La Prescience (Que les Ténèbres soient)

2. Les interdits sont protections

Les interdits sont protections d'un danger disparaissant dans les oubliettes de chacun. Pourtant, ils sont révélations de l'apparition d'un chaos incertain venant d'un passé inexistant et initialement hors de l'Espace et du Temps.

La lumière ne pouvait rencontrer la ténèbre. Elle ne devait que suivre un Créateur aux milles secrets cachés de l'Univers lui-même. Quant à la ténèbre, menacée et accusée d'infini maux de la vie, elle subissait les durs coups de l'ignorance tout en acceptant d'écouter d'une sourde oreille les demandes du Père inquiet d'une faille d'un bouclier. Et les ténèbres furent interdites de rencontrer leur lumière. Et les lumières furent anéantis de ne pouvoir rencontrer leur ténèbre.

Il fut pourtant arrivé un jour où l'ombre rencontra son éclat. Ou l'éclat se tourna pour découvrir son ombre. Et malgré les interdits, la lumière et l'obscurité se rencontrèrent, se reconnurent. La lumière trahissait son Eden, l'obscurité abandonnait son Néant. Y aurait-il eu crime pour deux amants ?

Aux regards de la lumière, il ne fit aucun doute du péché. Et dans un élan de folie, il se détourna de l'obscurité pour ne plus regarder que la lumière. L'ombre avait alors crié, usant de sa plus douloureuse mélopée.

« — Pourquoi me haïr et me rejeter ainsi ? Pourquoi m'abandonner ? »

« — Je suis de lumière, tu es de ténèbre. Les interdits sont protections. Entends-les comme telles. »

Alors la première des Ombres pleura sa douleur. Elle pleura et la plus radieuse et royale Lumière ferma sa souffrance.

Tandis que toutes joies fuyaient en son être, l'ombre en Requiem naquit.

« — Et je me souviendrai encore de ce regard que tu me lançais tandis que dans mon malheur je ne pus que fléchir et m'agenouiller face à ta magnificence. »

Son regard se leva pour faire face au ciel et à l'Eternel.

« — Pourquoi m'avoir arraché le seul être qui n'était pas destiné à me disparaitre ? »

Et le ciel se ferma, se trouvant coupable dans la douleur de l'Ombre à la voix si apaisante. Le Doux Requiem baissa la tête, faisant face au sol des Hommes, souillé par leur sang, et elle se souvint de sa mission.

« Le sang souillera la terre d'une couleur écarlate. Le sang se mélangera à l'eau si clair, redeviendra pureté originelle. Le sang s'enflammera par le feu de mille passions. Le sang s'évaporera dans l'air rapide et insaisissable. Et dans cette parfaite harmonie, nous ne serons que poussière revenant à la terre. »

Alors Doux Requiem se dressa sur ses jambes, se tournant vers la tentation de la vie. Elle oublierait le regard de celui qui l'éclaira. Elle oublierait tout cela.

« Ma voix sera guide de ceux qui ne savent pas. Elle sera vie même au trépas. »

Le chant résonnerait pour accompagner ce qui, un jour, fut réel. Et chaque fois qu'elle serait face à la réalité des mots, elle verserait une larme pour cette lumière qui l'abandonna.