Chapitre un

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Dans une agglomération écossaise de taille considérable, où les statistiques de délinquances frôlaient des sommets, la place Isaac Newton était bondée, comme tous les dimanches matin, jour de marché. A première vue, tout était calme. Les badauds passaient d'étal en étal, admiraient tantôt tel article, critiquaient ensuite les prix trop élevés, et finissaient par négocier avec le vendeur, parvenant parfois à un accord si ce dernier était de bonne humeur. Supervisant tout ce petit monde d'un œil inquisiteur, les quelques policiers mobilisés pour l'occasion, de nouvelles recrues, marchaient d'un pas assuré et fier à travers la foule, le regard impassible, suscitant admiration chez certains enfants et crainte chez d'autres.

- AU VOLEUR ! RATTRAPEZ CETTE GAMINE ! hurla alors un commerçant, le visage déformé par un rictus de rage, alors qu'une gamine d'une dizaine d'année s'enfuyait en courant à travers les allées bondées.

Aussitôt, les policiers, secondés par quelques civils, se lancèrent à sa poursuite, n'hésitant pas à bousculer quiconque les ralentissait dans leur course-poursuite.

L'adolescente, elle, ne brusquait personne. Avec une souplesse impressionnante, elle glissait le long des badauds qui se mettaient en travers de son chemin, effaçaient ses épaules de façon à les éviter, pour ensuite reprendre sa course.

Elle sauta par dessus un chien se trouvant sur son chemin, chaparda une pomme sur l'étal d'un marchand qui joignit ses cris de protestations à ceux des hommes d'armes.

Ces derniers continuaient seuls leur poursuite, les quelques passants qui les avaient rejoint ayant jeté l'éponge, épuisés. Mieux entraînés à la course qu'eux, les policiers courraient, hurlant à la fillette d'arrêter, de revenir, mais elle ne les écoutait pas.

Lorsque la jeune fille, sortant de la place du marché, obliqua à l'angle d'une rue, les hommes en uniformes échangèrent un regard entendu. Elle était coincée. La ruelle qu'elle venait d'emprunter était une impasse, ils n'auraient aucun mal à l'attraper. Un sourire naquit sur leurs lèvres et ils accélérèrent l'allure, sans aucun doute sur leur succès proche. Ils étaient débutants, ils ne pouvaient pas savoir.

Quand ils arrivèrent dans la ruelle, ils s'arrêtèrent net. La gamine était entrain d'escalader le mur. Elle avait jeté ce qu'elle avait chapardé de l'autre côté, et s'aidait maintenant des joints mal faits qui lui offraient de belles prises qu'elle crochetait pour se hisser jusque sur les briques supérieures.

Elle y parvint lorsque les policiers reprirent leurs esprits.

- Toi, là, descend, et viens ici toute suite ! aboya l'un d'eux.

La jeune fille se retourna, et les battements de son cœur affolé se calmèrent en constatant qu'elle était hors d'atteinte, et que les hommes qui lui faisaient face ne semblaient pas approcher pour venir la chercher.

- Allez ma belle, sois gentille ! Tu nous rends ce que tu as pris, et on oublie, d'accord ? proposa un deuxième homme d'une voix mielleuse, comme s'il s'adressait à une mioche de cinq ans.

- Ne sois pas stupide, tu vois bien qu'il n'y a pas d'issue, tu ne vas quand même pas sauter ! renchérit un troisième en s'avançant.

La fillette pencha la tête sur le côté. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire insolent et, soudainement, elle se retourna et bondit.

A quelques dizaines de mètres, les hommes d'armes se figèrent de stupeur. Dans le silence qui s'était installé dans la ruelle, ils entendirent nettement le bruit qu'elle fit en atterrissant sur quelque chose qui devait être en taule. Ils échangèrent un regard ahuri, et, comme ils tenaient à leur honneur, décidèrent silencieusement et d'un commun accord de ne pas rapporter cette aventure à leurs supérieurs, sous peine d'être la risée de toute leur caserne. Une gamine de dix ans leur avait filé entre les doigts sans qu'ils n'aient rien pu faire...

Projet de liberté sous tutelle de SerpendorWhere stories live. Discover now