DEMONIC WORDS

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« Je fixais la mer sans vraiment la fixer. Je ne sentais plus mes membres dénudés contre le sable. Mes cheveux qui caressaient mes lèvres ne me chatouillaient presque plus. Le ciel était... Le ciel était rouge, presque violet par endroit. Le mouvement de l'océan berçait mes pensées, les ordonnait. Et je restais spectatrice. Spectatrice de mon immobilité. Tout était en harmonie, je ne voulais rien perturber. Un vent doux et tiède hérissait mes poils. Tandis que les cailloux se déplaçaient au rythme des rouleaux déferlants. C'était tout calme. Tout sonnait comme un murmure, tout flottait dans l'air, tout était pur et innocent. Intense à la fois. Mon cœur ne pouvait battre que dans cette atmosphère où l'air était respectueux. Où je n'étouffais pas. Les branches se penchaient pour recouvrir nos têtes, puis se relevaient pour nous laisser voir les nuages. La luminosité baissait à mesure que le vent augmentait sa force.

       Vous vous demandez si je la voyais venir de ses pas de louve. En fait, je l'observais depuis le début. Son regard brûlait et des cendres s'en échappaient. Se déposant doucement sur l'eau, pour venir se rabattre à nos pieds comme une alarme. Il fallait fuir.

       Mais la tentation d'un cocktail sous la pluie était tentant. Alors j'ai laissé les gouttes d'eau couler sur mon corps. Je les ai laissées mouiller ma peau. Je les ai laissées aller où elles voulaient. Même sur toi. L'enfer s'est estompé et a filé sous les vagues, comme résigné.

       Elle était là. Dans ce vent qui me frappait, dans cette pluie qui m'humidifiait, dans ce sable chaud mais granuleux qui faisait le contraste. Partout où elle pouvait aller, elle y allait. Mais j'étais tellement fermée depuis ce jour qu'il n'existait plus aucune clé compatible à ma serrure. Avais-je déjà une serrure ? Toute possibilité de me décoincer était vaincue. Elle avait beau être mon ennemi, c'était la seule qui s'entêtait à mon sujet. De loin ou de près, nous étions connectées.
Par la haine.

       Elle optimisait même l'espace par le ciel, il exerçait un poids incommensurable sur mes épaules. À défaut de pouvoir me détruire de l'intérieur, elle pouvait toujours me compresser de l'extérieur. Et c'est ce qu'elle faisait. Elle appuyait sur chacun de mes points sensibles.

       Je ne savais pas comment tu aurais réagi, si je disais à voix haute mes pensées. Si je disais à voix haute que j'aurais aimé que tes bras, ballants au dessus de tes genoux, enlacent mon corps jusqu'à ce que la mer nous recouvre. Je ne savais pas parce que je ne voulais pas savoir. Je ne voulais pas savoir que tu m'aimais. Non. Parce que je n'étais pas sûre de ma force à résister à une nouvelle foudre d'elle. Elle est forte, je l'avoue.

       Elle était devenue une source d'inspiration. On dit qu'il y a du bon dans tout. Alors j'ai même trouvé du bon en elle.

       J'ai eu fini d'attendre que l'eau arrive à notre hauteur. Je voyais que tu ne bougeais pas. Tu étais aussi statique que moi, depuis le départ.

       La lune nous narguait, elle était en elle. Je n'avais que les étoiles pour me faire pardonner. Et mes yeux ne me servaient plus qu'à observer ce que j'avais raté. Ce pourquoi je m'étais battue. Ce que j'avais perdu. Ce que j'avais anéanti, en une nuit.

       J'ai cessé de me dire que je ne l'avais jamais voulu. Que je ne l'avais pas fait exprès. Je ne méritais pas tout ce que tu avais à m'offrir, je l'ai toujours su. J'ai toujours su que cette histoire allait s'effondrer. Pour nous emporter, dans une situation où l'espoir s'était évanoui.

       L'amour est une salope. Vous ne savez rien d'elle, vous ne savez rien de ce qu'elle est capable de vous faire faire. Vous vous donnez à un être spirituel qui fera tout pour vous déchirer, pour vous entailler de tous les angles, pour vous faire croire que tout est de votre faute. J'ai fauté. Et elle me le fait savoir chaque matin, chaque nuit, chaque instant où je me sens moins faible, moins merdique. Jamais il ne m'est arrivé de lui en vouloir. Tout ce qu'elle peut faire de là où elle est, c'est de me faire regretter. Et je ne pourrai plus ressentir autre chose que de la rage, à présent. Contre moi-même.

DEMONIC WORDSWhere stories live. Discover now