Les dealeuses de nos cœurs brisés

Une jeune fille aux cheveux frisées entre dans la boutique; ses deux mains agrippées à sa poitrine. Elle a de grands yeux noirs dont l'encre dégouline. Une grosse gitane pleine de grigris la mate sans un mot, installée derrière le comptoir. Elle chasse une mouche qui lui tourne autour du museau, s'approche lourdement, et goûte du bout de son ongle fin, le liquide d'asphalte qui forme une flaque aux pieds de la jeune fille. 

- "Pas mal, mais tu vas m'salir mon tapis avec tes conneries!"

- "..."

Elle saisit une pipe verte qu'elle remplie du liquide et y ajouta une de ses propres larmes. Puis, se saisissant d'une allumette, fît bouillir la mixture.  

- "Y a plus qu'à attendre! ça va mieux ton cœur ?"

- "..."

- "CA VA MIEUX TON CŒUR ?!"

- "calmez-vous, je me concentre pour réprimer l'implosion"

- "mange un truc" 

- "vous avez de l'amour ?"

- "j'ai un peu d'confiance" et elle farfouille dans son stock. 

- "filez en moi c'est toujours ça".

 Elle le gobe en entier.

- "Mange pas tout comme ça ! Les effets secondaires vont te mettre à terre."

- "Tant pis, j'veux crever" 

- "On vend pas d'ça ici" quelle grommelle la gitane.

Dans la pièce, on sentit tout à coup une odeur franche de tristesse et de colère rougeâtre. La gitane empoigna donc rapidement la pipe, la porta à sa bouche et imprégna ses poumons de la fumée. Une bouffée de 5 minutes. 5 longues minutes où la gitane se tût, plongée dans les abysses des enseignements de ses ancêtres, de ses propres expériences, déceptions, joies et découvertes. Quand elle l'expulsa, se forma un gros nuage épais d'émeraude, empli de la sagesse des conseils d'une amie. 

-"C'est bon, je sais comment t'aid.." 

Bruit de millier de bout de cristal qui s'effritent soudainement. Voilà que le cœur a implosé. Il s'est brisé en une cascade de glace. Delà que la souffrance était trop franche, une confiance trop soudaine l'a fissurée bout à bout jusqu'à ce que sa composition soit assez fragilisée pour céder. 

-"Et voilà, elle m'a ruiné mon tapis"

Se saisissant d'une petite pelle, elle s'en alla ramasser chaque bris de verre avec soin et plongea de tout son être ses iris absinthes dans l'âme noircît de sa cliente.  

- " C'est encore bibi qui vas devoir recoller les morceaux" dit-elle en regardant les trop fines particules de cœurs, qui elles, resteront à jamais coincées dans le tapis.