Partie 3

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Ce soir-là nous avions un peu bu. Installé sur le canapé, il était détendu, en veine de confidences. Grand reporter dans les années 80, il avait perdu l'usage de ses jambes pendant la guerre d'Irak. Une rafale de mitraillette dans le dos. Il ne supportait plus le bruit, la foule, avait été obligé de s'isoler. Il sortait tout juste d'une dépression nerveuse. Il n'acceptait pas son handicap.

_ Je me sens tellement à part ! conclut-il en soupirant.

_ La différence n'est qu'une vue de l'esprit, répondis-je en haussant les épaules. Il faudrait qu'il y ait une norme intangible, infaillible pour tous. Nous serions alors de vulgaires robots. Quelle horreur. La différence, c'est la liberté d'être soi.

Et là, je ne sais pas ce qui m'a pris, je me suis penchée vers lui et je l'ai embrassé. Nous nous sommes tenus la main toute la soirée. Mais je sentais une réticence de sa part à aller plus loin. Alors que nous étions tendrement enlacés, j'entendis un bruit sourd venant de la chambre du fond. Je le regardai, interdite ; il me parut gêné mais pas étonné.

_ Il y a quelqu'un dans ta chambre, fis-je,  paniquée.

_ C'est sûrement un carton que j'ai mal empilé et qui est tombé, répondit-il d'un ton dégagé. Rien de grave.

Je sentis qu'il mentait. Je me souvins qu'il n'aimait pas que je vienne à l'improviste et me demandai pourquoi. Je le quittai peu avant l'aurore, sans avoir pu percer le mystère.

la différenceWhere stories live. Discover now