Chapitre 13 : Gué d'Alcyan, vingt ans plus tôt. (1/2)

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Jensen arrêta la charrette devant la porte. Daisuren sortit sur le palier pour les regarder passer, effarée à la vue de l'étrange équipage qui accompagnait son mari et sa fille.

— Aide-moi femme, ordonna Jensen, nous avons des invités.

Il sauta au sol et se dirigea vers l'arrière du véhicule. Daisuren le rejoignit. Quand elle découvrit que la passagère était une stoltzin, elle se figea.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.

— Cette jeune femme est blessée...

— Accepter ça dans ma maison, jamais, cracha-t-elle.

Elle fit demi-tour pour réintégrer le logis. Jensen la retint par un bras.

— Ces gens nous ont aidés...

— C'est toi qu'ils ont aidé, pas moi, mets – les dans la grange. Pas question qu'ils entrent dans ma maison !

D'un coup d'épaule, elle se dégagea.

— Il suffit femme ! Il ne sera pas dit que Jensen est un ingrat.

Il s'adressait au vide. Elle était déjà rentrée et avait claqué la porte derrière elle.

Pendant l'altercation, Festor avait attaché sa monture à un arbre proche. Jensen lui envoya un coup d'œil gêné.

— Je suis désolé, dit-il.

— Ce n'est rien, répondit le soldat, j'ai l'habitude.

Il alla voir comment se portait sa compagne. Elle dormait, pelotonnée sur elle-même, enfouie sous les couvertures malgré la chaleur ambiante. L'impression de fragilité qui se dégageait d'elle était renforcée par les meurtrissures du visage. Pourtant elle était paisible.

Deirane frappa doucement à la porte puis entra. Sa mère se retourna brusquement.

— Quoi encore ! s'écria-t-elle.

En reconnaissant sa fille, elle se radoucit.

— Comment vas-tu ? demanda-t-elle.

— Bien, répondit Deirane.

Puis elle remarqua le rubis toujours en place sur son front.

— Ainsi, ils ont échoué, constata-t-elle.

Elle attira sa fille à elle et la pressa contre sa poitrine sèche.

— Tu dois vraiment les laisser entrer, dit Deirane, ils sont venus à notre secours sans rien demander en échange. Festor m'a même sauvé la vie.

— Un chien aussi peut sauver une vie. C'est pas pour ça que j'en laisserais un dormir dans mon lit.

— Ce n'est pas la même chose. Un chien est un animal. Pas eux. Jalia a été gravement blessée en voulant m'aider.

— Ce sont des animaux. Ils ne rentreront pas...

— Non ! Ce ne sont pas des animaux !

La jeune fille avait haussé le ton, tout en s'écartant de sa mère. Daisuren avait l'air étonnée d'une telle réaction qui lui ressemblait bien peu.

— Ce ne sont pas des animaux, reprit Deirane, Festor m'a aidée en affrontant des hommes qui voulaient me faire du mal. Et Jalia est...

Elle était simple d'esprit. Son intelligence était à peine plus développée que celle d'un chat. Seule sa sensibilité était évoluée. Sa mère gardait un air froid. Deirane continua.

— Jalia a aidé le chaman à lancer son sort. Quand il a tourné, elle a été gravement brûlée. Si elle n'avait rien fait, elle n'aurait rien eu, mais je serai peut-être morte.

La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)Where stories live. Discover now