Perles de lune

22. Quoi qu'il arrive

A Styre comme ailleurs, les plus banals ou les plus extraordinaires des évènements ne changent pas le cours des choses. Quoi qu'il arrive, la vie continue.

A travers les prés bordant la ferme de Fosseterre, un cavalier galopait à brides abattues. Il portait une ganse verte nouée autour du bras, signe de reconnaissance des courriers du roi Ghudéon. Chargé de transmettre un message au général en chef de la Cité, il maintint l'allure jusqu'à ce qu'il aperçoive au loin la troupe meurtrie revenant de la grotte de Biaulac. Immédiatement, le coursier fit un signe de l'avant-bras et relâcha la bride. En sueur, sa monture frissonna avant de souffler à son aise et de récupérer de ses efforts. Dans le ciel, une palombe vola à tire d'aile. Ayant pris le relais, elle tenait la coursive entre ses griffes. Rapide et agile, l'oiseau n'eut aucun mal à venir se poser sur les bois majestueux d'un cerf élaphe. Le message était alarmant. Helzegor venait de lancer une attaque sur la Cité.

- Comment a-t-il pu ? Nous allons le tailler en pièce et en faire du torchis, eut à peine le temps d'aboyer Helquin avant de lancer un redoutable cri de guerre et de galoper comme un dératé vers les Salamandriers.

Cette nouvelle eu l'effet d'une bombe qui fit exploser le général en chef.

- Nous allons te faire payer le malheur qui s'est abattu sur nos enfants, beugla-t-il dangereusement aveuglé par la haine.

Ses guerriers le suivirent accompagnés de Cerfènes en furie. Blàinn voulut se joindre à cette charge, mais un quatre-sabots portant une petite victime le retint fermement par le bras.

- C'est le travail des soldats, lui dit-il. Nous devons nous occuper des rescapés. Ils ont besoin de nous et Memphré a besoin de toi.

- Memphré a besoin d'être vengée, rétorqua Blàinn rouge de colère, sans comprendre l'intervention de VoyezVous qui ne relâchait pas son emprise.

Son corps d'orignal était imposant. Perché sur de longues et fines pattes guêtrées de blanc, sa robe brun rouge façonnait des muscles massifs supportant un torse d'athlète. La taille au garrot du Cerfène était plus haute que celle du cheval sur lequel était monté Blàinn et c'est d'en bas qu'il admira les larges bois en forme de pales légèrement torsadées et couronnées de pointes. Son regard bleu ciel rayonnait et avait le don de convaincre. Impressionné par cet être magnifique aux bois d'une envergure extraordinaire, Blàinn se sentit minuscule et en conclut qu'il valait mieux être allié qu'ennemi de ce peuple admirable.

- Nous punirons les coupables de ces horreurs,reprit VoyezVous, mais pour le moment nous devons nous occuper des victimes.

Blàinn porta alors son regard vers Memphré et comprit qu'elle le suppliait de rester.

- Comment Helzegor a-t-il été prévenu du départ précipité d'Helquin ? demanda-t-il ayant retrouvé calme et raisonnement.

- C'est une excellente question, jeune homme. Il est grand temps que Styre s'occupe sérieusement de ses traîtres.

VoyezVous jeta un œil sur la troupe de quatre sabots portant les jeunes vieillards puis se remit à cheminer doucement.