Papa, maman, et moi.

Maman

Maman est installée sur une des chaises du salon et moi je suis assise en tailleur à même le sol. Elle passe une énième fois la brosse dans mes longs cheveux bruns, un compliment accompagne chacun de ses paisibles coups de brosses. J'aime ce moment, il est apaisant, le calme et la sérénité nous entourent. Le rire angélique de maman résonne dans mes oreilles, Ô que j'aime cette douce mélodie.

J'essaye de mémoriser les moindres détails de cet instant, je veux pouvoir le revivre à chaque fois que je fermerai les yeux pour tenter de rendre inaudibles ses cris.

Si seulement je pouvais arrêter le temps et faire que ce moment ne s'arrête jamais.
Mais on sait toutes les deux, ce moment ne durera pas, on sait toutes les deux que d'un instant à l'autre, sans qu'on s'y attende, il entrera et éclatera notre fragile bulle de bonheur.

Les heures passent, papa n'est toujours pas là, et, comme à chaque fois qu'il tarde j'ai la naïveté d'espérer qu'il ne rentrera pas, qu'il ne rentrera plus.

Un doux silence habite la pièce, le temps d'un instant je m'imagine notre vie sans lui.

Puis, je me demande ce que serait notre vie si il n'avait pas été celui qu'il est, si il avait simplement accompli son devoir d'époux, de père comme il aurait du, si au lieux de nous donner des coups il nous avait données temps et si il avait su provoquer nos rires comme il sait si bien le faire avec nos larmes.

Je me laisse rêver dans ce calme que j'espérais éternelle, les douces caresses de maman, le bâtonnet d'encens qui brûle sur l'étagère, le bruit de la pluie... tout est si apaisant.

Malheureusement, le discret bruit de sa clé s'introduisant dans la serrure de la porte d'entrée vient briser ma quiétude adorée.

Maman se depeche de m'attacher les cheveux et m'ordonne d'aller me coucher. Si seulement, si seulement j'avais le courage de rester à ses cotés pour tenter de lui éviter le pire, rien qu'une fois. Mais, je ne suis qu'une enfant, alors c'est le coeur lourd que je m'empresse de rejoindre ma chambre.

Quelques secondes plus tard les pesants pas de papa résonnent dans tout l'appartement. J'espère de tout coeur que ce soir il l'épargnera , encore une fois ma naïveté m'aura aveuglé.

Je ne peux m'empêcher d'entrouvrir la porte de ma chambre pour garder un oeil sur maman.
Désolée maman, je sais que je n'ai pas le droit de regarder mais je veux savoir où seront tes plaies pour tenter de les soulager quand je te rejoindrai.

Papa titube, maman ne perd pas une seconde avant de le soutenir pour lui éviter une quelconque chute. Il se repose sur elle, entièrement. Il pèse si lourd sur les si petites épaules de maman sur lesquels se trouvent déjà toute la misère du monde.

Je l'entends l'insulter, la rabaisser, la comparer à d'autres qui ne détiennent ne serait-ce qu'un millième de sa valeur.
Papa n'a désastreusement pas conscience de quelle femme merveilleuse maman se trouve être.

Elle ne mérite pas ça, non.

Maman mérite tout le bonheur du monde, elle mérite qu'on la traite comme une reine, elle mérite qu'on l'aime, qu'on la chérisse, qu'on la rende heureuse, qu'on lui rende simplement tout ce qu'elle nous offre.

Mais tout ce que papa sait lui donner ce sont des coups et des insultes, je me demande ce qu'il voit lorsque ses yeux se posent sur elle, qui Diable pourrait-il voir pour oser ne serais que penser à lui adresser une quelconque parole avilissante?

Elle est tout ce qu'il n'est pas, elle est amour, bienveillance, douceur, sagesse, bonté.. et Dieu seul sait à quel point cette liste est longue.

Du fond de ma chambre de petite fille j'entend enfin papa ronfler. Je soupire, soulagée, un court instant, oui, un court instant car je sais que dès son réveil le cauchemar reprendra.
Pour lui est prétexte à se montrer odieux envers maman.
Mais pourquoi? Pourquoi lui fait-il subir ça? Ne voit-il pas que peu à peu la lueur qui autrefois illuminait le regard de maman disparait?

Moi je veux que les yeux de maman brille un peu plus chaque jours pas qu'ils s'éteignent à tout jamais.

Ne remarque-t-il pas qu'il la détruit? Qu'il la brise? Qu'il la tue à petit feu?

Mon doudou dans les bras je rejoins maman dans la salle de bain, je sais qu'elle ne voudrait pour rien au monde que je la vois dans cet état, au dessus de ce lavabo blanc immaculé de sang, mais moi, je veux être auprès d'elle.

" - Maman, ca va?

- Oui ma puce, ne t'en fais pas.

-Mais il y a du sang.

- C'est rien chérie, retourne te coucher, maman a juste fait une mauvaise chute j'irais mieux demain. Et toi? Qu'est-ce que tu fais ici, tu n'arrives pas à dormir?

- Non maman, je voulais juste te dire bonne nuit.

- Retourne dans ta chambre mon ange, j'arrive te raconter une histoire."

Ca, c'est maman, malgré tout ce qu'elle subit elle n'a que faire de son piteux état, tout ce qui l'importe c'est le mien, elle est mon ange.