4. Ellie: Rencontre

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Rien n'avait vraiment changé ces derniers temps, je vaquais à mes occupations estivales. Une fois par semaine, le mercredi, j'allais à mes cours de musique. Ce qui était bizarre, c'est que j'arrivais TOUJOURS en même temps que Howard. J'étais très ponctuelle, et malheureusement lui aussi. D'habitude, on ne s'échangeait seulement qu'un regard de défi ou une brève salutation avant d'entrer respectivement dans nos locaux. Sinon, je travaillais dans le magasin de cassettes 4 jours sur 5, j'avais congé le vendredi. Je crois qu'en tout dans une semaine, j'avais eu la visite de 2 clients. L'un était un faux hipster qui était passé dans l'espoir de trouver quelque chose d'intéressant, mais il était reparti bredouille, visiblement agacé. Je crois que celui là ne reviendra pas. Quant au deuxième, c'était un vieux monsieur qui n'avait pas vraiment l'air de savoir où il se trouvait. Il a fini par acheter une breloque à 0.50$ qui n'avait aucun rapport avec des cassettes. Donc en somme, ma semaine ne fut pas très riche en rebondissements.

Donc en ce moment, j'étais dans la boutique(toujours vide), appuyée contre le comptoir, et je regardais le vide. J'étais perdue dans mes pensées, jusqu'à ce que je remarque qu'un garçon m'observait de l'autre côté de la vitrine. Je ne le distinguais pas très bien, mais j'avais clairement vu qu'il me zieutait, planté au milieu du trottoir. On se croisa brièvement du regard, ce qui le ramena à la réalité. La tête baissée, il entra dans le magasin avec une certaine conviction tandis que je n'avais toujours pas détaché mes yeux de lui. Il entra accompagné du "ding" de la cloche de la porte, et je lui adressai un "bonjour" beaucoup plus timide que je ne l'aurais voulu. Il ne me répondit pas, (il ne m'avait peut être pas entendu) et alla directement se cacher derrière une étagère de cassettes. Je souris intérieurement, je ne savais pas vraiment pourquoi, mais il m'intriguait. J'avais seulement eu le temps de remarquer des cheveux bruns foncés et une peau olivâtre avant qu'il ne disparaisse. J'avais un peu envie de lui parler, il ne semblait pas tellement plus vieux que moi, mais je n'avais aucune idée comment engager la conversation.

Finalement, après une ou deux minutes, il revint vers la caisse avec une petite cassette vide en main, qu'il déposa sur le comptoir. Il chercha dans sa poche et me tendit d'une main fuyante des sous cuivrés.

-Vous voulez un enregistreur pour la cassette?

-Hein?

Il releva sa tête pour me regarder droit dans les yeux, avec un visage confus. Je pus alors distinguer ses grands yeux brun foncé légèrement cachés derrière ses cheveux. Il rougit un peu et détourna rapidement son regard.

-Eum, un enregistreur, pour ben, enregistrer votre cassette. Si c'est votre première fois à utiliser les cassettes, je peux vous conseiller quelques modèles que nous avons.

Il prit un moment à comprendre ma réponse et parut avoir un déclic à l'intérieur de sa tête.

-Oh, oui s'il vous plaît.

Je retournai dans l'arrière de la boutique, j'avais vu plusieurs enregistreurs classés par marques. J'en sélectionnai quelques uns en bon état et le jeune homme en choisit un petit bleu-gris.

Il paya donc l'enregistreur et la cassette avec quelques billets, et j'eus la mince satisfaction de finalement accumuler cet argent dans une caisse qui ne s'était pratiquement pas remplie depuis les dernières semaines.

-... Voudriez-vous un sac pour emporter?

Il prit un moment à me répondre, et me marmonna ensuite un "non merci".

Il repartit ensuite si vite comme si le magasin empestait, ce qui me fit douter un peu aussi de l'état de la pièce. Pour tuer un peu de temps, je décidai donc d'aller acheter un diffuseur de parfum à la pharmacie, qui était à 15 minutes de marche d'ici. Ça ne pouvait faire de mal à personne que je m'absente 30 minutes, j'avais rarement un client dans une journée.

Je m'achetai donc un petit diffuseur à la lavande, et je le posai dans un coin d'une étagère, derrière une vieille boîte.

C'est quand je me sentis fière de mon action que je me rendis compte à quel point ma journée était VRAIMENT nulle.

Je soupirai d'ennui et retournai pour la dixième fois sur le banc de piano dans la pièce pour répéter ma chanson que je connaissais déjà à la perfection.

Après être passée par le kiosque de Fernando et Milo, je retournais comme d'habitude chez moi en scooter.

En rentrant, ma mère se trouvait sur la table de la salle à manger, concentrée sur son écran d'ordinateur. Même en convalescence, elle continuait de travailler.

-Je suis rentrée.

-Bonjour ma chérie, c'était bien au travail aujourd'hui?

-Mh oui, pas mal.

-Bien, je suis contente que tu t'y plaises. Sinon tu ne ferais pas grand chose de ton été.

je ris intérieurement de sa remarque, puisque c'était exactement ce qu'il se passait. Ma mère est une avocate, mais elle s'était blessé le dos durant nos sorties en ski en hiver, donc elle s'était fait recommander de rester pour se reposer à la maison jusqu'à ce qu'elle soit rétablie.

Je montai dans ma chambre, pour trouver un paquet de carton brun, avec une lettre sur le dessus. Je n'eus même pas le temps de me questionner que je devinai que le colis venait de ma tante folle, Francine.

Je lus attentivement la lettre, où ma tante décrivait le Maroc, le pays dans lequel elle se trouvait actuellement. Ma tante était ce genre de dame célibataire qui n'avait jamais eu d'enfant, donc qui se payait au moins plusieurs voyages par an. Elle n'était jamais chez elle, mais elle revenait toujours miraculeusement le jour de célébration de ma fête. C'était la grande sœur de ma mère, et donc j'étais sa seule nièce, c'est pourquoi elle m'envoyait constamment des cartes postales et des souvenirs un peu bizarres.

Après avoir lu son long texte décrivant exactement comment les Marocains trichaient à des jeux de carte et ensuite l'architecture des mosquées, j'ouvris le paquet rempli de papier à bulles, pour trouver à l'intérieur une petite statuette de bois.

Je ne sais pas exactement pourquoi elle avait décidé de m'envoyer ça, mais la statuette faisait presque peur. Maigre, grossièrement taillée, le visage décrivait une expression très étonnée, et elle avait ses mains placées devant elle comme pour se protéger de quelque chose.

J'allai simplement la déposer sur une commode destinée aux souvenirs de ma tante, a côté du petit éléphant en ivoire.

Je passai ma soirée à regarder plusieurs épisodes de The Walking Dead, ma série préférée.

Les CassettesWhere stories live. Discover now