Le Sang du Roi (Le Grand Royaume #3)

Chapitre 13

La ville n'avait pas changé depuis mon dernier passage. Les maisons s'élevaient le long de la rivière, les allées de pavés serpentant entre elles. Rien n'avait changé. Ni les boutiques spécialisées dans des sujets qui n'auraient jamais dû exister ni l'odeur. Ce parfum d'iode, de poisson et de sang. Je ne pourrais jamais oublier cette odeur si particulière et horrible.

Le port était massif et peuplé de Démons aux visages burinés et froids. Ils ne nous adressèrent pas un regard lorsque nous débarquâmes. Je n'y avais pas fait réellement attention lorsque j'étais venue avec le Traître. Je n'avais pas été préparée à cette longue ligne de quai qui arborait plus d'une vingtaine de larges bateaux. Je n'osais imaginer de quoi les Démons pouvaient bien faire le commerce.

Dant remonta les rues sans se soucier de savoir si nous suivions ou non. Sans réellement savoir comment, je parvins à retrouver la rue dans laquelle se trouvait la cabane de l'Ancienne. Nichée dans un coin, discrète et détonnant à la fois, elle me parut plus décrépite que la première fois.

Le Démon poussa la porte et s'effaça pour nous laisser entrer. Je m'arrêtai sur le seuil pour regarder cette atroce fontaine de sang qui faisait face à le demeure de l'Ancienne. Je frémis de dégoût.

L'Ancienne était assise dans un fauteuil à haut dossier. Elle était à peine visible, ses cheveux blancs se mêlant à la peau de bête qui couvrait le dossier du siège. Elle tourna la tête vers nous lorsque nous entrâmes, arrachant son regard au livre posé sur ses genoux noueux. Lentement, elle se leva, Dant allant la soutenir par le bras. Sa peau était translucide, laissant voir ses veines et ses tendons. Elle se fanait. Il était plus visible que jamais qu'il s'agissait d'une humaine ayant amplement dépassé son temps sur terre.

- Je t'attendais, Sixtine Aderleen, me dit-elle. Suis-moi donc.

Elle me fit signe de la suivre jusque dans la seconde et unique autre pièce. Dant me céda son bras lorsque je les rejoignis. La peau parcheminée râpa contre mes doigts, légère, à peine tangible. J'eus l'impression que, si je la tenais un peu trop fort, je briserais ses os.

Elle poussa la porte à moitié dissimulée dans l'ombre de la bibliothèque. Derrière, un couloir et non pas une pièce. Elle avança le long de nombreuses portes noires. Une seule d'entre elles était blanche. Ce fut celle que la vieille femme poussa pour pénétrer dans une chambre plus large que je n'aurais cru cette étroite cabane capable de contenir. Elle devait avoir utilisé sa magie pour transformer le petit espace en quelque chose de plus spacieux et vivable.

La chambre était constituée de plusieurs zones distinctes. Il y avait, évidemment, le lit en bois d'acajou entouré de lourds rideaux noirs. Il était posé à l'opposé de l'unique fenêtre, enfermé dans un cocon d'ombre. Un bureau se tenait juste devant la vitre, profitant de toute la lumière qu'elle offrait.

La majeure partie de la pièce était occupée par une table basse et des canapés moelleux et couverts de fourrures de diverses teintes de bruns et de roux. J'aidai l'Ancienne à s'asseoir dans l'un d'eux avant de prendre celui d'en face.

- Il y a plusieurs choses dont nous devons parler, jeune reine. Tu as besoin de plusieurs choses que je peux t'offrir.

Je ne dis rien, ignorant ce dont elle parlait. La seule chose dont j'avais besoin, c'était de libérer Nahl. Or, ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait m'offrir.

- Commençons par ton frère. Si je ne peux pas le libérer, je peux t'offrir ceci.

Elle sortit une fiole d'une poche intérieure à son épaisse veste.

- Fais-lui boire cette potion dès que tu l'atteindras. Ça devrait le remettre d'aplomb. Il en aura besoin.

Je pris la petit fiole dont le liquide vert ne laissait rien voir de ce à quoi il servait.