Regard

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   Ton cahier de devoirs s'il te plait, c'est DongHyuck, le délégué de la classe, qui parle. JeNo commence à légèrement trembler, maladroitement, il tend le fameux carnet. Merci, DongHyuck lui sourit poliment, faussement, avant de changer de ranger.
JeNo ne se sent pas bien, il a l'impression qu'on l'observe, mais il n'ose pas relever la tête. Ses mèches brunes lui cachent les yeux, il observe ses mains tremblantes en silence, une fine perle de sueur s'écoulant de son front jusqu'à son menton. Il l'essuie d'un geste brusque de la main droite, et décide finalement de se concentrer sur le professeur face au tableau. Équations, ne pas oublier de changer le signe, il écrit sur son cahier, l'opération n'a pas de solution, elle est nulle.
Peut-être que ses problèmes n'ont pas de solutions. Peut-être qu'ils sont insolubles, comme cette équation (ir)résolue par Mr. Kim, ou peut-être Park, il ne sait plus.

Ça lui brûle la peau, il se gratte nerveusement le bras droit, mais la gêne ne le quitte pas, il gratte un peu plus fort, ça persiste encore.
Il observe la classe, le regard humide de terreur, afin de trouver le porteur de ces yeux brûlants. Il s'arrête sur un garçon aux iris étrangement bleus, perçants, JeNo détourne les yeux, mal à l'aise.
Mais le jeune homme continue, et ça agace JeNo, qui se retourne une nouvelle fois vers lui. Mais ce ne sont plus les iris de son admirateur qui l'interpellent, mais plutôt ses cheveux châtains clairs. JeNo fronce les sourcils, il ne comprend pas ce qui ne va pas avec cet adolescent. Personne ne l'a jamais regardé aussi longtemps, JeNo lui mime d'arrêter, il est vraiment gêné par ce regard insistant, mais l'autre ne l'écoute pas, et fini même par écraser une de ses joues dans sa paume droite, continuant d'admirer calmement le noiraud.

Les tremblements de JeNo se font un peu plus violents, et il fini par céder, mimant de reprendre ses notes là où il les avait laissées.
Mais ce regard trop curieux l'oppresse de plus en plus au fur et à mesure que les minutes passent, il décide de lever la main.
Que veux-tu, le professeur ne connaît pas son prénom, personne ne le connaît, est-ce que je peux aller aux toilettes s'il vous plaît, il murmure presque, mal à l'aise des œillades que lui lancent ses camarades, oui bien sûr, mais dépêche toi. JeNo se lève brusquement, manquant de faire tomber sa chaise au passage, marche jusqu'à la porte de la classe, qu'il fait légèrement coulisser, passe son corps, et la referme derrière lui.
Il entreprend une marche rapide jusqu'aux toilettes les plus proches, son cœur bat rapidement, trop rapidement. Il entre précipitamment et enfonce son dos dans le mur de droite. Il pose sa main sur son cœur, et démarre une respiration bruyante, tentant en vain de calmer son palpitant. Putain c'est quoi mon problème, il chuchote pour lui même, les larmes aux bords des yeux. Il ne veut pas pleurer, il en a marre de laisser couler ces perles salées aussi facilement. Il se demande pourquoi il réagit toujours excessivement, pourquoi un simple regard sur sa personne le met dans une terreur incontrôlable, pourquoi ce garçon l'observait avec autant d'insistance alors que son mal-aise était plus qu'évident.
Il veut disparaître là où seul le regard de sa mère ne l'angoisse pas, chez lui.
Mais la journée ne fait que commencer, et rentrer avec l'excuse d'un mal de ventre serait la fois de trop, il le sait.
Alors il s'asperge le visage d'eau, se regarde dans le miroir, il pense qu'il est pathétique.
Il a l'impression que ce visage blême aux cernes bleuâtres lui est étranger. Il n'arrive pas à retrouver son visage rayonnant d'enfant, joyeux, dans ce visage morne d'adolescent, peureux.

Il secoue la tête et se redresse afin de retourner en classe. Devant la porte, il hésite, laissant sa main suspendue dans ce vide écrasant. Il ferme les yeux quelques instant et fini par toquer avant d'entrer. L'instituteur ne daigne pas lui adresser un coup d'oeil et poursuit son cours.
JeNo s'assoit doucement, il essaie de faire de nouveau abstraction du regard sur son bras, profil, ses cheveux.
JeNo ne sait pas quel comportement adopter, il est embarrassé mais surtout angoissé. La sonnerie retentit le laissant en paix pendant un court laps de temps, cinq minutes, le garçon a détourné les yeux, il le sent, sûrement range-t-il ses notes, si au moins il a eu le temps d'en prendre durant sa contemplation.

JeNo se détend légèrement, le rendant vulnérable pendant un instant. Salut, JeNo sursaute et tourne brusquement la tête vers son adorateur, fous-moi la paix, il ne sait pas d'où vient ce courage, jamais il n'aurait osé parler ainsi à quiconque en temps normal. Le garçon aux cheveux colorés semble vexé, il ne se laissera pas abattre, pas encore. Je suis JaeMin, le noiraud se tend d'un coup, il ne sait plus quoi répondre, tu es JeNo, n'est-ce pas ?
Personne ne connaît son prénom, personne sauf lui. JeNo paraît plus pâle que d'ordinaire, il baisse la tête pour que ses mèches ébènes cachent de nouveaux ses yeux, son cœur fait un marathon dans sa poitrine, frappant sa cage thoracique de plein fouet. JaeMin semble satisfait, mais en même temps le désarroi s'empare de son être, il n'aime pas ce sentiment de peur dans les yeux à présent camouflés de son vis-à-vis. Excuse-moi, je ne voulais pas te brusquer, JaeMin est sincère, et JeNo le ressent.
La seconde sonnerie résonne dans les couloirs, annonçant le début du prochain cours.
L'élève aux cheveux mielleux se réinstalle à sa place, il se sent mal, il n'ose plus admirer les courbes du visage de JeNo. Alors il se concentre sur les paroles de Mr. Do.
JeNo continue de trembler, faites que la journée s'arrête, que les toits prennent feu, je veux sortir de cet Enfer.

where is my mind ? ||| ʟ.ᴊᴇɴᴏ⁺ɴ.ᴊᴀᴇᴍɪɴWhere stories live. Discover now