14- Stylo Noir Indélébile

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    Je m'étire en souriant légèrement. Le soleil, traversant mon store, me caresse le visage. Je sors de la douce chaleur de mon lit. Soudain, des tâches noires troublent mon champ de vision et me rappellent de la veille, gâchant un peu ma bonne humeur. Je lève les yeux vers ma vieille horloge murale. La grande aiguille pointe le neuf et la petite le un. Il est neuf heures cinq. Ça fait longtemps que je ne me suis pas réveillée aussi tard. Je sors en tirant sur le cordon de mon bas de jogging gris. Mes cheveux me tombent comme toujours sur les yeux, je les repousse en arrière.
   Une fois dans le salon, je me rends compte que je n'ai rien à faire. Hier, l'infirmière, quand Sonia est venue me chercher, a proposé que je reste me reposer aujourd'hui. Je me laisse tomber sur le canapé, mes jambes suspendues au dossier, la tête vers le sol et les mains sur mon ventre. Je ferme les yeux et le sang me monte à la tête. Puis je me redresse, je sens les muscles de mon ventre trembler sous l'effort.

Allez, encore quatorze comme ça et c'est bon.

  Une fois que j'ai terminé, je vais me servir un verre d'eau que je vide en un instant. Je regarde par la fenêtre qui surplombe l'évier, il fait gris dehors. Enfin un temps qui correspond à l'automne. Je fixe pendant une durée indéterminée une feuille orange qui tombe en tourbillonnant avant de cligner des yeux et reprendre mes esprits. Je viens de me rappeler d'une chose - entre autre pour passer le temps -, mon père a en sa possession des t-shirts de tournées des Queen et de Michael Jackson.

Je pourrais peut-être les essayer.

Pourquoi pas ?

   À chaque fois que j'entre dans la chambre de mon père, je me sens un peu oppressée, comme s'il était là. Je balaie des yeux son lit qui n'est pas vraiment un lit double ni vraiment un lit simple, entre les deux je dirai. Quand nous avons déménagé, mon père a jeté l'ancien pour en racheter un plus petit, à présent qu'il était seul, et son armoire, seules choses qui enlèvent l'impersonnalité de sa chambre, plus la photo de Juliette et moi, sur son chevet. Je m'approche de sa garde-robe lentement.
Je fouille dans ses tiroirs, pour trouver le t-shirt. Je m'enfonce un peu plus et je tâte le fond - mon père a tendance à ranger n'importe où ses affaires, il m'est même arrivée une fois de retrouver ses chaussettes dans l'évier de la cuisine. Je sens quelque chose de dur sous la pulpe de mes doigts et je cherche une prise. Quelques instants plus tard, sur mes genoux, il y a un carton d'une taille moyenne, je dirai... à peu près quarante centimètres de haut. Je me lève en soulevant la boîte, puis je vais m'asseoir sur le lit de mon père.

   Un S est inscrit au stylo noir indélébile sur le devant du carton. Sans même l'ouvrir, je comprends qu'il y aura très probablement des choses appartenant à ma mère. J'ai brusquement mal au ventre et je ressens un étrange pressentiment. Je retire doucement le couvercle du carton brun. Et à l'intérieur, je vois en premier lieu un livre épais, à la couverture lavande sans motif, je le sors et je le pose à côté de moi. Je le regarderai plus tard. Ensuite, j'extrais une chemise noire aux élastiques blancs, je la dépose sur le livre. Je tends encore un peu plus la main et je sors un paquet d'enveloppes. Une feuille s'en échappe et tombe sur mes chaussettes, je mets le tas d'enveloppes sur la couverture et je me penche vers le papier qui s'avérait être une carte postale. Sur la première face, une image d'île paradisiaque colorée apparaît, et sur le verso est inscrit un petit texte. Je regarde l'adresse. Mademoiselle Éva Berliot suivi de notre ancienne adresse. Je regarde le timbre, la carte date du vingt-trois août, il y a sept ans. Ma respiration se bloque et des tâches colorées perturbent ma vision. La lettre commence part ma chérie et quand j'ai terminé de la lire, elle finit par je t'aime. Maman. Je la laisse tomber comme si elle contenait le virus de l'Ébola. Je me remets sur le lit et je reprends le carton. Je fouille le fond, ne trouvant qu'une robe rouge sixties aux rabats du col blancs et arrondis, un pantalon qui se resserre à la taille et à carreaux, à la mode quand mes parents étaient jeunes et un t-shirt de la tournée Nude Tour de Prince en 1990. Ce qui est étrange, c'est que lors du départ de ma mère, mon père était censé avoir donné ou pour certains, vendu, tous ses vêtements. Et le plus bizarre, ce que ce sont des affaires qui datent de la jeunesse de ma mère, à l'époque où ils n'étaient même pas encore ensemble. Du moins, je crois.
  Je laisse au fond du carton l'acte de mariage de mes parents et je le replace au fond de l'armoire de mon père. Je prends mes trouvailles et je sors de la chambre en prenant soin de refermer la porte derrière moi.

Nous sommes tous des étoiles Место, где живут истории. Откройте их для себя