18. Émotions

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Je cours à ses côtés sans même prêter attention au café par terre qui en passant a éclaboussé mon jeans et mes chaussures.
Je la tire vers moi, l'enlace et lui chuchote à l'oreille:

- Calmes toi, calmes toi. Chuut..je suis là.

Mais elle continue de se débattre en pleurant.
Les médecins retournent à leurs vacations voyant que je parviens un peu à la maitriser.

- Hey, chérie, qu'est ce qu'il se passe? Je lui demande d'un ton doux.

Elle nous explique, toujours en larmes énervée:

-J'étais dans la chambre et je parlais à Paolo. Comme d'habitude je lui disais combien je l'aime et combien il me manque, quand au bout d'un moment je suis sûre d'avoir senti son doigt bouger dans ma main, et là la machine s'est mise à biper en continu, puis les pulsations sur l'écran ont cessé .Des médecins sont arrivés affolés et m'ont faite sortir.

À se récit elle s'écroule dans les bras de la maman de Paolo et sans savoir ce qu'il en est vraiment, nous fondons tous en larmes.

Au bout d'un quart d'heure que nous harcelons tous les professionnels de santé qui passent pour en savoir plus, un médecin visiblement exténué sort et nous demande:

- La famille de Mr TORRES?

Nous nous levons tous les cinq en même temps.

- Mr TORRES a fait un arrêt cardiaque. Cependant, nous avons pu arranger ça et il va bien. Même très bien. Il est actuellement réveillé et attend la visite de... Karla, c'est ça?

- Klara, c'est Klara!
Elle lui répond avec un sourire jusqu'aux oreilles, ceci contrastant drôlement avec le mascara sur ses joues, et le teint livide qu'elle affichait jusque là.

Elle court limite en pressant le médecin pour retrouver Paolo et ça nous fait rire, tant c'est émouvant.

En un soupir de soulagement nous faisons un câlin collectif et attendons de pouvoir voir Paolo.
Quand Klara sort, elle nous dit qu'il s'est endormi, qu'il va bien, n'a aucune séquelle et qu'il embrasse tout le monde.
Elle nous explique aussi qu'il est gardé en soins intensifs cette nuit par mesure de prévention mais il sera transféré demain matin dans un autre service si tout est bon.

Rassurés, nous rentrons nous coucher, cette fois sans devoir forcer Klara. Ce qui me fait plaisir, ça me réchauffe le cœur de la voir retrouver vie à nouveau. Elle était aussi éteinte que Paolo dans son coma.

Alors je compte bien profiter de ma meilleure amie, présente physiquement et mentalement désormais.

Sur la route, sans rien lui dire, je m'arrête dans un petit pub de la ville. Sur la terrasse, des guirlandes luminaires des lampions de toutes les couleurs habillent parfaitement le décor. Un rythme de salsa retentit dans les baffles et des couples se lèvent pour danser.
Nous nous asseyions et commandons une assiette de pan con tomate et de différents fromages de la région.
Un délicieux vin rouge de la région accompagne le tout et nous savourons notre soirée entre filles.

Nous rentrons tard mais heureuses de ce moment simple, en sachant pertinemment qu'il faudra se lever tôt demain matin, alors nous filons au lit sans se faire prier.

Klara me saute dessus et je me réveille en sursaut.

- Prépares toi il est huit heures!
Elle me lance en se relevant.
J'ai fait monter le petit dé..
Le coussin que je viens de lui envoyer dans la figure l'empêche de terminer sa phrase et je ris tant sa tête est drôle à voir pour le coup.

- Tu vas me le payer cher! Elle me dit, figée, avec un air choqué, un sourire en coin.
Puis elle me court après pour me faire le pire supplice que je ne puisse supporter, des chatouilles.
J'en profite pour m'enfermer à clef dans la salle de bains et me préparer, alors que Klara tambourine à la porte, déçue de ne pas avoir réussi à m'attraper.
Une fois qu'on a déjeuné, on prend la route direction l'hôpital.

Paolo est certes fatigué et affaibli par ses derniers soucis de santé mais il va bien. L'oedeme pulmonaire s'est résorbé, sa brûlure est en bonne voie de cicatrisation et il ne garde aucune séquelle de son coma et de son début d'attaque.

En fin de matinée, nous décidons de laisser les amoureux entre eux et descendons déjeuner à la cafétéria de l'hôpital. Marisa, sa soeur et son beau-frère remontent et moi je leur dit que je passerai plus tard.
J'envoie un sms à Klara pour la prévenir et je prends la route.

Arrivée dans la brasserie que j'ai choisi comme lieu de repère lors de mes passages dans la périphérie, je commande un chocolat frappé et je rejoins la terrasse. Adossée contre le mur sur un tabouret, je suis installée à une table haute. J'avais besoin de venir par ici.
Une fois ma délicieuse boisson terminée, je prend direction mon refuge, notre refuge.

Après les parois rocailleuses passées, celles-ci me donnent toujours l'impression de franchir un passage secret, je pénètre enfin dans le puits d'eau. Mes yeux se posent instantanément sur la liane qui détient mon message...qui s'y trouve toujours.
Il n'est pas venu.
Je le savais, sinon il m'aurait appelée.

Assise entre deux lianes, je me perds dans mes souvenirs, au début avec lui.

* Flashback *

Je suis allongée sur mon lit et je réfléchis. Cela fait quelques temps que Fernando est passé à la maison l'autre jour, et je n'ai toujours pas osé en parler à mon père. Il faudra bien que je lui en parle, de toute manière. Je le ferais quand il sera sous un bon jour. Je n'ai pas envie que toute une équipe débarque encore chez moi pour lui casser la figure. Ça a fait la guerre encore plusieurs jours dans le quartier après ça, mon père, Carlos et sa bande ayant voulus se venger.
Je repense au beau garçon brun, au teint mat et au regard profond. Il s'est avéré être gentil avec moi, en me prenant contre lui pour me rassurer, même si l'instant d'après il était redevenu un inconnu.
Il a aussi découragé Fernando à defoncer ma porte.
Et pendant les affrontements en bas, il n'était pas là.
Il semble donner l'air ne pas vouloir jouer aux bêtises des hommes de notre barrio.
Pourtant il est avec eux.
Ça fait plusieurs fois lors de mes escapades chez Marisa, quand j'arrive à l'arrêt de bus au bout du quartier, donc des immeubles de son côté, qu'il me fixe. Son regard est intense, plein de mots. Que je n'arrive pas à déchiffrer.
Mais qui es-tu?

* Fin du Flashback *

Après mes rêveries, je décide de retourner à l'hôpital et je quitte donc mon antre secrète.

Quand j'ouvre la porte, je vois Klara allongée sur le lit à côté de Paolo, celui-ci ayant son bras autour de son cou.

Marisa et ses parents sont rentrés il y a peu.

- Je suis tellement contente de vous voir tous les deux comme ça. Tu nous a fait une vrai frayeur tu sais! Je m'adresse à Paolo, en relevant les sourcils et en hochant la tête.
Klara, je ne t'en parle même pas. On l'avait perdue la pauvre. Son monde s'était arrêté de tourner. Elle était en vie sans vivre.

Là je vois Klara des larmes plein les yeux, qui s'essuie le nez.

- Ben tiens, regardes.
Je dis à son amoureux en la désignant du regard.

- Je suis là, maintenant... t'en fais pas chérie. Il lui souffle en ramenant sa tête vers lui pour lui embrasser le dessus de la tête.

Ces simples mots font remonter ma bile dans ma gorge, me brûlant la trachée...
«Je suis maintenant, et pour toujours.»

Sauf que tu n'es plus là.

L'effet MiroirWhere stories live. Discover now