Les Souvenirs de Rys

Chapitre 5 : L'Autre

Je suis partie de chez moi dès que possible. Ça n'empêche que j'arrive quand même bien tard chez Mamie. J'y vais presque en courant cette fois-ci. Je toque trois fois à la porte avant de l'ouvrir. La lumière du salon m'éblouit un peu.

« Rys ? me dit-elle d'un air surpris. T'es revenue bien vite !

– Salut...

– Ça ne va pas ? »

Ma mâchoire tremble, je renifle pour ne pas fondre en larmes. Mamie se lève et me prend les mains, elle m'amène au canapé pour m'asseoir.

« Que.. Tu t'es fait mal ? Pourquoi ta cicatrice s'est rouverte ?

– Quelle cicatrice ?

– Celle qui euh... te longe tout le corps. Je vais chercher du coton pour la nettoyer. »

Mamie s'en va et me laisse avec mes questions. Je ne savais pas qu'une cicatrice me longeait le corps de haut en bas.

« Ça risque de piquer un peu, dit elle en rapprochant le coton de mon visage. »

Elle nettoie d'abord l'encre à côté de mon nez, ça chatouille. Mamie sursaute et recule un peu.

« Quoi ?

– Ta tête se dilate... C'est sûrement due au choc.

– Mamie ?

– Oui ?

– Je l'ai eu comment ma cicatrice ? Je m'en souviens pas. »

Elle baisse la tête, son visage s'est remplie de tristesse.

« Mamie, faut me le dire... »

Elle se mord la lèvre, joint ses mains et les coince entre ses genoux.

« Promet moi que tu ne m'en voudras pas, s'il te plaît...

– Je te le promet, lui ai-je dit en prenant un certain temps pour y réfléchir sincèrement.

– Eh bien... »

On prend toutes les deux une profonde inspiration.

« Tu...Euh... Ta... Tu es l'enfant de Lily et d'Achille.

– C'est qui ?

– Lily c'est ta maman, et Achille c'est ton papa.

– J'ai une maman et un papa ?! Pourquoi je ne les vois jamais ?

– C'est compliqué. Ce que tu dois savoir c'est que... ton papa était un calamar un peu spéciale.

– Il avait trois yeux lui aussi ?

– Non pas exactement. Rys... Je ne sais pas si je dois te le dire d'un coup...

– Vas-y...

– Vous ... Ta mère t'as fait cette cicatrice.

– Quoi ?

– Et elle t'a recousu, en quelque sorte. »

Je la regarde un instant, puis je regarde la cheminée. J'arrive pas à comprendre ce qu'elle me dit.

Elle reste silencieuse, tout comme moi. On m'a découpé ?

« Je dois prendre l'air, dis-je en me levant. »

Mamie se contente d'acquiescer. Je sors, ma marche est un peu confuse. Merde, il fait noir dehors. On voit rien... Tant pis, je dois bouger. Je m'aventure à l'aveugle, mon seul point de repère est l'ombre du grand chêne sur la falaise. L'herbe est mouillée, je sens que je vais me gameler, et c'est ce qui arrive. J'ai le visage contre le sol, j'ai marché sur un caillou glissant. Je suis fatiguée, je ne veux pas me relever...