Chapitre 4

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Quandon fume, on se découvre de petits rituels. La pause clope, la clopedu matin, du midi, de quand on rentre enfin à la maison. Quand onaspire la fumée, il y en a toujours un peu qui sort, c'est élégant.Il y a plusieurs façons de la recracher, lentement, en mettant soncou en valeur, rapidement... Ou si on souffle doucement versquelqu'un, qui signifie en langage de fumeur j'ai envie de toi, oufort, va te faire foutre. Il y avait une autre façon, pours'intoxiquer encore plus les poumons, on recrache doucement, trèsdoucement la fumée et on la reprend par le nez. On appelle ça unghost. Séraphine pensait à toutes ces choses en pensant à Gaëlle,qu'est-ce-que sa fille préférait faire quand elle recherchait lafumée ? Y pensait-elle seulement ? Connaissant Gaëlle, oui.Séraphine, elle, avait adoré faire des ghost quand elle étaitjeune. C'était son premier amour qui l'avait initiée à lacigarette. Elle avait douze ans. Elle l'avait vu recracher sa fumée,doucement, sur elle. Elle avait vite compris la signification. Elleavait beaucoup traîné avec ses amis, elle avait appris le langagedes 420. Depuis, elle n'avait jamais arrêté. Elle faisait encoredes ghost, la plupart du temps, sur un balcon, ou à une fenêtre,elle s'accoudait, cambrait et levait le cou pour voir le peu de fuméequi s'échappait quand elle ne parvenait pas à la reprendre avec sesnarines. Mais maintenant, elle était sur la terrasse au dessus deson boulot, et c'était sa clope de dix heures. Elle était arrivéea huit heures, bon sang, déjà trois urgences, et une paperassemonstrueuse. Mais elle avait fini par s'habituer à la paperasse. Çalui occupait l'esprit en ce moment. Sa clope était presque finie.Elle avait pris des écouteurs, elle n'aimait pas le bruit de la rue.Il lui était hostile. Paint it black, Rolling stones. C'étaitvraiment un cliché d'écouter ça à son âge. Elle souriaintérieurement. Ce matin, elle n'avait pas entendu Gaëlle,peut-être avait-elle dormie pour une fois. Ça l'avait presquesurprise, que sa fille la réveillé par ses petits bruits maladroitsdans sa chambre lui avaient servis de réveil, avant son téléphone.Mais c'était ce même téléphone, qui, cette fois, l'avaitréveillée. Elle s'était réveillée frustrée, alors, quand elleétait allée dans la salle de bain pour se maquiller, elle avaitdécidée de mettre du rouge à lèvres. Si sa fille ne l'avait pasréveillée, elle l'accompagnerait dans la journée avec le rouge àlèvres qu'elle avait mis. L'encre de la marque de cigarette seconsumait. Il fallait arrêter, elle allait attraper le cancer sielle fumait ça, lui disait toujours sa grand mère. En se laissantemporter par les Rolling Stones, prise d'une crise de rébellion,Séraphine fuma même la moitié du filtre, elle s'était un peubrûlée la bouche. Quand elle écrasa la fin du filtre, elle le vitrouge vif. Elle avait laissé une signature. Elle sourit. Non, Gaëlleavait laissé sa signature. Les Rolling Stones avaient fini dechanter. Place aux Guns N Roses. Sweet Child O Mine. Séraphinedescendit les escaliers avec classe, un seul écouteur tombant,l'autre dans l'oreille droite, les talons qui claquent, sa jupemi-longue qui lui moulait ses fesses et ses cuisses musclées. Legalbe de ses mollets donnaient à rêver, elle alla voir sonsupérieur, il se tourna et vit une Séraphine plus déterminée àtravailler que jamais. En la regardant, il se surprit à sentir sonsexe presque durcir. Séraphine était une femme magnifique, rien nel'arrêtait, toujours rayonnante et souriante, pleine d'humour, elleaimait son métier et en avait dans la tête. La voir tous les jourset la désirer depuis quelques temps était une tromperie à safemme. Mais pas totalement, il n'avait jamais rien tenter et rienfait pour rendre la situation ambiguë. Elle en aimait un autre. UnPeter, elle n'en parlait pas souvent, au contraire, mais quandcelui-ci l'appelait et qu'il voyait ses yeux s'illuminer au nom surson téléphone, il éprouvait une sincère tendresse pour cettefemme, et beaucoup de désir. Il enviait cet homme aimé à la folie.Il se demandait ce qui avait finie par crever dans son couple à lui.Ce soir, il irait voir sa femme et lui ferait l'amour comme jamais.Même s'il lui fallait avoir recours à la pilule bleu. «Alors, cedossier monsieur Rahis ?» Elle avait un grand sourire. Finalement,la journée commençait bien pour nos deux protagonistes. Maispersonne n'en savait la fin.

Gaëlle - L'indispensable Mélancolie De L'êtreWhere stories live. Discover now