Rose et Blanche

206 26 33
                                    

14 mars 1937

Je m'appelle Rose Dulac, j'ai 5 ans. Ma particularité? J'ai une jumelle, qui s'appelle Blanche. Nous avons les mêmes cheveux blonds, les mêmes yeux bleus, les mêmes petits corps fins, les mêmes sourires enjoués.

Blanche et moi vivons avec notre mère, notre père et notre petit frère Charles (qui a 3 ans) dans une maison de campagne. J'adore son grand jardin bordé d'arbres qui cachent un étang. J'adore les volets turquoises de ma maison, et le bosquet de framboises juste en-dessous de ma fenêtre. Je n'ai qu'à me pencher pour en cueillir quelques-unes.

Blanche et moi adorons aller dans la forêt qui est tellement près! Avec l'aide des autres enfants qui habitent dans des maisons éloignées du village (comme la mienne), nous avons construit une cabane dans les arbres. Lorsque nous descendons vers l'étang en bas, nous attrapons toutes les grenouilles qui passent à notre portée. C'est magnifique, ces cailloux couverts de mousse qui dépassent de la surface, et le grand saule pleureur qui pousse sur le rivage. Nous, les enfants, sautons régulièrement sur les cailloux pour atteindre le saule et y monter, au lieu d'utiliser le pont.

Nous avons aussi une ferme, bien sûr. Avec une vache, trois oies et une bonne dizaine de poules. Des fois, je saute par-dessus la clôture du poulailler pour cueillir délicatement dans les nids les œufs encore chauds. Ou alors, je traie la vache et je bois à même le seau. Enfin... comme je suis petite, c'est papa ou maman qui la traie et verse le lait dans un verre pour que je ne me blesse pas.

J'adore quand maman cuisine. Elle fait cuire les poissons que papa pêche et la viande que nous achetons chez le charcutier du village, fait des desserts et des confitures avec les fruits que nous cueillons, et parfois même fait du pain perdu lorsque nous avons trop de pain sec.

Et il y a le village, non loin. Au village, il y a plusieurs choses: premièrement, le boulanger. Il fait du pain délicieux, je le récupère encore chaud et moelleux. Il propose aussi, derrière sa vitrine, quantité de confiseries alléchantes. Parfois, papa et maman veulent bien m'en acheter. Il y a aussi le boucher, qui vend une viande tendre et délicieuse. Et puis le marché tous les matins, avec des gens qui vendent des fruits et légumes, d'autres des épices, certains des vêtements. Plus important encore: la maison de mes grands-parents, une maisonnette confortable où ils accueillent plein d'amis. Enfin, il y a l'école.

Nous y allons cinq jours sur sept. L'institutrice est très gentille et douce. Elle a quelque chose de spécial: elle sait toujours nous reconnaître, dans n'importe quelle circonstance. Comme la majorité des gens nous confondent, nous nous habillons en couleurs différentes: elle toujours en blanc ou en bleu, moi toujours en rose ou en vert. Mais même quand nous échangeons, alors que personne ne voit la supercherie, elle réussit à la détecter. Alors nous pouvons être à côté. J'emmène toujours mon petit goûter, et Blanche emmène la même chose. Apprendre, c'est l'une des meilleures choses au monde. Nous apprenons des poésies, faisons des dictées et des opérations. C'est magique.

Avec Blanche, nous sommes totalement fusionnelles. Nous pensons la même chose au même moment. Lorsqu'elle est triste je suis triste, lorsqu'elle se blesse j'ai mal... C'est comme si nous avions quelque chose au fond de nous, quelque chose qui nous connectait.

En fait, notre vie a toujours été paisible. Il paraît qu'il y a des petites tensions avec les Allemands depuis une grande guerre il y a des années, mais moi, ça ne me concerne pas. Je ne vois pas ce qu'il pourrait arriver.

En doubleWhere stories live. Discover now