Lettre à Elise

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*Le narrateur est une fille.

Le titre devrait vous faire marrer. Vous aussi, vous avez l'air en tête ?
Mais détrompez-vous. Cette lettre n'est pas une mélodie. C'est une douce, lente, descente aux enfers. Un supplice. Son supplice, et le mien, aussi.

Pour commencer, Elise n'était pas très jolie. Elle avait un long nez, des cheveux plats et, quand elle souriait, elle avait une dent de travers. Elle souriait beaucoup.

Quand j'étais arrivée au lycée, je ne l'avais pas remarquée. Il m'avait fallu une semaine, un sourire et une pénurie de cartouche d'encre pour que je lui adresse la parole.
Elle m'avait tendu un stylo et avais commencé à parler. De tout et de rien, à toute vitesse. Elle enchaînait des sujets qui n'avaient aucun rapport.
Parfois, elle riait quand je faisais un commentaire. Ses yeux brillaient.
C'était bien.

A chaque fois qu'on se croisait, elle agitait doucement la main, elle souriait. On devenait proches.
J'ai appris sur ses parents divorcés, sur ses rêves et son hamster mort. J'adorais l'écouter. Ce qu'elle disait n'avait parfois aucun sens, mais j'adorais. Peut-être étais-je un peu limitée mentalement.

Il y avait de l'orage dehors, cette nuit-là. Je m'étais réveillée en sursaut. Je venais de rêver d'elle, et de moi... d'elle et moi. Une douce chaleur se répandait dans mon ventre. J'avais aimé ce rêve.

Puis j'avais compris.
Compris que ce rêve... resterait rêve.
Je ne sais pas pourquoi, mais cette idée avait détruit quelque chose.

Oui, l'orage était dehors. Mais il pleuvait sur mon visage.

Je la regardais différemment. Je voulais qu'elle me regarde, aussi.
Chacun de ses sourires m'assommait. Dans le bon sens, je veux dire. Est-ce qu'il y a vraiment un bon sens à « assommer » ?

Et je l'ai embrassée.

Je ne sais pas comment c'est arrivé. Elle était à côté de moi, elle riait.
Je me suis dit « Putain, je l'aime. »

Et je l'ai embrassée.

Je m'attendais à ce qu'elle rit. Un rire dur, méchant et moqueur.
Mais elle s'est éloignée, m'a observée de ses yeux bruns et s'est à nouveau penchée vers moi.

Ça dansait dans mon ventre. J'avais l'impression que mon bonheur cherchait à s'échapper par tous les pores de ma peau.
Et je la sentais, elle.
Elle, qui souriait contre mes lèvres.

Sa chambre était un bizarre mélange d'antre d'ado et de repaire de princesse. Il y avait des livres partout, vraiment partout. Les rideaux étaient roses. Les draps aussi.
Ce sont ces draps qui nous ont accueillies. Elle, moi. Amoureuses.

Je ne sais pas comment les autres ont su.
Ils... ils trouvaient ça dégueulasse. Ils nous chuchotaient des messages au creux de l'oreille. Des « Sale gouine », « Bande de chiennes » « Va crever ».
Une fois, j'ai entendu un « Bravo » !
Une fois seulement...

Tous ces couples qui baisaient dans les couloirs, ça ne dérangeait personne.
Deux filles qui se tenaient la main, c'était dégueulasse. On était dégueulasses.

Elle n'osait plus m'approcher. Pour elle, tous ces chuchotements, ces insultes, devenaient des hurlements.
Des hurlements, qui lui ôtaient le sommeil et la parole.
Des hurlements qui lui ont pris son sourire !

Ce n'est pas moi !

Ce sont les autres qui la bousculaient dans les couloirs, ce sont eux qui l'insultaient !

Ce sont les autres qui la faisaient s'écrouler, pleurer dans sa chambre, sur nos draps !

Ce... ce sont les autres qui lui ont taillé les veines et qui l'ont allongée dans sa baignoire.

Ce n'est pas moi qui l'ai tuée, qui ai éteint ses yeux et brûlé son sourire !

Ce n'est... pas moi...

Je l'aimais, c'est tout... Ce n'était pas ma faute, ce n'était pas la sienne non plus...

J'ai l'impression de couler.
Tous ces autres, je les déteste.
Je voudrais qu'ils crèvent, tous ! Qu'ils crèvent et qu'elle revienne...

Je laisse cette lettre sur un banc public. Peut-être que quelqu'un la prendra, la lira et j'aurais un peu changé le monde.
Peut-être qu'elle finira détrempée, sous la pluie.
Je n'en sais rien.
Je m'en fous.
J'ai fait ce que j'avais à faire.

Je l'aimais, c'est tout. Et ce n'était ni ma faute, ni la sienne.

Bons baisers d'un futur cadavre.
Lola. 

*Bah voilà. C'était rapide, comme histoire :')
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé !
Une autre nouvelle arrivera bientôt, sur le thème de la drogue cette fois-ci (oui, entre le suicide, le harcèlement et la drogue, on peut pas vraiment dire que mes histoires sont joyeuses... J'espère que vous avez quand même apprécié la lecture :)))

Lettre à Elise. [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant