Recueil d'OS - Haikyuu!!

2. Secret [Miyacest]

C'est un reflet fidèle, strictement spéculaire ;

Mais en levant la main, ses doigts fins ne touchèrent

Ni la glace rigide, ni la fraîcheur du verre

Mais la tendre chaleur de la peau de son frère.

***

Ils sont assis face à face, et se regardent dans les yeux.

Leurs visages sont identiques, au moindre détail près. Ils possèdent les mêmes yeux bruns, larges aux paupières lourdes, les mêmes sourcils noirs et épais, le même visage anguleux. Seuls leurs cheveux les distinguent physiquement, autrefois noirs, aujourd'hui teints ; en gris pour l'un, en blond pour l'autre.

En se regardant dans les yeux, ils ont l'impression de voir leur propre intériorité, leur propre essence. Il n'y a pas d'individualité, pas d'intimité entre eux, ils partagent leur apparence, leur nom, leur passé, leur chambre même. Seule une chose diffère, mais les rassemble toujours : leur personnalité, complémentaire, l'un plus calme et en retrait, l'autre plus insouciant.

Pour l'un, l'autre n'est pas seulement une réplique de lui-même, mais aussi la partie qui lui manque, qui se complètent, à la manière du yin et du yang. Ce n'est que lorsqu'ils sont ensemble qu'ils se sentent complets –une seule existence dédoublée en deux corps.

Ils ont besoin de ressentir cette plénitude, à laquelle ils accèdent à travers l'union. Etre ensemble est une chose, se toucher en est une autre. Comme le mythe des androgynes, ils retrouvent en l'autre la moitié qui fait le tout ; et la fusion leur permet d'accéder à ce bien-être originel, abandon inconditionnel qu'ils partageaient dès la conception.

Leurs lèvres se rejoignent.

***

-Asumu, dépêche-toi.

L'équipe de volley-ball d'Inarizaki est réunie dans leur salle de club. L'entraînement est terminé, et après l'habituel débrief du capitaine, les joueurs se rhabillent et s'apprêtent à rentrer chez eux. La plupart ont déjà disparu, et il ne reste que les jumeaux et Kita dans la salle de club. C'est ce dernier qui a intimé au passeur de se hâter –Atsumu, encore en chaussettes, reboutonne lentement sa chemise, l'air distrait.

-J'en ai encore pour quelques minutes. Tu peux y aller, Kita, on fermera la salle.

-Vous êtes sûrs ?

Le capitaine a l'air sceptique de laisser les clefs entre les mains des jumeaux. Mais il n'y en a pas pour longtemps, après tout, et l'heure tardive l'incite à leur faire confiance et partir de son côté. Il donne les clefs à Osamu, en lui faisant promettre d'être là plus tôt le lendemain matin pour ouvrir la salle avant que l'équipe n'arrive.

-Ne vous battez pas, dit-il simplement en sortant. A demain, bonne soirée.

-Bonne soirée, cap'taine.

-Salut.

La porte se referme et ils se retrouvent seuls. Les seuls sons audibles dans la salle de club sont à présent le froissement du tissu de la chemise d'Atsumu, et le cliquetis métalliques des clefs dans la main d'Osamu.

-Ne vous battez pas, répète Atsumu, avec son habituel sourire amusé.

-Il nous connaît bien, commente Osamu.

-Pas encore assez.

Il lisse les pans de sa chemise, l'air satisfait, et se dirige nonchalamment vers son frère.

-Qu'est-ce que tu veux faire, 'Samu ?

-Quoi, tu veux vraiment te battre ? Tu sais que tu perds toujours, 'Tsumu.

-Non, je veux dire, nous sommes seuls dans la salle de club, un soir d'hiver...

Osamu soupire et parcourt la salle des yeux, comme s'il craignait qu'un joueur ne se soit caché derrière un carton.

-C'est risqué, ça, 'Tsumu, murmure-t-il.

Ils se font face à présent, dangereusement proches l'un de l'autre.

-C'est ce qui est drôle, rétorque Atsumu à voix basse.

L'expression d'Osamu finit par se détendre, et il rend à son frère son regard provocateur, l'incitant de manière tacite à poursuivre. Ce dernier ne se fait pas prier, franchit les derniers centimètres qui les séparent pour plaquer ses lèvres sur les siennes.

C'est une sensation ancienne, familière, réconfortante qui ressort de ce baiser. C'est comme réunir les morceaux, retrouver quelque chose de perdu depuis longtemps. Personne ne le sait, personne ne le saura.

Le même nom, la même apparence, le même passé, le même secret.