CHAPITRE SIX : OCRÉLIA

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Planète Terre, an 2501, 1er septembre


— Pourquoi leur avoir menti ? demanda Arès en se retournant vers son amie.

— A quel sujet ? répondit, lascive, Ocrélia en fixant les étoiles de son regard doré.

— Tu leur a dit que les ressources que tu possédais sont limitées, c'est faux. Tu peux te téléporter n'importe où, n'importe quand. Tu aurais pu éviter un tel épuisement, répliqua d'un air dur et sec l'Ancien en bloquant ses yeux gris dans ceux de la femme.

En guise de réponse, celle-ci se contenta de hausser les épaules.

— Tu voulais tester leurs limites, constata le vieillard.

Elle lui sourit de toutes ses dents et il souffla.

Arès aimait beaucoup Ocrélia. Il avait conscience de ses nombreuses qualités mais il devait reconnaître qu'elle avait autant de défauts. Rien n'était plus insupportable pour lui que de voir le peu d'importance qu'elle accordait à sa vie et à celle des autres. Elle avait tendance à oublier qu'elle était la seule à avoir eu la chance de naître, ou plutôt de devenir, immortelle.

Cette dernière regarda autour d'elle et sourit d'un air mélancolique. Son dernier passage sur Terre remontait à sept ans, mais pourtant elle avait l'impression de ne pas être venue ici depuis une éternité. Auparavant, lorsque la cheffe allait sur Terre c'était uniquement pour voir les parents d'Iros. Depuis leur mort, plus rien ne la liait à cette planète.

Elle leva ses deux yeux dorés et mit son doigt dans celui de droite pour retirer sa lentille. Ocrélia n'avait pas de problème de vue. N'ayant pas envie d'être davantage dévisagée qu'elle ne l'était déjà, elle préférait cacher sa véritable couleur. Rouge. Rouge sang. Couleur de la haine, de la colère mais aussi de la passion. Cette teinte écarlate n'avait jamais autant représenté sa vie qu'à cet instant.

La Déesse observa longuement le ciel. À cette heure tardive du soir, il faisait nuit noire. La Terre, planète à l'abri de tout progrès technologique et scientifique, était restée à l'état d'embryon. Aucune pollution, aucune lumière pour éclairer l'étendue qui lui faisait face, si noire et si sombre. Rien ne l'épatait plus que cette couleur. Absence de couleur, absence de lumière, absence. Vide. Néant. Rien ne l'impressionnait plus que de ne rien voir. Que de pouvoir tout imaginer. Évidement, si elle avait une vision nocturne, elle aimait à penser que les autres, eux, ne la voyaient pas. Dans le noir, elle n'était rien. Et rien n'était plus satisfaisant pour elle qui, à la lueur du jour, devenait Impératrice de dix planètes, de n'être rien la nuit. Créature insignifiante, être invisible, anonyme. La nuit la cachait et la protégeait.

Elle étudia longtemps les étoiles, lumières à la fois si proches et si lointaines. Astres lumineux qui habillaient le long manteau noir qui recouvrait la terre une fois le soleil couché.

« Lorsque tu pleures, regarde les étoiles et dis-toi que chacune d'entre elles représente une chance que tu as de réussir. » Foutaises ! Le monde n'était ni noir, ni blanc, mais gris. Tout n'était que nuances grisâtres plus ou moins claires.

Ocrélia continua à marcher et fit un signe d'adieu à Arès qui secoua lentement la tête de gauche à droite.

— Tu devrais essayer de dormir, conseilla son ami d'une voix désolante.

Elle se retourna vers lui et le fusilla du regard. Il savait très bien pourquoi elle ne dormait pas. Pourquoi elle ne dormait plus.

Il tendit le bras et s'engouffra dans un portail puis disparut dans la nuit.

Vois comme l'univers se meurtWhere stories live. Discover now