Partie 1/1

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Bon, cette fois, j'en ai marre. Tu veux que je montre ma vraie nature, mon côté maléfique, ma face cachée ? J'espère que tu as bien pris plaisir à me frapper, me fouetter jusqu'au sang, me torturer, me marquer avec ton tisonnier, à te repaître de ma douleur, de mes cris !Oh, je te vois bien, là, en face de moi, même si je suis pendu par les pieds et que ma sueur me dégouline dans les yeux, me les brûlant au passage. À moins que ce ne soit mon sang ? Je ne sais plus, j'ai tant hurlé, tant souffert, que mon esprit déraille et que ma vision ne peut que se fixer sur toi, dans ta soutane noire, avec cette croix argentée autour de ton cou osseux. Ton visage austère, ta petite barbe soignée, tes manières délicates cachent en réalité un monstre. Peut-être plus terrible que celui que je dissimule, moi !


Alors, tu veux voir la bête hein ? Tu ne penses qu'à ça, tu es persuadé que je suis un démon, une créature de l'enfer ? Si tu savais comme je lutte pour la garder en moi, la faire taire, la museler tandis qu'elle me hurle dans la tête en permanence ! Elle menace de me rendre fou, elle me tente, me cajole, m'insulte et je la calme à grand-peine depuis si longtemps ! Tu veux la contempler, montrer que tu avais raison, que tu l'avais sentie, que tu es un chasseur, un vrai traqueur, un héros au service de ton Dieu ?

Approche, ramène ta soutane par ici, tu vas être gâté ! Je vais lâcher la bride, libérer le monstre, le laisser prendre possession de mon esprit et de mon corps, ravager mes muscles et mes tendons, s'extirper de ma piteuse carcasse. Regarde-le modifier mes bras et mes jambes, les percer de pointes d'os acérées, déchirer mes omoplates pour y faire naître des ailes griffues. Et ces crocs qui m'empêchent de parler, qui dégoulinent d'un ichor sanguinolent, qui déforment ma bouche pour en faire une gueule avide de te bouffer tout cru !


Mes liens de fer lâchent sous ma force surhumaine, je distingue une silhouette d'horreur à la lueur des flammes de tes torches vacillantes, et il me faut un moment pour comprendre que c'est moi. Enfin, non, que c'est lui, celui que tu priais de voir enfin, celui que j'ai combattu pendant des lustres, notre ennemi juré à tous les deux. Alors que nous aurions pu pactiser, tu n'as pas pu empêcher ton fanatisme de s'en mêler et tu as fait renaître la chose qui avait presque rendu l'âme.


Maintenant tu hésites, tu paniques, tu fuis. Pourtant je suis devenu celui que tu attendais, celui que tu voulais que je sois. Pourquoi recules-tu devant l'être que tu appelais ? Pourquoi refuser l'étreinte de la bête que tu désirais invoquer ? Ne t'inquiète pas, je ne te ferai que du mal, je prolongerai l'hallali, me délecterai de ta peur et de ta douleur, délicieux nectars qui sont désormais les seuls à même de me repaître. Quelle ironie que tu ne sembles pas profiter de ce que tu espérais tant, que tu appelais de tous tes voeux ! Quel ingrat, quel homme de peu de foi !

L'InquisiteurTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang