Chapitre 20

926 76 8
                                    


      Il se mit à courir dans les couloirs, laissant Sâme seule derrière lui. Quand il s'arrêtait pour regarder où ses pieds l'avaient guidé, ils les entendaient. Tous ces murmures qui se voulaient discrets, mais qui ne l'étaient pas.

« Tu as vu, c'est lui ! »

« C'est du gâchis »

« Il est mignon, c'est dommage »

C'était les plus aimables qu'il entendait. A côté, il y avait les plus vulgaires. Ceux-là, il ne voulait même pas y faire attention.

Depuis son « choix » il avait fui ces mots. Il avait fui cette situation. A présent, il rentrait en plein dedans.

Il se remit à courir.

Salle 233.

Mike était là, tout sourire dehors, parlant à ses amis ou des camarades de classe. Zeik ne savait pas, il ne les connaissait pas.

- Mike !

- Tiens Zeik ! Tu fais ton grand retour ? On parlait de toi justement. Tu as pu voir le journal de la semaine dernière ? Tu es en première page, encore. Sâme a dû te le montrer, c'est certain, la connaissant. J'ai bien aimé l'article et toi ?

- La ferme !

Ils avaient tous ce sourire moqueur, tous ces regards dévisageant, comme s'il était un être d'un autre monde.

- Je te faisais confiance Mike.

Ce dernier était sur le point de rire, se moquer de lui. Zeik avait toujours craint cela. Les moqueries, les rires, les regards de dégoûts.

- Comme tu peux le voir, tu n'aurais pas dû.

Et il s'en ventait ?

Zeik baissa les yeux, essayant de ravaler sa colère, sans y parvenir.

- Avant Sâme et toi, peu de personne le savait. J'ai toujours gardé cela secret.

Il essayait d'ignorer les autres qui étaient là, sans y parvenir non plus. Devant ces regards, il avait l'impression d'être mis complètement à nu.

- Quel scoop ! A présent, tout le lycée est au courant.

- Bakayarou. (Abrutis)

- Pas la peine de ramener ton japonais.

- Je pourrais en dire des choses en japonais, mais tu ne comprendrais pas et je veux que tu comprennes bien chaque mot que je vais dire !

Mike eu un rire. Visiblement, il ne pouvait plus se retenir.

- Tu sais mon petit Zeik, quelle que soit la langue, je n'en ai rien à faire de ce que tu peux dire.

- Zeik !

Sâme était à bout de souffle après sa course pour les rejoindre le plus rapidement possible. Elle le saisit par le bras, le tira vers l'arrière.

- Viens Zeik, pas besoin d'aggraver la situation.

Il se dégagea, pour s'approcher du copain de la jeune fille. Il était plus grand que lui, ce qui ne l'empêcha pas de le défier du regard.

- Moi qui pensais que nous étions des amis.

- Amis ? Ne me fait pas rire. Tu étais sympa au début, c'est vrai. Tu apportais quelque chose à l'ambiance de ce lycée. Mais je t'appréciais surtout parce que tu étais le nouveau grand ami de Sâme.

Mike jeta un regard à la jeune fille. Sâme ne savait pas vraiment quoi faire. Ni quoi dire d'ailleurs.

- C'est limite si elle ne voulait pas sortir avec toi. C'était... énervant. J'allais en devenir jaloux, tu sais ?

Il eut un ricanement, mauvais et blessant.

- Bon, comme on sait maintenant que c'est impossible qu'elle soit avec toi, je n'ai plus vraiment de raison de m'inquiéter.

Mike bougea enfin. Il alla prendre Sâme dans ses bras, l'embrassa. Un baiser sauvage, non passionné.

- Tu sais Zeik, Sâme aime les garçons normalement constitués. Ceux qui aiment les filles, tu comprends ?

Zeik était en ébullition. Il avait l'impression d'être une casserole d'eau mis sur le feu. Toutes les personnes autour d'eux les regardaient. Il n'y avait pas que les camarades de classe de Mike. Les élèves passant dans les couloirs s'étaient arrêtés. Après tout, depuis la sortie du journal, ils voyaient enfin « le gay » en vrai, comme s'il était le seul et unique être à l'être. Ils le voyaient comme un vrai phénomène de foire, alors qu'il n'était... qu'un être humain comme eux.

- Sache Zeik que je ne suis pas le style de personne à être ami avec... ton genre.

Malgré lui, Zeik eu un sourire. Il y avait trop de "genre" dans sa vision des choses.

- Mon genre...

- Tu as très bien compris... je ne suis pas amis avec les homos.

C'était le mot de trop.

La goutte qui faisait déborder le vase.

Zeik laissa son sac tomber par terre, sans même réaliser que, jusque-là, il l'avait encore sur le dos.

Ce qu'il se passa ensuite, il ne prit pas le temps d'y réfléchir.

D'un geste brusque, il sépara les deux amoureux et se jeta sur Mike. Le frappant pour mieux l'entraîner au sol. Très vite, tous les élèves présents les encouragèrent.

Actes stupides.

Sâme était la seule à vouloir les séparer, sans avoir ne serait-ce que la force de le faire. Au moment où la sonnerie retentit, à peine entendu tellement le brouhaha était important, Zeik se prit un coup dans la mâchoire. Il s'en mordit la lèvre inférieure.

Le goût du sang emplit sa bouche. Un goût métallique plutôt désagréable. Il était bien meilleur en basket qu'en combat de couloir.

Mike avait plus de masse et de force que lui. Il prit rapidement le dessus. Un coup dans les côtes et Zeik eu le souffle coupé.

- Qu'est-ce qu'il se passe ici ?

Les professeurs durent s'y mettre à plusieurs pour les séparer. Zeik ne pouvait plus se calmer. Il avait mal et saignait au coin de la bouche. Ni l'un, ni l'autre, n'étaient une raison suffisante pour l'empêcher de continuer. Il voulait y retourner, le frapper à nouveau.

- On se calme maintenant !

Mike rigolait de tout cela. Cette bagarre n'était qu'un amusement pour lui.

- Allez, tout le monde en cours. Et vite !

Zeik cracha le sang qu'il avait dans la bouche. Au beau milieu du couloir, peu lui importait.

- Vous deux, c'est chez le directeur que vous allez vous calmer.

Sâme les regarda s'éloigner.

- Zeik...

Dans ses mains, elle froissa le journal que l'adolescent avait abandonné à ses pieds, avant de partir en courant. En repartant, elle le jeta rageusement dans une poubelle.

Un jour ils comprendrontWhere stories live. Discover now