Terre

2.

J'ouvre les yeux sous le ciel étoilé. J'entends un souffle non loin de l'endroit où je me trouve, c'est à dire la plus haute de nos montagnes, mon endroit préféré, d'où l'on voit la Terre.
Je pense trouver un Lunis, qui est une petite créature blanche avec de grandes oreilles et un petit museau. Ils sont très bavards et ils passent leurs temps assis, avec leurs confrères, à manger des nullis, qui est un aliment petit, rond et sombre. Je les trouve trop mignons. Ils ont une poche, sur le ventre qui leur permet de stocker suffisamment de nullis pour qu'ils puissent faire l'effort d'aller trouver un autre buisson rempli de leurs fruits sacré.
Mais c'est un Eufanix, une espèce dont Sept m'avait parlée mais que je n'avais jamais vu, qui approche doucement de derrière le rocher sur lequel je me reposais.
Il est grand, peau noire contrastant avec la blancheur de la mienne, squelettique, coloré d'étranges symboles sur tout le corps. Ce sont comme des dessins, ils sont fluorescent et de différentes couleurs. Ici, un rose, là, un jaune, ou encore ici, un bleu...
Il a des pieds palmés, de maigres jambes, mais de grandes et puissantes ailes reliées à son dos. Trois petites cornes trônent sur le haut de sa tête, les unes derrière les autres, et c'est ainsi tout le long de son dos. C'est une des espèces qui vivent dans les montagnes, et c'est une des seules qui n'aie pas la faculté de parler. Je me lève. Je sais qu'il est inoffensif. Je m'approche de lui pour caresser son long museau osseux. Il me regarde, de ses magnifiques yeux bleus perçants. Je crois qu'il m'apprécie, parce que les animaux vous le disent clairement lorsqu'ils ne vous apprécient pas, ce qui est un peu enfantin, mais cet Eufanix reste devant moi. Il est calme, je ressens comme une alchimie entre nous. Nous nous faisons déjà confiance, alors que nous ne nous connaissons seulement depuis quelques instants.

Quand je lui ai parlé de ma rencontre avec l'Eufanix, Deux m'a dit que chaque Xorantien pouvait avoir son propre animal, non pas qu'ils nous appartiennent, mais plutôt qu'ils partagent notre vie. Le sien, c'est un Uliba, (une espèce grande, lourde, à museau court, petites oreilles, peu bavard, et avec des ailes plus grandes que celles de l'Eufanix, j'avoue qu'il me fait un peu peur parfois) qu'il a choisi et baptisé Croval quand il est arrivé sur Xorantia. Ils sont inséparables. Deux vole sur le dos de Croval pour aller de planète en planète, et je dois dire que je l'envie. À le voir, mon désir d'aller sur Terre n'est que plus intense.
Deux me rapporte de temps en temps des plantes de planètes voisines, mais elles ne survivent pas bien longtemps, car le climat de Xorantia n'est pas adapté aux leurs.

Je décide d'aller sur ma montagne préférée et de chercher, aux alentours de l'endroit où j'ai dormi, un nid d'Eufanix, souvent cachée au milieu de la roche. Là, un peu plus bas dans la montagne, entre deux, un immense et singulier rocher creusé profond, assez grand pour que deux Eufanix y vivent. Comment je n'ai pas pu le remarquer plus tôt.
Soudain, je vois deux yeux d'un bleu perçants. Je m'approche cette fois de l'animal. Il est confiant : une des caractéristiques de cette espèce, posé et serein.
Nous sommes une nouvelle fois face à face, les yeux dans les yeux.
Il me tent son aile résistante, comme un signe de bienvenue à bord, et en quelques secondes me fait monter sur son dos, entre ses deux ailes. Et puis, il s'envole...

C'est tout simplement incroyable. Tout ce que j'ai connu jusque là rétréci, jusqu'à devenir minuscule à mesure que nous nous éloignons. Pour la première fois, j'ai pu me rapprocher encore plus près de la Terre.
Une drôle d'odeur s'en échappait. Une odeur étouffante, sale. Mon Eufanix ressent mon malaise et rebrousse chemin. On dirait bien qu'il peut ressentir mes émotions.
Nous contournons à présent  Mars, et j'ai fait signe à des Martiens qui n'ont pas compris ce que je voulais leur dire. J'étais comme suspendu dans les airs...
Je baisse les yeux et remarque sur le haut de son cou un signe encore plus étrange que les autres... Un éclair ? Oui, je crois que c'est un éclair, bien qu'il soit un peu déformé. C'est à cet instant que je trouve son prénom : Kadmoon, qui veut dire éclair dans notre langue.