1 : Enneigée.

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Les yeux apparents. La tête enfouie dans le bonnet. Le menton enfoui dans l'écharpe autour du cou. Les mains dans les poches. Le regard au loin. Elle avançait, la neige tombant, seule dans les rues. Une masse noire au milieu de cette blancheur tombée. Les yeux émeraudes scrutant l'horizon à la recherche d'un endroit pour s'abriter. Loin de tout, elle ne savait où aller. Elle a toujours été seule et a appris à se débrouiller ainsi, mais son errance dans le froid hivernal rendait le tout bien plus dur. La nuit allait bientôt tomber et elle n'avait nul part où aller, et personne à qui demander de l'aide. Elle perdait espoir. Elle ne trouvait aucun endroit, ni personne à qui demander ne serait ce qu'un sourire, elle allait mourir dans ce froid. Elle sentit ses yeux la brûler et les larmes s'y accumuler, elle ne pu les retenir et rapidement les perles d'eau salées roulèrent sur ses joues glacées. Depuis des jours elle errait sur les routes et dans les villes. Elle était partie en courant de la maison dans laquelle elle était avec peu de choses, ses vêtements qu'elle portait et quelques billets qu'elle avait dans son manteau, ayant récupéré celui ci, son bonnet et son écharpe en partant. C'était irréfléchi, instinctif et stupide, et elle le savait, elle se le répétait depuis son départ, mais elle n'avait vraiment pas eu le choix. Personne ne l'acceptait. Elle était différente, très différente des gens, et quand ceux ci le remarquaient, ils fuyaient ou alors la chassait. Elle n'en pouvait plus, ça faisait presque vingt ans qu'elle subissait cela, alors elle avait arrêté de prendre sur elle, arrêté de réfléchir et elle était partie en courant, fuyant cette grande ville qu'elle habitait depuis toujours, pour s'en éloigner au plus. Elle avait tout quitté, mais le tout se réduisait à très peu de choses.
Très tôt au matin, elle était arrivée dans cette ville, épuisée mais elle avait eu espoir que ce soit bon, que ce soit une ville bien, avec son avenir dedans, mais en fait elle avait dû se tromper, elle n'arrivait à rien trouver ici. Ni chaleur ni endroit à l'abris. Elle avait parcouru certaines rues plusieurs fois, mais toujours rien. La lumière baissait, la nuit arrivait et elle ne savait pas où elle allait la passer. Les larmes continuaient de rouler sur ses joues, s'accumulant sur le rebord gelé de son écharpe. Elle n'avait pas mangé depuis plus de vingt quatre heure, elle se savait faible mais refusait de s'arrêter, si elle se stoppait elle allait mourir à cause du froid, et même si elle n'avait aucune raison de rester en vie elle se refusait de mourir. Elle fixa ses pieds qui avançaient faiblement dans la neige, et le regard embué elle ne vit presque rien et encore moins la personne qui marchait sur le même trottoir qu'elle. Elle la bouscula, et en perdit l'équilibre, tombant sur le sol, les fesses dans la neige. L'autre femme avait réussi à se rattraper et se tenait bien debout, mais quand elle la vit par terre, elle s'accroupit près d'elle. Prenant peur, même si elle n'avait aucune raison, elle tenta de reculer.
-Vous inquiétez pas. Tout va bien. Déclara la jeune femme accroupie.
La neige dans son dos et contre ses bras la gelant, elle observa rapidement la femme face à elle. Celle ci était brune, habillée d'un manteau beige relevé jusqu'à la mâchoire, mais surtout elle avait un oeil totalement noir et l'autre vert forêt, qui retranscrivait que de la gentillesse. Quelque chose de bien trop rare dans sa vie, mais surtout dans le monde, les gens manquaient d'humanité et de gentillesse, alors cette lueur dans les yeux bicolores la rendait d'autant plus magnifique. Alors elle osa, elle prit la main que la jeune femme lui tendait, l'aidant à se remettre debout, ce qui fut difficile vu la faiblesse de son corps et le froid qui s'infiltrait partout en elle.
-Vous n'avez rien? S'assura la femme brune en l'aidant à tenir debout, voyant sa faiblesse et s'inquiétant avec sincérité pour elle.
-Je vais bien, pardon, vraiment pardon de vous avoir bousculée, je regardais pas où j'allais, pardon. S'excusa-t-elle de suite, paniquée mais frigorifiée, se mettant à trembloter.
-Vous tremblez, vous êtes sûre que ça va? Demanda la jeune femme, inquiète de la santé de celle qu'elle tenait.
-Je crois que oui. Répondit-elle commençant à perdre pied totalement. Non mais oui. Enfin... Elle se tut éclatant en sanglot.
-Tout va bien. Tout va bien. Répéta la brune pour la rassurer, la serrant d'un bras pour la maintenir ne sachant comment réagir devant tant de détresse. Je vais vous ramenez chez vous, pour être sûre que vous arriviez en un morceaux. Dites moi où c'est.
-Je ne sais pas. Pleura-t-elle, se souvenant qu'elle devait dormir dehors, l'ayant oublié un court temps depuis qu'elle était avec la femme adorable face à elle.
La brune en face d'elle ne su que faire, cette femme était vraiment perdue elle devait l'aider, alors elle prit une décision.
-Je vous ramène chez moi, vous avez besoin de repos et de manger, je pense. Et si vous voulez on parlera comme ça. Proposa la jeune femme.
Incapable de répondre, elle se laissa entraîner par cette femme. Elle ne comprenait pas à vrai dire, comment était ce possible qu'une personne se faisant bousculer par un soir enneigé décide de vous recueillir et vous aider. Tout bonnement impensable, et encore moins pour elle qui passait son temps seule et qui depuis des jours ne savait où aller. Elle se laissa guider, observant du coin de l'oeil cette femme brune si troublante, et humaine. Oui c'est ça, ce qui ressortait de cette femme était son humanité, chose si rare dans son monde à elle.
Rapidement, elles furent devant un immeuble, et la femme ouvrit la porte, l'entraîna dans les escaliers, sur deux étages, et ouvrit la porte de l'appartement 105. Elles passèrent la porte, après une longue recherche des clés dans le sac, et elle découvrit l'appartement de la brune, qui la poussa à l'intérieur. Elle n'était pas chez elle, elle ne connaissait même pas cette femme, et elle était dans cet appartement, gênée mais en même temps satisfaite, sentant la chaleur du lieu l'envahir. Immobile, toujours ses affaires enneigées et trempées sur le dos, elle fit face à cette femme qui avait un léger sourire doux pour la rassurer. Celle ci lui enleva son écharpe et son bonnet pour les mettre à sécher, et elle l'aida à retirer son manteau, ne la voyant toujours pas faire un geste.
-Enlevez vos chaussures, qu'elles sèchent. Conseilla la jeune femme. Et elle obéit enlevant de ses pieds la paire. Votre pull est humide, je vais vous cherchez quelque chose. Allez dans le salon, tout droit. Proposa la brune en la laissant, allant un peu plus loin, tournant à droite dans l'appartement, rentrant dans une pièce.
Mais elle, elle ne bougea pas. Incapable. Ses membres se réchauffaient doucement, mais elle se sentait toujours gelée, et comme pétrifiée. Elle se sentait affreusement faible, elle n'avait jamais tant manqué de force. Lorsque la jeune femme ressortit de la pièce elle s'apprêtait à aller dans le salon, mais elle la vit, prostrée devant la porte, et alla la rejoindre.
-Venez. Souffla la brune en glissant sa main dans la sienne pour la tirer légèrement, l'entraînant dans le petit couloir, qui avait deux portes, une de chaque côté. Assises sur le canapé, la femme se pencha vers elle, posant sa main libre sur son genou. Comment vous vous appelez?
-Je...Alice. Répondit-elle un peu perdue.
-Vous le portez bien. Remarqua la brune, admirant les traits fins et délicats, le doux visage, malgré la peau affreusement pâle, encadré par des cheveux très blonds et ébouriffés par le temps et le bonnet. Moi c'est Cara. Fit-elle, pour la mettre plus à l'aise. Je vais vous enlever votre pull pour que vous en mettiez un sec. Elle posa délicatement ses mains sur le bas du pull d'Alice, mais celle ci poussa ses mains et eut un mouvement de recul, se retrouvant au fond du canapé, les jambes repliées contre son torse. D'accord. Je vous laisse le pull là, et je vais rapporter de quoi manger et vous réchauffer, changez vous pendant ce temps là.
Elle posa le pull sur le canapé près d'Alice, et recula, s'éloignant pour la laisser. Elle disparu dans la cuisine, et la blonde la regarda partir, avant de déplacer son regard sur la pièce. Le salon était le bout du couloir, le canapé face à ce dernier, sur la droite une porte, menant à la cuisine. Sur la gauche un bureau et une grande bibliothèque, la pièce gardant les deux espaces, le salon, et l'espace d'étude. Tout était coloré et chaleureux, tout le contraire de là où elle avait pu vivre avant. Elle déplia ses jambes, reposant ses pieds au sol, et porta ses mains au bord de son pull. Elle le retira rapidement le laissant s'échouer sur le sol, pour attraper le rouge posé à côté d'elle et l'enfiler. Quand elle sortit la tête par l'encolure du pull, elle vit la brune arriver, un plateau en main. Elle la détailla, n'ayant prêté attention qu'aux yeux verrons et la chevelure longue et brune depuis le début. Mais la jeune femme devant elle avait une peau bien mate, opposé à la sienne, et des courbes qu'Alice prenait plaisir à regarder. Habillée d'un jean et d'une chemise épaisse et large, en chaussette, elle avait l'air encore plus adorable que lorsqu'elle l'avait aidée dans la rue.
-Le pull vous va? Demanda Cara en s'asseyant à son tour dans le canapé, tout en douceur pour ne pas l'angoisser.
-Merci. Murmura Alice, toujours peu à l'aise et surtout faible, elle tira sur les manches, cachant bien ses poignets et le début de ses mains.
-Vous avez froid? S'inquiéta de suite la femme à ce geste.
-Non. Je...Veux pas déranger. Articula la blonde, en regardant la femme rapidement avant de sentir l'odeur du chocolat chaud et de tourner la tête vers la table.
-Vous ne me dérangez pas, c'est moi qui est choisi de vous ramener ici. Rassura Cara, avant de prendre une tasse de chocolat. Buvez ça vous réchauffera et vous donnera de l'énergie. Incita-t-elle, gardant son doux sourire.
-Merci. Murmura Alice, gênée, mais terriblement attirée par le chocolat et les gâteaux, tellement elle mourait de faim.
Ne bougeant pas, Cara prit la tasse et la lui donna. Alors la blonde osa et prit la tasse en main, elle la porta à ses lèvres et quand elle sentit le chocolat chaud passer dans son corps, elle se sentit revivre doucement. La brune l'observait, elle voyait en elle toute la douleur et la souffrance qu'elle tentait de cacher, et en même temps avec son carré blond elle la trouvait charmante et elle avait ce quelque chose de magnifique. Cara avait toujours réussi à cerner rapidement les gens, et à comprendre ce qu'ils cachaient, cependant devant Alice elle avait plus de mal, comme si les fabuleux yeux verts faisaient barrage. Ce qui était sûr c'est qu'il émanait d'elle quelque chose d'étrange qu'elle n'arrivait pas à identifier. Elle essayait de la déchiffrer mais Alice évitait son regard alors ça ne félicitait rien.
-Prenez un gâteaux. Proposa-t-elle en lui tendant l'assiette. Elle vit les yeux d'Alice passé de son visage à l'assiette avant qu'elle ne baisse la tête. Allez y c'est pour vous. Insista-t-elle.
-Merci. N'osant pas plus elle prit le plus petit des gâteaux.
-Prenez l'assiette, vous pouvez tout manger. Sourit la jeune femme en la posant sur les genoux de la blonde.
Alice hésita mais vit le hochement de tête de Cara et arrêta d'hésiter, bien trop affamée, et mangea rapidement les gâteaux, se remplissant l'estomac.
-Merci beaucoup. Murmura-t-elle en reposant l'assiette et la tasse vide sur la table basse.
-Vous avez pas mangé depuis quand? Interrogea Cara, bluffée par le changement d'attitude de la blonde. Elle reprenait déjà des couleurs en se réchauffant et mangeant.
-Longtemps. Lâcha Alice dans un soupir, avant de paniquer. Non...Enfin...Je...
-Eh! Tout va bien. Rassura Cara en posant sa main sur l'avant bras de la jeune femme, voulant la rassurer. Mais la blonde retira vivement son bras. Pardon. Est ce que vous allez bien?
-Je crois que là oui. Fit tout bas Alice. Pourquoi vous m'avez ramené ici? Osa-t-elle demander.
-Parce que vous étiez chamboulée, frigorifiée et que vous ne saviez plus où aller. Répondit simplement Cara. Vous habitez où? Que je vous ramène ensuite. Enchaina-t-elle.
Alice déglutit difficilement, elle n'avait pas envie de passer pour plus perdue et plus faible qu'elle ne l'était déjà, mais elle ne pouvait pas non plus lui mentir. Cara était adorable et accueillante, elle se devait d'être sincère avec elle.
-Nul part. Fit-elle dans un soupir.
-Mais où avez vous dormi ces derniers jours? Demanda Cara, soudainement très paniquée.
-Le jour je marche. La nuit je m'abrite où je peux. Avoua la blonde en déglutissant, mal à l'aise. Je vais vous rendre votre pull, reprendre mes affaires et partir, je sais ça fait pas rêver une fille comme moi, sans abris. Enchaina-t-elle, surtout par honte.
-Non, vous restez là. Insista la brune en appuyant sur son genoux, pour l'empêcher de se lever. Il fait bien trop froid dehors pour que je vous laisse une nuit de plus dans la rue. Je vais vous faire un vrai repas et vous dormirez ici, hors de question que je vous laisse dehors. Assura Cara, le regard à la fois doux, mais emprunt d'assurance et de force prouvant la sincérité de ses mots.
-Je ne veux pas m'inviter. Souffla Alice, tirant sur les manches du pull, angoissée à l'idée qu'on voit ses bras, son corps.
-Je vous invite, et en suis ravie. Je suis plutôt solitaire, alors je suis contente de vous avoir ici. Rassurez vous, vous êtes ici et rien ne peut arriver. Ajouta Cara en voyant ce geste de la jeune femme, qu'elle trouvait de plus en plus étrange, elle avait l'impression qu'elle cherchait à se protéger de quelque chose.
-Ça n'existe pas les gens qui font des choses sans rien attendre en retour. Alors que dois je faire? Interrogea la blonde, le regard sur ses mains liées sur ses cuisses.
-Rien. Je vous en prie, rien, je veux juste être sûre que vous allez bien. Et si vous voulez me parler, sachez que je peux tout entendre, je ne juge pas. Sourit Cara pour la rassurer.
-Vous êtes quoi au juste? Une espèce d'ange ou une connerie du genre? S'étonna Alice, peu habituée à tant de gentillesse, elle trouvait ça bizarre.
-Non, j'ai juste depuis toujours la capacité de sentir chez certaines personnes leurs capacité à être merveilleux. Et je suis presque sûre que la vie ne vous à pas gâtée mais que vous pouvez faire des choses merveilleuses. Expliqua la brune, assez simplement, comme si tout cela était banal et normal.
Depuis ça plus tendre enfance elle savait toujours si une personne était ou bonne ou non, elle savait si c'était quelqu'un de bien ou pas. Personne ne savait comment cela était possible, toujours est il que en cette vingtaine d'années elle ne s'était jamais trompée. Et elle n'avait jamais ressenti autant de merveilleux en une personne que en Alice en cet instant.
-Alors juste cette nuit, je ne dérangerais pas plus, promis. Merci. Accepta alors Alice, peu à l'aise, mais se sentant toujours frigorifiée et faible elle préférait ne pas ressortir maintenant et en plus la jeune femme dégageait quelque chose de rassurant et doux.
-Restez le temps que vous voulez, et dont vous avez besoin. Rassura gentiment Cara. Je vous propose que vous preniez un bain pendant que je fais à manger, ça vous réchauffera. Tentée? Sourit la jeune femme pour la détendre et la mettre à l'aise.
-Un peu oui. Mais je ne voudrais pas abuser. Rougit, gênée, Alice.
-Je propose, donc vous ne gênez pas. Rassura Cara. Tu veux bien qu'on se tutoie? Ça sera plus agréable ainsi. Proposa-t-elle.
Alice hocha la tête pour acquiescer, elle ne savait que dire, toute sa vie elle était tombée sur des boulets, des gens mauvais qui tiraient profit d'elle avant de la délaisser. Mais aujourd'hui cette femme lui proposait tout pour qu'elle soit bien, elle lui offrait toute sa gentillesse sans raison, elles ne se connaissaient pas, elles étaient des étrangères deux heures auparavant, et pourtant la jeune femme brune à ses côtés était tout ce qu'il y a de plus adorable. De plus Alice se sentait étrangement en confiance, elle sentait la sincérité et la bonté qui se dégageait de Cara, et avait confiance. Alors quand cette dernière lui proposa de la suivre à la salle de bain elle posa sa tasse et la suivit, tirant sur son pull, s'assurant d'être bien cachée. Cara lui sortit serviette, savon et vêtements de rechange, un simple jogging en plus d'un teeshirt pour remplacer ces vêtement humidifiés par le froid et la neige.
-Si tu as besoin tu m'appelles je suis dans la cuisine. N'hésite pas d'accord? S'assura la brune.
-D'accord. Merci. Chuchota Alice en regardant la salle de bain. Tu ne rentres pas d'accord? S'assura-t-elle soudainement terrifiée à l'idée que la jeune femme la voit, si ça devait arriver elle serait foutue, Cara comme d'autres avant la mettrait dehors.
-Évidemment que non. Je vais te laisser, rejoins moi quand tu seras prête. Assura Cara avec un doux sourire ayant pour but de la rassurer.
Elle sortit de la salle de bain et Alice se tourna enfin vers le miroir. Elle vérifia son apparence. Elle avait l'air de rien. Les cheveux en vrac, les cernes sous ses yeux ne s'arrêtaient plus, son teint était plus pâle que jamais il n'avait été, ses yeux fatigués, tout était fait pour qu'elle repousse n'importe qui, mais Cara n'avait pas été effrayée. La brune se fichait de son apparence et Alice avait du mal à réaliser. Comment pouvait elle l'accepter aussi simplement? Peut-être à cause de ce quelque chose, Alice le sentait, il y avait ce quelque chose indéfinissable qui les attirait l'une vers l'autre, ce quelque chose qui la faisait se sentir en confiance et en sécurité alors qu'elle ne la connaissait pas.
Un frisson parcouru son corps, lui faisant se souvenir qu'elle devait prendre une douche. Lentement elle retira son pantalon et ses chaussettes, puis le pull et son teeshirt humide. En sous-vêtements, elle fit tomber celui du haut. Elle jeta un oeil à son reflet, ce qu'elle faisait rarement d'ordinaire. Son regard n'était plus brillant comme quelques semaines avant, bien trop fatiguée, mais son corps lui brillait toujours. Depuis l'âge de trois ans elle brillait, et en dix-sept ans elle avait tout tenté, rien à faire elle brillait. Alors elle se cachait et laissait voir de sa peau seulement ses mains et son visage, les seules parties de son corps non touché par cela.
Ne supportant plus de se voir elle tourna la tête vers le bain rempli par la brune, et se glissa dedans. L'eau chaude réveilla son corps, lui redonnant de l'énergie et de la vie. Elle n'avait pas eu le droit à cette sensation si douce depuis des semaines, et c'était probablement la première fois de sa vie qu'elle prenait plaisir à prendre un bain, la première fois qu'elle ne le faisait pas à tout allure par peur d'être surprise. Elle était si bien qu'elle osa laisser son corps se décrisper pour s'allonger au mieux dans la baignoire. Ses muscles lentement se détendaient, ses membres se décontractaient, son corps s'allégeaient, elle ne se sentait plus lourde. C'était agréable. Elle se laissa glisser entièrement dans l'eau, fermant les yeux, ses cheveux courts flottants autour d'elle. C'était définitivement une des rares sensations de la vie qui la comblait autant. À bien y penser le sentiment qu'elle avait dès qu'elle était près de Cara était aussi fortement agréable et plaisant.
Des coups réguliers sur la porte la firent ressortirent la tête de l'eau.
-Alice? Appelait la jeune femme de l'autre côté.
-Oui, oui je suis là, ne rentre pas. Enchaina la jeune femme dans son bain, soudainement angoissée.
-Non, ne t'inquiète pas. J'ai juste oublié de te dire que dans ma chambre, sur mon lit j'ai posé des vêtements, tu pourras choisir ceux que tu veux mettre, les tiens sont mouillés. Et ma chambre est juste de l'autre côté du couloir, en face quand tu sors. Prévint Cara de l'autre côté de la porte.
-Merci. Répondit tout bas Alice, mais juste assez fort pour que Cara entende.
Cette femme était décidément un véritable cadeau. Alice prit le savon, et respira doucement son parfum, douce odeur de fleur, elle avait sentit cette fragrance sur Cara un peu plus tôt. Elle se savonna avec, avant d'aussi laver ses cheveux. Quand elle sortit du bain, elle s'emmitoufla dans sa serviette, et regarda l'eau s'écouler. Il est vrai que le bain n'était pas de trop, l'eau qui partait dans la bonde était légèrement noircie, elle avait vraiment bien fait de se laver. Elle s'essuya rapidement, puis réalisa. Les vêtements étaient dans la chambre, elle devait sortir seulement vêtue d'une serviette. Son reflet dans le miroir lui fit bien voir encore cette étrangeté et se souvint de toute les fois où ça lui avait apporté des malheurs quand ça avait été découvert. Alors elle entrouvrit la port et vérifia que Cara n'était pas là. Les bruits provenant de la cuisine la rassurèrent et le pull prêté plus tôt dans une main elle alla rapidement sur la pointe des pieds à la chambre de Cara. Elle prit le pantalon noir, long et souple, l'enfila sur le boxer prit juste avant. Elle eut une courte hésitation et porta son choix sur un teeshirt rouge, à manches longues avant de mettre par dessus le pull. Elle glissa ses pieds dans des chaussettes très haute et en se tournant elle se vit dans le miroir. Seul ses mains et son visage se voyaient, parfait. Elle pouvait rejoindre Cara.
Elle se rendit à la cuisine, un peu hésitante, et dans l'encadrement de la porte elle vit la brune devant la gazinière. Des notes de musiques flottaient dans l'air et Cara se déhanchait légèrement dessus, la jeune femme s'était changée, elle ne portait plus qu'un sweat et un pantalon souple, probablement son pyjama. Alice resta immobile à l'observer quelques minutes, se délectant de l'odeur.
-Tu veux que je t'aide? Proposa-t-elle en tirant nerveusement sur ses manches.
-Oh Alice! Sursauta la brune. Je ne t'avais pas entendue, je fais des crêpes, ça te va? Sourit Cara.
-Oui, oui, c'est parfait, merci. Acquiesça la blonde en se grattant la nuque nerveusement, s'approchant doucement.
-Si tu veux on peut regarder un film en mangeant, et ensuite tu te coucheras dans mon lit et je dormirais sur le canapé. Proposa Cara en voyant la jeune femme arriver à côté d'elle.
-Non non, le canapé m'ira très bien, je ne veux pas chambouler ta vie. Expliqua la blonde, refusant d'un signe de tête.
-D'accord, mais alors accepte de rester chez moi tant que tu n'auras rien trouvé d'autre? Enchaina de suite Cara en la regardant avec un sourire qui se voulait doux et encourageant.
Alice la fixa un instant, osant planter son regard dans le sien, elle avait l'étrange sensation d'avoir un lien avec cette femme, elle ne savait pas vraiment comment l'expliquer mais quelque chose faisait qu'elle voulait en savoir plus sur elle.
-Merci alors. Souffla Alice. Je peux te demander pourquoi tu me propose cela alors que je suis une inconnue? Osa-t-elle, tirant sur ses manches, vieux réflexe qu'elle gardait, bien trop habituée à être rejetée quand on voyait sa peau.
-Parce que je sais quand une personne vaut la peine, et je suis persuadée que tu es quelqu'un de magique et génial, et que l'idée même que tu restes à la rue me révulse. Répondit la brune, avec sérieux et en même temps une certaine désinvolture dans sa voix, elle retourna la crêpe dans la poêle et se tourna vers Alice. Écoute, je veux te forcer à rien, mais je ne veux pas non plus que malheur t'arrive. Je peux tout entendre, tout accepter et je peux répondre à toutes tes questions. Donc si tu veux parler, n'hésite pas. Encouragea Cara.
-Pourquoi j'ai l'impression que tu es sincère et que tu ne me jugeras réellement sur rien? Demanda Alice, choquée par ce sentiment de bienveillance que dégageait la jeune femme, et auquel elle n'avait pas été habituée.
-Parce que c'est le cas. Je me sens souvent différente des gens, et je le suis à cause de quelque chose que je dois continuellement cacher. J'ai l'impression aussi que c'est ton cas. Déclara Cara. Encore une crêpe et j'ai fini.
Alice, la bouche entrouverte la fixait, ne sachant ni que dire ni que faire. Elle la regarda mettre la pâte dans la poêle puis se tourna pour sortir mais revint vers elle, prête à parler, la bouche entrouverte. Mais rien, alors elle se tourna encore fit deux pas, mais revint à nouveau.
-Tu fais quoi dans ta vie? T'as quel âge? Demanda-t-elle.
-Vingt deux ans, je suis étudiante en littérature. Répondit Cara avec un sourire en coin, la jeune femme la faisait rire, et en même temps elle sentait qu'elle réussissait progressivement à la mettre à l'aise et adorait voir cela.
Alice l'avait véritablement touchée, ce bout de femme perdue et peiné dans la neige lui avait brisé le coeur, mais depuis maintenant deux heures, chez elle, Alice avait reprit des couleurs, et avait l'air moins peinée, toujours perdue cependant, seulement se dégageait d'elle ce que Cara avait ressenti dès le début mais en plus fort encore. Cette blonde était comme elle, elle en était sûre, c'était une insolite, elle aussi elle pouvait faire des choses qui n'étaient pas explicable, ce que les films et les contes d'aujourd'hui appelait de la magie. Mais elle n'allait clairement pas lui demander de but en blanc en cet instant alors que la jeune femme s'apaisait doucement, avec les minutes.
-Demain tu fais quoi? Osa demander Alice se grattant à nouveau la nuque, gênée.
-Je reste ici. Et toi aussi. Répondit Cara en éteignant le feu sous la poêle, et prenant l'assiette de crêpes pour la poser sur le plateau déposé sur le comptoir derrière elle.
-Est ce que tu accepterais, je sais que je devrais m'expliquer comme tu m'accueilles, mais tu accepterais que ce soir on ne parle pas, mais que demain je te parle? Je crois que étrangement, même sans te connaître, je peux te faire confiance. Bredouilla-t-elle peu à l'aise.
-Tu peux me faire confiance, et bien sûr demain on prendra le temps de parler. Tu dois aussi avoir quelques questions à me poser. Mais pour ce soir des crêpes et un film d'accord? Sourit gentiment Cara.
-Merci. T'es vraiment une personne assez atypique mais dans le bon sens du terme. Remarqua la blonde avant de tourner les talons, avançant avec hésitation, n'osant toujours pas vraiment aller dans cet appartement qui n'était pas le sien.
Cara la suivit en souriant et la fit s'installer dans le canapé au fond de la pièce principale de vie, là où la télé était. Côte à côte, la brune lui donna un plaid que Alice entoura autour des son corps, ce que Cara fit quelques minutes après. Elles regardèrent un film en mangeant, et Alice, s'endormit avant la fin, épuisée par ces courtes nuits et ces longues journées accumulées. Cara l'allongea alors, mettant un oreiller sous sa tête, la couvrant de son plaid en plus, et éteignit la lumière. Le plateau dans la cuisine, elle partit se coucher à son tour.

{Dessin : Bryce Wong, Pinterest}

Briller.Where stories live. Discover now