Chapitre 6 🥀

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Ils existent, ces mondes disparates

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Ils existent, ces mondes disparates. Ils sont là, dans notre dos, devant nous. Mais personne ne les voit. Sauf les Bruxtias. Elles peuvent nous aider. Elles peuvent nous sauver. Mais personne ne les écoute, ces silences prononcés par l'invisible.

Dernières paroles d'un Domovoï jugé fou par le grand prince, torturé et décapité.

Archives Ivanov

Le souffle court, je fais face à cette obscurité, presque devenue familière. Je suis de retour dans l'immense grotte, accueillant mes peurs et mon cauchemar. Une main sur ma poitrine douloureuse, comme si j'avais couru une compétition, je tente à nouveau de chercher un point d'ancrage. Une lueur, quelle qu'elle soit. Puis je perçois autre chose. Cette fois-ci, le silence n'est pas présent. À la place... des bruits de chaînes, et des raclements de griffes se font entendre, au beau milieu de cet énorme espace vide et noir. Je suis si concentrée par l'objectif de ne pas hurler que je ne le sens pas immédiatement, ce souffle contre ma nuque. Il me faut plusieurs secondes pour prendre conscience que quelque-chose se tient dans mon dos. Et comme toute personne censée, je n'ose me mettre à courir, et me tourne lentement, très lentement, vers lui. Le cri que je contiens dans ma gorge se bloque alors, enfermant à double tour le moindre de mes futurs hurlements. J'ignore si cela est une chance, mais l'apparition de la créature s'accompagne d'une petite lanterne, qu'elle tient dans l'un de ses bras, si l'on peut l'appeler ainsi. Tétanisée, la respiration désormais coupée, je dévisage la chose sans rien pouvoir faire d'autre que ça. Regarder le monstre. Je suis d'abord frappée par son visage, composé d'un masque de théâtre souriant. Ceux, blancs, n'offrant que deux fentes pour les yeux et une ouverture pour la bouche. Le lampion, tournant dans le vide, dispose d'étranges ombres sur ce visage figé, et ne me permet que d'entrapercevoir les traits de la créature, derrière le masque. Ce que je vois se résume à deux prunelles entièrement jaunes reposant dans une mer noire. Les lèvres du monstre sont de la même couleur. Entièrement noires encres, et se confondent avec l'obscurité, sous ce masque blanc. Puis... il y a sa colonne vertébrale, s'étirant sous sa peau en une bosse, qui lui permet d'atteindre aisément les trois mètres de haut. Son corps, lui, n'est vêtu que d'une peau pâle, glabre, étirée au maximum sur des os pointus et une cage thoracique bien large. Si sa tête se trouve à mon niveau, le reste de son corps, lui, s'élève bien au-dessus de mon crâne. La créature, en comparaison de ses os, est maigre, presque squelettique. Et au-delà de son étrange ossature, s'étirent quatre longs membres, dont les deux premiers sont surélevés de plusieurs centimètres. Ses pattes, longues et incroyablement fines, pourraient s'apparenter à ceux d'insectes, dans mon monde. 

Dans mon monde réel, car celui-ci ne l'est pas. Impossible. Pourtant, quand le masque penche sur le côté, et que la créature entrouvre légèrement sa bouche, le même souffle vient effleurer mon visage. Un souffle chaud, charriant l'odeur de la mort et de charognes. Et tout me paraît alors bien plus réel. Les trois excroissances sur son dos, semblables à des pattes qu'un artiste sadique semble avoir placées là pour n'avoir que peu d'usages, frémissent lorsque son cou, qu'il a bien trop long, se tend, et que le visage se penche davantage vers moi. La loupiotte, installée sur l'un des membres qu'il aborde sur son dos, faiblit subitement, me prouvant que l'obscurité peut revenir à tout moment. Sous lui, l'un de ses membres se plie vers moi, et son extrémité, se terminant en une griffe unique, racle bruyamment le sol. Voilà donc le son que je percevais. Quant aux bruits de chaînes, il ne m'est pas difficile de comprendre d'où ce son provient, en avisant les trois anneaux, vissés à son énorme bosse. D'eux pendent en effet plusieurs anneaux de fer, ricochant sur ses os dans une mélodie macabre. À côté de cette chose, le disciple de la Bête est presque... ridicule. Ses deux yeux, réduits à deux fentes sous le masque, m'observent toujours, avec une avidité dérangeante. Horrifiante. 

3 mois sous silence - La Traque (Tome 2)Where stories live. Discover now