrivent tout les jours, toutes les minutes. En ce moment-même, ma vue commence à devenir trouble, je sens la mort arriver, elle m'invite à la suivre. Je lui résiste pour t'écrire ces derniers mots. Je t'attendrais au paradis, alors profite de ta vie, elle peut s'arrêter à tout moment. Je t'aime ma bien-aimée.