Chapitre 1 : Sacré samedi soir

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A travers les fenêtres, on pouvait apercevoir les étoiles faire briller ce beau milieu de nuit tandis qu'à l'intérieur, seuls les néons multicolores éclairaient aléatoirement l'obscurité de cet appartement de banlieue parisienne. Ce n'était rien qu'une soirée de la capitale parmi tant d'autre cette nuit-là, une énième pour moi. Et pourtant, j'aurais dû me méfier de cette apparente banalité et de ce caractère familier... Car cette soirée était l'élément perturbateur de ma jeunesse, et peut-être même de ma vie.

Je dansais seule au milieu d'autres personnes bourrées, sur la musique qui faisait trembler les murs. J'étais arrivée il y a une heure alors que la fête battait déjà son plein, et la quantité d'alcool que j'avais ingurgitée à cet instant était encore raisonnable. Lucide mais détendue, mes hanches ondulaient sur le rythme de la musique pendant encore un moment, avant que la soif ne se fasse ressentir. A aucun moment je n'avais senti ce regard brûlant sur moi, et je me servis la première boisson qui fut à ma portée. Réhydratée mais la gorge en feu par le mélange décidément trop fort, je m'affalai sur l'un des canapés, entre deux inconnus. De toute manière, je ne connaissais personne ici si ce n'est la personne que j'accompagnais, mais que j'avais perdue dès lors que nous étions entrées.

Je ne sais pas combien de temps je suis restée ainsi affalée dans ce canapé, mais je me sentais bien dans ces coussins usés et puants. Les fumées un rien saines qui envahissaient l'air ambiant avaient sans le moindre doute un effet apaisant sur moi, mélangé à l'alcool s'infiltrant lentement mais sûrement dans mes veines. La musique changea assez brutalement, lorsque quelqu'un arracha le CD qui diffusait jusque là de l'électro dance pour y placer le sien dans le lecteur. Aussitôt, une instru et une voix mythiques replissèrent mes oreilles et me firent sourire.

Quelques personnes acclamèrent le son, et beaucoup se mirent à chanter en même temps que Shurik'n sur « Samuraï », moi y compris. Dès que le mec à côté duquel j'étais assise le remarqua, il chanta avec moi et on échangea un sourire, nos têtes bougeant au rythme de cette merveille, que j'ai écouté en boucle pendant des années. La musique prit fin et directement suivit « La fièvre » de NTM. Alors comme ça ils avaient décidé de ressortir le classique ce soir ? Ils allaient faire une heureuse. Je me levai, et bougeai en même temps que je scandai les paroles. L'alcool me libérait de toute gêne, malgré les quelques personnes qui pouvaient me regarder. Je crois d'ailleurs que quand bien même on me regardait, personne n'en avait rien à faire.

Et c'est à l'instant où je me faisais cette réflexion qu'une main se posa sur ma taille, et qu'un corps bougea au même rythme que le mien derrière moi. Et c'est à l'instant où je me suis retournée que j'ai rencontré ses yeux, ces yeux qui me hanteraient jusqu'à la fin de mes jours et jusque dans mes nuits. Un simple sourire gagna son visage, avant qu'il ne se penche pour que je l'entende me dire à l'oreille :

_ Il faut que je sois sûr que la seule fille qui s'intéresse au rap dans cette soirée ne reparte pas avec un autre garçon que moi.

J'eus un léger rire, en me disant non seulement que je n'avais bougé les lèvres que sur deux simples classiques que tout le monde devrait connaître mais aussi que s'il espérait que je rentre avec lui, il n'était pas optimiste mais bien carrément utopiste.

_ Désolée mon beau, cette fille ne rentrera avec personne ce soir...

Il se rapprocha de moi et dansa collé-serré.

_ Mh... Alors tu ne veux pas que je te mette la fièvre ?

J'éclatai de rire en remarquant qu'il citait les paroles de la chanson sur laquelle nous dansions.

_ Non merci, vraiment.

Tandis que la playlist continuait de diffuser les principales perles du rap français, nous ne nous quittions pas et continuions de chanter, danser et rire ensemble. Il avait retiré sa main de ma hanche et ne semblait plus avoir tenté de rapprochement physique, comme pour me signifier qu'il avait pris au sérieux ma façon de le remballer, bien que ne soit pas vexé. Et j'avais apprécié le geste.

SUGAWhere stories live. Discover now