Viande furtive

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Assise sur mon strapontin, je m'efforçais de ne croiser aucun regard pour éviter les moments de gènes. Le wagon n'était miraculeusement pas rempli. Il me restait encore au moins 10 stations avant de pouvoir arriver dans ma ville. Le livre que je lisais n'était pas si intéressant que ça. A cette époque je me sentais coupable de ne pas finir un livre même si il était aussi ennuyant qu'une anthologie des tapis et moquette du 20eme siècle. J'avais besoin de faire des pauses lors de ma lecture et le spectacle qu'offraient les passagers de fortune du métro parisien étaient toujours pleins de surprise.

Mes yeux s'aventuraient autour de moi, des regards furtifs pour que les ciblés ne remarquent pas que je les observais. J'examinais les passagers et leurs vas-et-vient en fonctions des arrêts du train.  à une station au quai bondé, une grand-mère et ses deux petits-enfants entrèrent précipitamment dans mon wagon. Je ne sais pas exactement en quelle langue elle parlait à ses petits-enfants. J'avais l'impression qu'elle revenait des courses et que ses petits-enfants l'aidaient à porter les victuailles. La petite fille tenait le caddie remplie et demandait à son frère de se tenir à celui-ci pour ne pas tomber.

La grand-mère devait surement les rabrouer pour leur dire de se placer sur le côté afin de ne pas gêner levas et viens des passagers. Les enfants se sont ainsi rapprochés de moi. Ils étaient mignons mais je pouvais déceler une certaine crainte. Peut-être que la grand-mère était une femme strict et qu'ils craignaient une engueulade de sa part.

Les deux enfants étaient habillés avec des vêtements de seconde main. Les vêtements dépareillés étaient trop grand pour eux et quelque peu abimés. Ils parlaient entre eux discrètement alors que la grand-mère portait son regard sur le quai.

Des enfants dans le métro ce n'était pas une surprise. Il y avait ceux qui rentraient de l'école, ceux qui allaient aux sports, seuls ou accompagnés de leurs parents. Ils étaient bien présents dans ce paysage urbain. Je ne pouvais pourtant pas les quitter des yeux. Je pouvais sentir que malgré leurs apparences ils avaient un magnétisme sombre. Leurs visages étaient fermes et n'avait pas cet air nonchalant que l'on retrouve d'habitude chez les enfants. Quelque chose n'allait pas.

Le caddie aux motifs à carreaux vert et bleu avait la taille du petit garçon il le tenait d'une main mais avais la tête ailleurs. Il était tout aussi intéressé par le va et vient des passagers que sa grand-mère.

J'avais abandonné la lecture de mon livre pour mieux les observer. Je m'efforçais de ne pas les dévisager. Je naviguais/pilotais mon regard entre les enfants et le reste du wagon pour éviter de me faire prendre. Un mouvement de foule à la station Port Royal poussa les enfants encore plus près de moi. En croisant le regard de la petite fille je baissai les yeux furtivement pour ne pas la gêner et lui montrer que je les scrutais.

Le sol du métro était crasseux, des vieux chewing gum collés ressemblait à des ilots perdus au milieu d'un océan de saletés. Un liquide rouge se répandait doucement sur cette nappe grisée. Je suivais des yeux l'origine de cette source écarlate. Elle provenait du caddie. Je relevais les yeux pour éviter de fixer cet objet ensanglanté lorsque je croisa le regard de la petite fille qui désormais me fixait avec des yeux noires et des sourcils froncés. Rapidement, elle donna un coup de coude a son petit frère pour qu'il bouge la caddie. J'étais stupéfaite. Le train ralentissait et les portes s'ouvrirent. Le petit groupe s'évaporait dans la foule en sortant du wagon. Je les cherchais du regard toujours assise sur mon siege, les portes se refermaient et le metro commençait à démarrer. Je ne saurais jamais si c'était du sang humain. 

FIN

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⏰ Last updated: Mar 18, 2019 ⏰

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