TOUS...

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Le lendemain, les yeux de Shaellah s'ouvrirent en battant des paupières. À sa grande surprise, elle avait réussi à dormir. Enlacé derrière elle, Lim Ledah avait partagé le même lit. Sa peau m'a réconfortée, se disait-elle. Sa chaleur m'a assoupie.

Elle se retourna délicatement face à lui pour le regarder avant qu'il ne se réveille. Son visage détendu lui faisait penser à un ange ; même sa bave n'entachait sa beauté. Était-ce cela l'amour ? Un être magnifié par le prisme de ses yeux amoureux.

Il était vraiment là. S'il savait combien de temps elle l'avait cherché et attendu. Maintenant il était près d'elle ; cela la remplissait d'un bonheur infini, quand elle acceptait de le croire.

Elle caressa ses cheveux, les entortilla, effleura du dos de sa main son visage fin. Puis elle continua sous les draps : il avait la même courbure de hanche que dans son souvenir. La ligne des épaules toute aussi fidèle. La taille fine, comme elle aimait.

Caressant son buste, elle sentit un creux au niveau du sternum. Cela lui fit penser à la perle qu'il retrouverait au Mur aux perles d'âme. Il pourrait enfin combler le vide laissé par sa carence en perles de rêve et cela confirmerait par la même occasion qu'il est bien son amour du Vrai Monde.

Elle s'aperçut que son pouce logeait à la perfection dans le creux de sa poitrine. Elle sourit en pensant que c'était un signe de leur osmose, un peu comme si elle avait retrouvé sa pantoufle de verre.

Lim Ledah s'éveilla, ses lèvres s'élargirent à la vue de Shaellah. Elle avait ces yeux doux qu'elle n'offrait qu'à lui, les cheveux en bataille et les épaules nues dépassant des draps.

- Tu as bien dormi ? demanda Lim.

- Non. Mais je suis heureuse de me réveiller à côté de toi.

Ils se préparèrent à sortir pour le petit déjeuner, s'embrassèrent juste avant d'activer le miroir. C'était la frontière de leur monde intime. Alors au revoir l'amour quand il s'agissait d'aller en cours, et bienvenue l'amour quand ils revenaient. Ils se prirent la main pour se charger en patience et profiter des derniers instants. C'était toujours Lim Ledah qui composait le code du hall d'entrée car Shaellah voulait que l'instant perdure plus que de raison.

La relation entre miroirs s'effectua comme d'ordinaire à la différence notoire que quelqu'un poussait des cris si effrayants que cela appelait le réflexe de s'en détourner. Des cris puissants, courts, relayés par une prise de respiration bruyante et suffocante.

Oria Cervantes entra dans le champ de vision du miroir. Elle avait l'air choqué. Elle reculait sans réprimer ses cris spasmodiques, regardait dans tous les sens comme si elle était en train de perdre la raison. Puis, elle buta sur les marches qui montaient vers le grand miroir du hall, s'effondra en cognant sa tête, et cessa de crier.

Elle sait pour sa soeur ! cria Shaellah. Elle sait pour sa soeur !

Lim Ledah et Shaellah se précipitèrent à son aide. Ils la secouèrent, crièrent son nom. Un léger râle sortit de la bouche de l'inconsciente et ses yeux s'ouvrirent à moitié. Elle était sérieusement sonnée, mais rien de plus grave.

Shaellah balaya le hall du regard et saisit le poignet de Lim Ledah au point de lui faire mal. Celui-ci détourna les yeux de Oria et plongea - comme Shaellah - dans un mutisme et une immobilité absolus. Ils ressentirent le chaos, le vide, l'impuissance, la tragédie, le cauchemar.

Tous étaient morts. Tous.

Tous...

Madame Baurens n'était qu'à trois mètres, allongée sur ses perles de divination mathématique imbibées de sang.

Les élus du Chaddaï : les perles de NasyaTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang