Prologue

9.8K 533 58
                                    

Emma facts :

Toutes les femmes sont des princesses ;

des guerrières,

des rebelles,

des moins belles...

Mais tous les crapauds ne font pas de bons princes charmants.

C'est pourquoi chaque princesse myope,

préfère se doter d'un carrière au top,

plutôt que d'un crapaud charmant.


                                                                     ***

— Tourne. Mais touuuurne, Claire ! On vient de rater le chemin !

— Arrêêête... Je sais où je vais, je connais le camp comme ma poche !

— Je te rappelle que la dernière fois, tu as directement amené ton capitaine dans la zone de tir !

— Ben il voulait aller au contact de ses gars...

— À ça, comme contact, on ne fait pas mieux qu'un obus !

— Pffff, tu chipotes sur des détails, adjudant !

— Et toi, chef, ton sens de la topo relève de la science-fiction !

Un éclair lumineux balaya le pare-brise de leur camion, stoppant la querelle.

— Oh mince ! C'était quoi ça, encore ?

Deux paires d'yeux se braquèrent vers la route, droit devant. Les énormes phares d'un engin blindé à chenilles les éblouirent quelques secondes. Le char approchait à une vitesse folle, sans donner l'impression de vouloir éviter leur camion. Pourtant, les règles de conduite en exercice de nuit obligeaient les véhicules à se déplacer tous feux éteints. Règles dont certains avaient visiblement décidé de se passer.

— Ah non, hein, ça ne va pas le faire, si personne ne joue le jeu. Et le mode tactique, couillon, c'est pour les chèvres ? Éteints tes feux ! hurla par la vitre entrouverte, la jeune brune qui conduisait.

— Ohmondieuohmondieu ! Depuis tout à l'heure, on roule sur cette fichue piste à chars ! Il va nous aplatir comme des crêpes, personne ne pourra identifier nos corps ! Je ne veux pas mourir comme ça !

— Meuuuuh nan... arrête de paniquer pour rien. Regarde, je me gare.

La conductrice donna un grand coup de volant, envoyant sa passagère s'écraser contre la vitre de sa portière. Le char ne montra aucune intention de serrer vers la droite pour permettre aux deux véhicules de se croiser, et continua sa progression au milieu de la route.

— Ouuuh, ça devient chaud, là. Une dernière volonté à déclarer à Saint Pierre, Em ? ricana la brune.

Interpellée, l'adjudant Emma Lemaire se redressa en massant sa joue endolorie. Le regard noir, elle fixa sa collègue hilare, à travers ses lunettes. Indifférente, celle-ci fit un petit salut de la main à l'intention de la silhouette qui se découpait au sommet de la tourelle du blindé. Ah non. C'était un doigt d'honneur... En retour, le soldat en tourelle leur adressa un bras d'honneur.

— Mais quelle idée j'ai eu de t'accompagner ! se plaignit la jolie blonde.

— Pour une fois qu'un truc marrant t'arrive, détends-toi ! S'il nous touche, le conducteur devra rédiger un compte-rendu de dix pages ! Avec un peu de chance, il est à moitié analphabète et va vouloir éviter la corvée ! Bon. Allez, hop hop hop, il se dépêche de passer, Tortue Géniale ? On n'a pas toute la nuit, non plus !

Chargées de ravitailler une unité sur un vaste périmètre, elles devaient quadriller la zone afin de retrouver les positions de chaque section. Peu aidées par le singulier sens de l'orientation du sergent-chef Claire Moretti, elles tournaient dans le camp depuis plus de trois quarts d'heure, à la recherche du point de ralliement du poste de commandement opérationnel.

Cela faisait des années, peut être depuis sa sortie d'école des sous-officiers de Saint Maixent, qu'Emma n'avait participé à une véritable sortie sur le terrain. Lorsqu'elle effectuait des manœuvres avec le régiment, elle bénéficiait par extension du même confort que celui dévolu au chef de corps. Lassée de son rôle de secrétaire en état major, Lemaire venait de rejoindre temporairement une unité combattante, tout en conservant ses attributions au service du colonel. Et malgré les chamailleries avec son amie, elle adorait ce périple dans le camp militaire d'entraînement de Canjuers.

Le char ne ralentit pas sa course, et effleura le rétroviseur. Les deux jeunes femmes retinrent leur souffle, le temps de constater l'absence de dégât. Puis elles reprirent leur route, tous feux allumés, et finirent par arriver à un embranchement sans signalisation. Les phares balayèrent une silhouette d'homme en arme, qui montait la garde à l'entrée d'un petit chemin boueux. Moretti donna un nouveau coup de frein, baissa sa vitre et héla le jeune militaire.

— Hep, toi là-bas, salut ! C'est par ici, le BOI ?

— Heu, non, chef. Vous êtes sur la zone de la troisième compagnie. Le BOI est stationné à l'exact opposé du camp !

— Aaah ? Tu es sûr ?

— Un peu, chef. J'y ai amené mon commandant d'unité cet après-midi.

La jeune femme le remercia avant de faire rugir son moteur.

— Demi-tour, et c'est reparti, lança-t-elle, sous l'œil atterré de sa comparse.

La nuit promettait d'être longue...

                                                                   *

Après avoir eu la peur de sa vie, et avant la fin de leur aventure nocturne, Emma avait reçu une proposition de poste à l'étranger qui la faisait sautiller de joie sur son siège. Une fois arrivée au bivouac, elle jeta une bise rapide à son binôme, et se dirigea vers le bungalow du chef de corps.

Le commandant du régiment avait prévu de veiller jusqu'à la fin des tirs de nuit, attendant le compte-rendu de ses cinq compagnies. Elle n'hésita pas à toquer, le trouvant installé à son bureau, sur lequel était posé un ordinateur portable. Celui-ci disparaissait sous les cartes du camp et les différents courriers à traiter. Dans un coin était aussi posé un roman policier à peine entamé. Ce désordre, c'était peut-être le seul défaut qu'elle lui connaissait ; un je-m'en-foutisme viscéral pour la chose administrative.

Elle lui exposa rapidement la proposition faite par le capitaine qu'elles venaient de ravitailler.

— Alors comme ça vous souhaitez nous quitter pour voir du pays ?

— J'avoue que ça me plairait, mon colonel. J'aimerais profiter du poste en compagnie de combat que le capitaine Gredon vient de m'offrir. Ça me permettrait de parfaire mes connaissances opérationnelles.

— Allons allons adjudant, pas besoin de prétexte pour aller bronzer sur les plages de Tahiti. C'est vrai aussi que nous entrons dans une phase plus calme. Le régiment va se vider pour quelques mois avec tous ces départs en OPEX. Par conséquent, je vous donne mon accord pour aller chasser le requin sous les tropiques.

— Je vous remercie mon colonel ! Je vous promets qu'en tant qu'ancien commando, vous serez fier de votre secrétaire !

— Vous voulez aller crapahuter dans la jungle ? Il me semblait que la fonction en question était une place d'administrative en unité élémentaire ?

— Absolument, mais si ce poste est plus... flexible, je suis volontaire aussi ! Ce sera mon premier séjour à l'étranger. Ça me permettra de mieux appréhender les différents aspects de mon métier et d'être plus efficace.

— C'est bon adjudant, vous avez bien vendu votre poste ! fit-il en riant. Je ferai monter un obscur gratte-papier à votre place le temps de votre absence ! Mais on est bien d'accord, vous reprenez le poste en rentrant ! Hors de question de me passer de votre service au-delà du raisonnable !

— Bien reçu, mon colonel. Je brieferai la personne que vous allez sélectionner. Bonne nuit, mon colonel, et... merci !

Cœur d'homme, âme de soldat 2 : Aucune promesseKde žijí příběhy. Začni objevovat