Préambule - Le "Je" d'Opaline

2 0 0
                                    

J'ai longtemps cru qu'une tête ça pesait lourd à cause de toutes les pensées qu'on mettait à l'intérieur.

En dedans.

Ça me semble même sacrément logique.

Souvent, quand je voyais encore papa, il répétait « j'ai la tête lourde », quand il était fatigué de réfléchir et qu'il avait le front soucieux, trop occupé par ce qu'il voulait écrire.

Ou dire.

Ovaire-fine-king, elle appelait ça, maman. Je vous le dis comme elle le disait. Me demandez pas exactement ce que ça signifie. Ça veut dire « penser de trop », quelque chose comme ça.
En gros.

Maman disait que ça faisait de papa une sorte de génie. Mais moi, je vous avouerai que je m'en fiche pas mal. Je veux juste qu'il soit mon papa. Un génie, ça peut franchement pas être plus utile qu'un papa. Ça n'a pas de sens. Il faut avoir conscience des priorités. Remettre les choses à leur place.

Bref – pour être sûr quand même, j'ai demandé à l'école pourquoi c'était lourd une tête.

La maîtresse, elle a paru surprise, puis elle m'a expliqué en détail ce qui faisait le poids en dedans de la tête.

Elle me l'a expliqué avec les mots de la Science.

Une tête, ça pèse quelque chose comme 4 ou 5 kilos, pour votre gouverne. Et je dois avouer que quand j'ai dit ça à Lucien, il était bigrement étonné ! Qu'on puisse trouver un critère (en l'occurrence, le poids) qui permette de réunir une tête humaine et un sac de pommes de terre dans le même panier, c'est quand même sacrément fort.
Le cerveau lui-même, ça fait dans les 1,5 kilos. Environ. Paraît même que celui-là des femmes est plus léger que celui-là des hommes. Mais aucun lien de cause à effet avec une différence d'intelligence qui pourrait exister entre les deux sexes.

C'est que je vous vois venir.

Bref – ce cerveau du poids d'un petit haltère, il est constitué de plusieurs lobes, protégés par le crâne, et il baigne bien gentiment dans le liquide CEPHALORACHIDIEN.
(J'ai pris des notes, vous pouvez me croire sur parole).

Donc – une tête, ça pèse diablement lourd à cause de l'os, du liquide, de la matière, de ça et de ça, et patati et patata. Je ne me rappelle pas de tout non plus, faut pas croire, j'suis pas sténo, comme disait maman. J'ai quand même que 9 ans et demi.
Bientôt 10.

En tout cas : céphalorachidien, ça m'a fait de l'effet.

Faut quand même avouer que la Science elle en sait sacrément des choses, mais elle a toujours un peu de mal à le dire avec des mots simples.

Bref – Une tête c'était lourd pour des tas de raisons, mais pas à cause des pensées, car, ça – d'après la maîtresse – ça, c'est très très très léger.

Pause.

Moi, j'ai du mal à m'en remettre. Je trouve ça vraiment vraiment paxadoral. (C'est Tristan, l'ami de papa qui m'a appris le mot !).

Ouais, c'est paxadoral toute cette histoire.

C'est pas possible que ce que l'on pense ne pèse rien alors que ça contient tellement ! Non ?

Je veux dire... si vous me lisez, ça crée nécessairement des pensées que vous n'aviez pas forcément jusque-là, et c'est forcément plus lourd que si vous ne pensiez à rien juste avant ça ? Vous me suivez ?

Ça n'a pas de sens. Mais alors pas du tout !

Pause.

Je pense que la maîtresse se trompe et que la Science dit parfois de grosses bêtises.

Authentiques VictimesWhere stories live. Discover now