Toujours plus loin

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L'ascension dans les airs était à la fois effrayante et fascinante, les vents allaient dans le sens contraire du dragon, rappelant à Kalivian qu'il pourrait à tout moment tomber, mais c'était aussi cela qui rendait son voyage si magique. L'inconnu avait remplacé la sécurité, l'extase avait remplacé la routine, et le mystère – quand-à lui – avait remplacé le savoir. Le garçon fut prit d'une sensation nouvelle qu'il n'aurait su décrire, que personne n'aurait su décrire ! Un mélange de bonheur, de rêveries et de sens à la vie. Le dragon avançait au rythme de l'enfant : il prenait son temps et admirait ce qu'était le rêve. Kalivian prit un peu de temps avant de comprendre que sa monture était liée à sa pensée et allait là où celui-ci voulait. Alors, aussitôt, le garçon se sentit pousser des ailes, et commença à chercher de nouveaux frissons, cherchant à effectuer des acrobaties aériennes pour la simple envie de risque. Car c'était la peur qui rendait Kalivian si heureux. C'était le fait de se dire que chaque seconde était un risque de plus de tomber, qu'il avait toutes les chances de mourir maintenant, sur le dos de ce dragon qui rendait cette rêverie si magnifique. Lui qui n'avait jamais rien vu d'autre que l'herbe de sa prairie, lui qui n'était jamais allé au-delà des montagnes, par delà les plaines et les océans. Lui qui n'avait jamais vu la mer, aujourd'hui il avait découvert les airs. Il était allé par-delà les nuages, par delà les peines et les vents. Plus rien ne pourrait éteindre son bonheur ; ni aujourd'hui, ni aucun des autres jours de sa vie.

Après des heures entières d'évasion, des heures entières passées à cavaler dans les airs, la faim rattrapa Kalivian qui décida de retourner sur la terre ferme. A contrecœur, il replia le dragon en caressant chacune des runes, et rangea l'engin à présent transformé en hexagone dans sa poche. D'un pas ralenti par les regrets, le jeune garçon rentra chez lui pour se préparer un goûter. Il fit chauffer un chocolat chaud, puis prépara quelques cookies.

Toujours plus loin.

Les jours qui suivirent, Kalivian s'envola toujours plus loin. Au fil du temps, il perdit toutes frontières réelles, s'en allant par-delà les montagnes, par-delà les plaines, traversa les forêts, franchissant les frontières du réelles et celles des enjeux de ce monde. Il allait de plus en plus loin si bien qu'il avait l'habitude de se perdre dans l'immensité de l'univers. parfois, il lui fallait des journées entières avant de retrouver sa maison, ainsi il avait appris à se nourrir de ce que la nature lui offrait : des plantes, des fruits, des rêves, du cosmos. D'autres fois encore, il était si occupé à rêver que son dragon se crachait. Il devait alors rentrer à pied, jusque chez lui, et réparer la machine comme il l'avait fait la première fois. mais ce n'était rien face à la peur qu'il avait de se cracher avec le dragon, car lui, personne ne pourrait le réparer. Kalivian était heureux comme cela, mais ses découvertes lui firent peu à peu se poser des questions : quelles étaient les limites de cet univers ? là où, il y a quelques semaines à peine, il ne se posait pas la question, maintenant, il était pris d'une grande angoisse, celle de se dire que le monde est trop petit pour nous.

Un beau jour, où il était allé encore plus loin que d'habitude, Kalivian s'arrêta bouche bée, contemplant le décor qui se trouvait devant lui : une immense mer de brume s'étendait devant lui, envahissant la terre et le ciel. Tout autour flottaient des îles, qui descendaient jusqu'à l'infini dans cette mer de brume. Cet océan était à la fois prenant et repoussant, il réussissait à refaire jaillir dans le coeur de tous la peur de l'inconnu, mais aussi cette attirance, le magnifique de ce décor donnait envie à tous ceux qui un jour l'avaient vu de s'en approcher. le garçon était fasciné de ce dire qu'à un endroit de l'univers, il n'y avait rien. pas de l'air, pas de vide, seulement rien. Et il était devant cet endroit, son coeur lui disait : cette brume, c'était le néant. Cela remplit le coeur de Kalivian d'une sensation nouvelle, rien que de savoir cela. Une sensation que nul ne pourrait décrire, que nul ne pourrait nommer autrement que par un seul mot : Eternel.

Le garçon descendit de son dragon afin de s'asseoir au bord de la brume, pour apprécier le paysage. Aussitôt, un vertige l'envahit, ce n'était pas la peur du vide qui l'effrayait réellement, mais la peur de se dire que n'importe qui pourrait le pousser dans le vide, que lui-même pourrait se jeter là-dedans sur un simple coup de tête, juste pour voir ce que ça fait d'être en chute libre, sans aucune sécurité, de voler sans que ce soit quelqu'un ou quelque chose d'autre qui nous envole. Il pourrait aussi sauter pour savoir si quelqu'un un jour apprendrait sa mort, si il pourrait se réincarner, si ils pourrait voir encore ce monde longtemps, si il irait au ciel ou si là-bas serait pareil que la mer de brume : le néant. Voilà exactement ce qui l'angoissait. De plus, des créatures infernales - des sirènes peut-être - semblaient, dans sa tête, l'inciter à sauter. Le souffle de Kalivian s'accélère, sa peur s'intensifia ; le garçon recula de quelques pas avant d'être attiré aux enfers. Après avoir prit son dragon, ce dernier rentra chez lui, épouvanté.

AtlantideWhere stories live. Discover now