Anxiété

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   Il marche jusqu'au lycée, admirant l'asphalte brillant de rosée matinale.
Sa montre lui indique sept heure et demi. Plus que cinq minutes de trajet, pense-t-il, j'espère que je serai seul de si bon matin.
Le stress le fait tressaillir, il a peur du lycée, de ses camarades pourtant si amicaux. Il veut rentrer à l'appartement, enserrer le corps osseux de sa mère, lui avouer ses angoisses, le pourquoi il est si souvent malade un jour d'école.
Mais JeNo ne le fera pas, parce que JeNo sait que la maladie de sa mère est bien plus importante que de simples craintes d'adolescent en crise.
Il n'a pas de père pour l'écouter, ni de frères ou sœurs pour l'épauler, JeNo est seul face à l'anxiété, face aux troubles de sa figure maternelle. Alors il se tait, garde tout pour lui, et pleure d'épuisement la nuit.

Sa cravate d'uniforme l'étouffe, ou peut-être est-ce cette boule qui ne quitte jamais sa gorge, celle qui grandit à mesure qu'il traverse les rue, les allées, le faisant inspirer et expirer douloureusement.
La sueur lacère son dos maigrichon, laissant une traînée de frissons derrière elle.

Le voilà devant le portail, une immense grille noire, ouverte, effrayante. Arrête! C'est ici l'empire de la Mort.

JeNo marche difficilement, il ne veut pas pousser la porte du lycée. Son œsophage se contracte, et un goût saumâtre réveille brusquement ses papilles endormies.
Les os de ses genoux craquent lorsqu'il commence à courir vers les toilettes de l'entrée. Il s'enferme dans l'une des cabines, se courbe au dessus de la cuvette, et vomit le petit-déjeuner qu'il n'a pas mangé. La bile brûle sa gorge et laisse un goût âcre sur son passage. Il tire la chasse d'eau, son dos rencontre brusquement la porte du cabinet, et les larmes finissent par couler. Doucement d'abord, les sanglots secouent sont corps frêles, les pleurs se font plus bruyants. Est-ce que tu vas bien, une voix là, quelque part, qui es-tu, JeNo a du mal à parler, je m'appelle JaeMin, je t'ai entendu pleurer et je me suis inquiété.
Inquiété?
Ce mot tourne en boucle dans la tête de JeNo alors qu'une chaleur nouvelle apparaît dans son bas-ventre. La frayeur revient, JeNo n'arrive plus à parler, il veut que ce garçon parte, qu'il le laisse tranquille. Il sait qu'il va le juger, le traiter de froussard, de tapette. Il ne s'inquiète pas, personne ne s'inquiète pour lui, c'est seulement de la moquerie, le noiraud en est persuadé.
Quelqu'un tape contre l'ouverture, JeNo se relève brusquement, effrayé par les secousses contre ses omoplates. Sors de là voyons, n'ai pas peur. JeNo a peur, il a peur de l'inconnu derrière la porte, il a peur de paraître ridicule.
Va t'en s'il te plaît, il a la voix tremblante, pourquoi, le garçon l'interroge, laisse-moi tranquille, je ne veux pas te parler, je veux être seul.
JeNo ment, il ne veut pas être seul face à ses démons, il veut connaître ce qu'est le réconfort, il veut que quelqu'un lui dise que tout va bien, que ça passera, mais JeNo a peur.
D'accord, le garçon nommé JaeMin a l'air peiné, il n'a pas l'habitude de se faire rejeter de cette manière.

Des bruits de pas, une porte qui claque, silence.
JeNo déverrouille la cabine pour en sortir, il se dirige vers les lavabos, boit deux ou trois gorgées d'eau, se lave les mains, et sors enfin des toilettes.
JaeMin a disparu, il ne se trouve pas dans l'entrée, ni dans les couloirs adjacents. JeNo souffle de soulagement et se dirige à pas lent vers sa salle de classe. Il ouvre la porte coulissante et se dirige lentement vers son petit bureau, il s'assoit sur sa chaise, croise les bras sur le bois de la table, pose sa tête dedans, et ferme les yeux.

where is my mind ? ||| ʟ.ᴊᴇɴᴏ⁺ɴ.ᴊᴀᴇᴍɪɴWhere stories live. Discover now